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Combat
Année : 1977
Système : Atari VCS
Développeur : Atari
Éditeur : Atari
Genre : Action / Arcade
Par François (21 novembre 2018)

Combat : pour la plupart des joueurs ayant eu l’occasion d’approcher une Atari VCS, c’est une vieille connaissance que ce jeu. Et pour cause, il s’agit du tout premier titre ayant accompagné le lancement de la console aux USA, vendu en bundle avec elle entre 1977 et 1982.

Combat oppose deux adversaires humains : chaque joueur est aux commandes d’un char d’assaut et doit pulvériser le petit copain d’en face, avant que ce ne soit ce dernier qui s’en charge. Les projectiles lancés par les machines de guerre ont une portée réduite : la subtilité du jeu consiste à s’approcher suffisamment près pour faire feu, sans pour autant s’exposer. Les tanks tirant uniquement droit devant eux, il faudra également prendre garde à les manœuvrer de façon à ce qu’ils conservent une position d'attaque optimale.

Admirez la puissance graphique de la VCS et prosternez-vous, pauvres mortels...

Ce gameplay efficace, quoique légèrement basique, est enrichi par la présence de nombreux modes de jeu -spécialité des cartouches de la VCS- dont les principaux sont :

- Projectiles guidés : lorsque le joueur appuie sur une direction juste après avoir fait feu, la trajectoire de l’obus est légèrement incurvée dans le sens indiqué ; multiplier les changements de direction permet ainsi de contourner un obstacle pour atteindre le char adverse qui se croyait à l’abri !

- Pong-Tank : comme son nom l’indique, cette variante permet de faire rebondir les projectiles contre les murs de l’arène où se déroule l’affrontement ; il est alors possible d’atteindre le char adverse par un tir indirect et les joueurs peuvent même en faire une condition de victoire.

- Tanks invisibles : cette option donne lieu à pas mal de possibilités tactiques, puisque l’invisibilité cesse provisoirement lorsque les tanks font feu ; la partie de cache-cache qui en découle entre deux joueurs aguerris vaut le détour…

- Il est enfin possible de régler la quantité d’obstacles présents sur le terrain, pour transformer l’arène de base en véritable labyrinthe.

C'est encore plus beau vu d'en haut : normal avec 18 coeurs graphiques cadencés à 800 MHz embarquant chacun... ah non, flûte, je me suis trompé de machine.

Autre apport de ces modes de jeu, certains d’entre eux proposent aux joueurs de passer des pesants affrontements terrestres aux combats aériens les plus dynamiques, en prenant les commandes de biplans, jets et bombardiers pour des combats en solo ou en escadrille, le tout sur fond de ciel dégagé ou comportant quelques nuages masquant la position des pilotes.

Sur terre ou dans les airs, chaque partie dure deux minutes et seize secondes (pourquoi 16 et non pas 10, 20 ou 30 ? le mystère reste entier…), délai pendant lequel chaque joueur doit remporter un maximum de manches pour s’assurer la victoire définitive.

Lyle Rains posant fièrement devant son tout premier jeu, Tank. Jet Fighter est aussi l'une de ses créations. Enfin, n'oublions pas sa contribution au légendaire Asteroids en 1979.

Combat est basé sur deux jeux d’arcade produits par Atari : Tank, sorti en 1974, et Jet Fighter, en 1975. Issu de l’imagination de Lyle Rains et Steve Bristow, Tank est le seul titre original a avoir été développé par Kee Games -connu pour être un concurrent factice monté de toutes pièces par Atari afin de déjouer les accords d’exclusivité réclamés par les distributeurs de jeux d’arcade. En plus du concept de base ultérieurement repris par Combat, le jeu comporte des champs de mines à esquiver. Succès commercial d’envergure, Tank a permis de renflouer les finances d’un Atari alors englué dans une série d’investissements hasardeux et a donné lieu à quatre suites en arcade. Jet Fighter, quant à lui, a connu une carrière plus confidentielle en salles d’arcade du fait de sa jouabilité limitée : les avions y volent automatiquement à une vitesse constante et le joueur ne peut influencer que leur trajectoire, rendant les affrontements vite rébarbatifs.

Joe Decuir tenant fièrement (lui aussi !) entre ses mains l'Atari VCS... mais il en aura fallu des bidouillages avant de parvenir au stade de la commercialisation !

Combat sur VCS est considéré comme étant le bébé de Joe Decuir et Larry Wagner. Faut-il vraiment présenter Joe Decuir? Il est l’un des principaux ingénieurs d’Atari à l’époque et participe aussi bien à la conception de l’Atari VCS qu’à l’interface SIO des Atari 400/800. Plus tard, il participera au développement de l’Amiga et, encore un peu plus tard, travaillera sur l’architecture de la norme USB. Bref, un type qui n’aura pas foutu grand-chose de sa vie. Larry Wagner, en plus d’être un programmeur talentueux, officie également comme directeur des ressources humaines : c’est lui qui dégotte les petits génies qui formeront les brillantes équipes d’Activision et Imagic.

Lorsque Joe Decuir et Larry Wagner rejoignent Atari, le développement du prototype Stella (l’ancêtre de la VCS) ainsi que de son premier jeu (Tank) par Steve Mayer et Ron Milner se heurte à quelques impasses techniques. Joe Decuir, programmeur surdoué, achève de mettre au point les puces de la console ainsi que le moteur d’affichage du jeu qui va bientôt être renommé Combat. C’est également lui qui va créer les différentes variantes du jeu et y adjoindre les combats aériens de Jet Fighter.

La Telstar Combat! ou comment Atari sait s'y prendre mieux que personne pour se tirer une balle dans le pied... Notez les deux joueurs de la pub TV : le papa s'apprêt à mettre (fièrement) sa rouste à son fiston et j'ai dans l'idée que ce dernier a intérêt à le laisser gagner : c'est que papounet a la main épaisse et l'air pas facile...

Alors que l’Atari VCS est sur le point de sortir, Decuir et Wagner se heurtent à une mauvaise surprise venue tout droit de la maison mère. D’un accord de licence conclu entre Atari et Coleco est en effet née la première version de salon du jeu Tank à travers une nouvelle variante de la célèbre console Telstar, à savoir la Telstar Combat! et ses quatre variations du jeu de base. C’est ce genre de décision aberrante qui illustre les errements d’Atari en matière de business et finira par faire fuir Decuir chez Amiga Corporation. Le succès de la Telstar Combat! n’aura heureusement pas trop d’incidences sur le lancement de la VCS, reposant sur le concept de cartouches de jeux interchangeables et un jeu en couleurs autrement plus attrayant que le noir et blanc de la Telstar Combat!

Combat 2, en dehors de graphismes plus fouillés (ou plus fouillis, selon les goûts), met à disposition du joueur une base où il peut se réfugier et à partir de laquelle il peut lancer des missiles à tête chercheuse.

Succès oblige, une suite à Combat est mise en train en 1982, avec une sortie prévue pour 1984. C'était sans compter le krach du jeu vidéo occidental survenu en 1983, mettant fin à quantité de projets, et Combat 2 ne verra jamais le jour du vivant de l’Atari VCS. Toutefois, le prototype du jeu est suffisamment avancé pour être conservé et, en 2001, plusieurs centaines de cartouches sont produites et vendues à la Classic Gaming Expo. Il s’agit-là pour Infogrames, récent acquéreur d’une marque Atari à l'agonie, de tester le terrain et, au vu de l’attrait suscité par le jeu, en fait l’un des fers de lance de l’Atari Flashback 2, sortie en 2005.

Combat en 3D : à première vue, le jeu n'a pas l'air si mauvais, et puis la partie débute... et c'est le drame.

Entre-temps, Infogrames, décidément très investie dans la récupération de cadavres, lance en 2001 un remake 3D de Combat, aussi mal fichu que peu inspiré, sorti sur PC dans l’indifférence totale. La suite, vous la connaissez : Infogrames, croyant dur comme fer avoir fait une bonne affaire en récupérant la marque Atari, renomme sa filiale Infogrames Inc. en Atari Inc. en 2003, puis change elle-même de nom en 2009 pour devenir Atari SA. Dans l’inconscience générale qui caractérise la politique de la maison durant les années 2000, personne ou presque ne semble avoir réalisé qu’à force d’enchaîner les échecs, le nom Atari est devenu synonyme de lose en puissance.

Retour sur terre en 2013 avec le dépôt de bilan des différentes sociétés du groupe : à défaut d’avoir connu la période faste d’Atari, Infogrames en aura au moins partagé la chute… Quant à Bruno Bonnell, cofondateur d’Infogrames et grand sachem manitou responsable de l’acquisition de la marque Atari (à travers le rachat d’Hasbro Interactive en 2000), il est débarqué de sa propre boîte en 2006, suite à des pertes records. Après avoir navigué dans le milieu de la robotique et des médias, avec le succès que l’on sait (notamment en incarnant le patron de l’émission The Apprentice, déprogrammée en vitesse après des audiences catastrophiques), il a offert ses talents à la France entière en entrant en politique. Devenu en 2017 député LREM au service de la Macronie, Bruno Bonnell compte bien faire profiter le pays de sa formidable expérience : sauve qui peut !

Et Combat dans tout ça? Il poursuit tranquillement son petit bonhomme de chemin au fil des compilations de jeux Atari parues sur différents supports : Nintendo DS, Xbox 360, smartphones… S’il ne risque pas de rivaliser techniquement avec la légion de jeux vidéo apparue dans son sillage et mettant en scène des chars d’assaut, Combat, avec ses différentes variantes, est un jeu multijoueur toujours aussi plaisant de nos jours : encore faut-il se montrer tolérant aux gros pixels composant ses graphismes pour l’apprécier à sa juste valeur...

François
(21 novembre 2018)
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