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Fallout - La série
Année : 1997
Système : Windows, Playstation 3, Playstation 4, Xbox 360, Xbox One
Développeur : Interplay
Éditeur : Interplay
Genre : RPG / FPS

4e partie - Fallout 3

Année : 2008 - Systèmes : PC, Xbox 360, PS3 - Développeur : Bethesda Games Studios - Editeur : Bethesda Softworks - Support : DVD

Dès le début, les fans de Fallout nostalgiques de l'époque Black Isle se sont méfiés de Bethesda. Il faut dire que les deux studios n'ont pas franchement la même approche du RPG. Black Isle a toujours eu le jeu de rôle papier en ligne de mire et tenté d'offrir au joueur une progression la plus ouverte possible, avec la possibilité de modifier de manière permanente l'univers dans lequel il évolue par des choix tranchés, moralement complexes, qu'il doit pleinement assumer. Bethesda, et cette tendance s'est accentuée à partir d'Oblivion, préfère le laisser partir dans la direction souhaitée sans pour autant lui barrer les autres chemins possibles. Cela passe par une série de mécanismes parfois très visibles visant à ce qu'il soit possible de tout faire, de tout essayer, dans le cadre d'une seule partie. Autre crainte : alors que Fallout a toujours cherché une originalité maximale et un propos engagé, Bethesda est associé à une heroic fantasy classique, sans lien thématique avec le monde réel.

Partant de là il est facile de voir en Black Isle l'artiste maudit et en Bethesda l'élève bosseur et opportuniste. Certains fans sont tombés dans ce raccourci et n'ont laissé à Fallout 3 aucune chance de leur plaire. Ceux qui ont découvert la série avec cet épisode, en revanche, l'ont en général beaucoup aimé. Il est même souvent présenté comme le meilleur jeu de 2008, au moins du point de vue américain. Son succès considérable a donc scellé l'avenir de la licence : c'est à ça que les prochains épisodes ressembleront. Reste à savoir sur quelle fourchette la qualité d'un Fallout "à la mode Elder Scrolls" peut varier, et sur quels critères.

Retour aux sources

Il fallait s'y attendre dans le cadre d'un changement de développeur : cet épisode ne poursuit pas les expérimentations du précédent, au contraire il s'en tient aux bases. La séquence d'introduction est une version modernisée de celle de Fallout 1 (avec cette fois I Don't Want To Set The World On Fire, des Inkspots), et votre personnage est originaire d'un abri. Le jeu démarre par votre naissance, observée en vue subjective. On est en 2258, peu de temps après les événements de Fallout 2. C'est votre père, médecin-chef de l'Abri 101, qui assure l'accouchement. Saut dans le temps : vous avez à présent 1 an, le jeu vous donne les commandes pour faire quelques pas en direction de votre père. Votre mère a péri lors de l'accouchement, ne reste d'elle qu'une phrase accrochée au mur, son passage préféré de la Bible : Je suis Alpha et Omega, le commencement et la fin. Aux assoiffés je donnerai gratuitement les Eaux de Vie. Cette courte séquence d'exploration vous mène à un livre pour enfants où se règlent les valeurs S.P.E.C.I.A.L.

Un Paladin de la Confrérie de l'Acier veille sur une capitale fédérale dévastées par les bombes. Pendant ce temps, un enfant naît, plusieurs mètres sous terre... Avec une entâme pareille, le jeu met toutes les chances de son côté.

Nouveau saut dans le temps : c'est votre 10e anniversaire, votre père a organisé une petite fête et vous dialoguez avec quelques personnages en optant pour des répliques gentilles, ambigü;es ou agressives. Une bagarre avec un autre enfant peut même éclater. Le Superviseur de l'Abri vous offre un Pip-Boy, dispositif électronique fixé à votre poignet. Un zoom sur celui-ci revient à ouvrir l'inventaire de votre personnage. À présent vous voilà âgé de 16 ans, sur le point de passer un examen supposé déterminer, par un QCM, vos fonctions dans l'Abri. En fait, il s'agit de répartir des compétences : troc, réparation, médecine, sciences, armes légères, lourdes, à énergie, explosifs, combat à mains nues, crochetage, discours et discrétion. Votre personnage se spécialise, mais vous garderez le contrôle de son évolution : à chaque augmentation de niveau (et non plus toutes les quatre comme dans Fallout 1), vous pourrez ajouter des points dans vos compétences, et même parfois augmenter une de vos valeurs S.P.E.C.I.A.L. Vous pourrez en outre débloquer des aptitudes (perks) : il en existe plus de 50, qui altèrent des point précis du gameplay (tour à tour enrichi, plus efficace, fun, polyvalent...). Les traits, en revanche, ont disparu. Les plus drôles, comme celui qui rend les morts d'ennemis plus gores, ont été convertis en perks.

Choix de perk lors du passage au niveau supérieur. "Esprit vif" accélère le gain en expérience (EXP), "Compréhension" rend la lecture de livres de compétences plus efficace... "Entraînement intense" ne débloque pas de perk mais permet d'augmenter un attribut S.P.E.C.I.A.L. À noter que contrairement aux Elder Scrolls, il s'agit d'un système classique où l'EXP est mise à profit pour augmenter n'importe quelle compétence.

Dernier saut dans le temps : vous avez 19 ans et tout va mal. L'Abri est envahi par des cafards géants, le Superviseur a pété les plombs et fait assassiner plusieurs personnes, et surtout votre père a disparu. Votre amie d'enfance Amata vous propose de quitter l'Abri par une sortie secrète. Seul votre père pourrait ramener le calme et reprendre les commandes, il faut le retrouver. Le jeu a démarré depuis deux heures environ, une lourde porte métallique s'ouvre, et vos yeux découvrent ce qui a fait la gloire de Fallout 3 : les terres dévastées, à perte de vue, servies par une direction artistique et un souci du détail extraordinaires. Dans les premiers Fallout, les déplacements entre deux lieux d'intérêt se faisaient sur la carte générale où des pointillés représentaient votre parcours. Ici, vous êtes en permanence immergé dans ce mélange de désert, de ruines et de plans d'eau radioactifs, qui ménage de longues promenades sans temps de chargement.

Sortie de l'Abri 101 avec un personnage féminin. Comme dans Oblivion, la vue troisième personne n'est pas réellement jouable. C'est dommage car si on recule la caméra au maximum, elle prend de la hauteur et on retrouve presque la vue des premiers Fallout. Mais ce n'est qu'un clin d'oeil.

Il faut insister là-dessus car c'est le principal point fort du jeu : ses graphismes, son ambiance, le vertige qu'il peut provoquer par sa simple exploration. Autant d'éléments soumis au vieillissement technique, certes, mais en 2008 seul Half-Life² avait fait aussi fort dans le même registre, sans toutefois proposer la même liberté de mouvement.

Quête principale

Il est d'usage que les développeurs d'un Fallout en situent l'action dans la région où ils vivent. La carte de Fallout 3 couvre donc le Maryland et l'état de Washington. La ville de Washington DC en occupe tout le quart sud-est, et le reste alterne étendues désertiques et communautés de tailles variables, réduites le plus souvent. Même s'il est possible de partir dans n'importe quelle direction sans être puni puisque le système de level scaling d'Oblivion a été conservé, vos premiers pas vous conduiront sans doute vers la ville de Megaton. Entourée de fortifications en tôle, elle regroupe plusieurs commerces et les premiers NPC amicaux rencontrés. On retrouve pour l'occasion l'approche un peu pataude de Bethesda pour les dialogues : les questions que vous pouvez poser à chaque personnage sont les mêmes, idem pour leur réponse, et certains échanges tombent à plat.

Arrivée à Megaton. La ville est tortueuse et il n'est pas aisé de trouver les différents commerces. Mais c'est un passage obligé...
...Vous pourrez y recruter un compagnon, Jericho. Comme c'est un pillard, il ne vous suivra que si vous avez un mauvais Karma.

La ville de Megaton est construite autour d'une bombe atomique qui n'a pas explosé. Certains habitants lui vouent même un culte. Un des premiers choix affectant drastiquement la moralité de votre personnage consistera soit à armer cette bombe pour le compte d'un mystérieux personnage bien habillé (Megaton est rayée de la carte mais vous découvrez un autre lieu d'échanges), soit à dénoncer celui-ci aux autorités. C'est là qu'intervient la notion de Karma, malheureusement bien mal exploitée. Avoir un bon ou un mauvais Karma ne fait que débloquer des options de dialogues ou des échanges assez accessoires, et on peut facilement inverser la tendance par des actions insignifiantes qui ont été placées là pour, comme on le craignait plus haut, permettre au joueur d'annuler les conséquences de ses choix. De nombreux aspects du jeu reproduisent ce modèle, c'est ainsi que Bethesda voit les choses, il faut faire avec. L'important reste que, malgré tout, il y ait de nombreuses manières de réussir les quêtes (en force, discrètement, par le dialogue, en piratant des terminaux, en crochetant des serrures...), et c'est tout à fait le cas.

Vue du Pip-Boy : les onglets concernent les armes, les armures, les soins et drogues, les objets de crafting, la carte et la radio. Les objets utilisés se dégradent assez vite. Pour en réparer un, il faut en trouver un autre identique. La valeur de revente d'un objet réparé ainsi est supérieure à celle des deux objets cumulés.
Pennsylvania Avenue dans Washington DC. Les combats entre la Confrérie de l'Acier et les super mutants ont transformé la ville en champ de bataille, mais plusieurs communautés y subsistent avec lesquelles ont peut tisser des liens.

Pendant les premières heures de jeu, les quêtes secondaires ne se bousculent pas au portillon. Vous resterez donc concentré sur la piste de votre père : celle-ci vous conduira rapidement à Washington DC, qui par sa topographie et son architecture est une portion de jeu indépendante du reste. Trop chargée visuellement pour que l'on puisse y naviguer sans écrans de chargement, la ville se parcourt comme un enchaînement de rues et de stations de métro abandonnées des plus angoissantes. Les principaux quartiers et monuments sont là, partiellement détruits, somptueusement représentés. De nombreux bâtiments peuvent être visités sur plusieurs étages, et vous pouvez longer les rives du Potomac jusqu'à Rivet City, petite cité établie sur un porte-avions échoué. On ne sait plus où donner de la tête. Le hic, c'est que DC est envahie par des super mutants très agressifs, sans parler des pillards et mercenaires qui veulent votre peau. Les combats sont beaucoup plus fréquents que dans les premiers Fallout...

Votre Pip-Boy est équipé d'un récepteur FM pour écouter la Galaxy News Radio et son animateur Three Dog. Celui-ci commente vos actions durant toute la quête principale et diffuse des 78 tours des années 1930 à 1960. Découvrir un Washington post-apocalyptique ainsi est un plaisir constant, mais hélas Bethesda a lésiné sur la playlist : une vingtaine de titres seulement, où figurent Billie Holliday, Danny Kaye & The Andrew Sisters, Bob Crosby (le frère de Bing), les inévitables Inkspots, Roy Brown (précurseur de Little Richard), Cole Porter, mais aussi des artistes plus oubliés comme Tex Beneke, Jack Shaindlin, et même une ou deux chansons délicieuses mais dont l'histoire n'a pas retenu le nom de l'interprète (notamment Let's Go Sunning qui est un hymne au naturisme !).

Ce super mutant va vous tuer, faites quelque chose ! En plus celui-ci porte une armure, ce n'est pas courant.
Rivet City, un porte-avion devenu ville. C'est une étape importante de la quête principale.

Au sud de DC vous rencontrez l'antenne locale de la Confrérie de l'Acier, qui a établi son QG au Pentagone. La Confrérie est aux prises avec l'Enclave, très présente au nord de la carte. La suite de l'histoire implique votre père, la Confrérie, et un projet scientifique susceptible d'améliorer les conditions de vie dans les terres dévastées (un indice sur la nature de ce projet se trouve quelque part dans cet article...). L'Enclave fera tout pour se l'approprier, dans le but, comme dans Fallout 2, de procéder à un nettoyage ethnique de la zone. C'est là que les choses coincent par rapport aux anciens Fallout : vous ne pourrez pas vraiment choisir votre camp. Travailler pour la Confrérie et combattre l'Enclave est prévu dans tous les cas de figure, avec néanmoins la possibilité de jouer les traîtres à la toute fin. L'achèvement de la quête principale implique des changements qu'il aurait été trop lourd de représenter dans un jeu d'une telle ambition graphique. Elle débouche donc sur une fin, où le sort des différents protagonistes vous est raconté. Certains paieront le prix de vos actes, d'autres en profiteront. De multiples combinaisons sont possibles, mais la conclusion est globalement optimiste et votre personnage en sort avec un statut héroïque sur lequel vous n'aurez guère de prise (on est loin du premier Fallout où, par exemple, il était possible de s'allier au Maître et devenir soi-même un mutant...).

Séance de réalité virtuelle dans l'Abri 112. Vous voilà avant-guerre, dans un hameau nommé Tranquility Lane. On retrouve l'ambiance de l'Amérique des années 50. Mais un esprit machiavélique va tenter de vous contrôler, et la promenade se transforme vite en cauchemar.
Pendant les dialogues, vous ne pouvez dire certaines phrases que si vous avez la valeur suffisante dans une compétence. Ici c'est l'intelligence, mais cela peut aussi être le discours, le troc, la médecine... La fin du jeu est conforme à la tradition Fallout avec des dialogues décisifs exigeant 100% en Discours.

Bien que figée dans un certain schéma, cette aventure jouit d'un scénario réussi et comporte son lot de grands moments : visite horrifique d'un Abri où les super mutants transforment des prisonniers humains en d'autres super mutants, rencontre avec un village entièrement peuplé d'enfants, séance de réalité virtuelle qui recrée les conditions de vie d'avant-guerre, visite d'un musée scientifique à Washington, infiltration dans le QG de l'Enclave et tête-à-tête surprenant avec son leader le président Eden... Vous aiderez également la Confrérie de l'Acier à remettre en marche Liberty Prime, un robot géant construit pendant la guerre. Il y a beaucoup de bonnes idées, dont certaines sont déjà admises comme des mèmes de la série, et le jeu regorge d'informations sur l'univers Fallout, dispensées (avec une bonne dose d'humour) par des terminaux qui se substituent aux livres des Elder Scrolls.

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