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King's Valley I & II
Année : 1985
Système : MSX
Développeur : Konami
Éditeur : Konami
Genre : Puzzle / Action / Réflexion
Par Laurent (19 novembre 2007)

King's Valley (MSX - 1985)

On a coutume de dire que le jeu vidéo moderne est miné par le recyclage et l'approche grand public, mais dans les années 80 la conjonction de ces deux phénomènes fut souvent profitable aux joueurs. Des concepts lumineux mais parfois mal exploités par les titres qui les avaient vus naître ont pu s'épanouir dans le cadre de productions ambitieuses, développées par des équipes plus importantes et testées en profondeur avant d'être commercialisées, jusqu'à atteindre une telle perfection qu'on en vient parfois à se demander s'il vaut mieux célébrer les pionniers ou les élèves les plus doués, peut-être mieux à même de procurer suffisamment de plaisir ludique pour qu'on y joue encore.

Montezuma's Revenge (pour plus d'infos, cliquez ici)

Ainsi, si les jeux développés par Konami sur MSX se distinguent presque tous par une facture irréprochable, beaucoup proposent un gameplay reprenant les bases d'un titre antérieur, parfois occidental. Dans le cas de King's Valley on pense inévitablement à Lode Runner, mais en fait c'est plutôt à une variante de Montezuma's Revenge, jeu de Parker Brothers (auteur : Robert Jaeger) sorti en 1983-84 sur les micros Atari 8-bits et divers autres systèmes, qu'on a affaire. Il s'agit d'un jeu mêlant plate-forme et énigmes, structuré en niveaux composés d'un ou plusieurs écrans, dans lequel on doit collecter des objets et échapper à différents dangers pour ouvrir une porte menant vers le niveau suivant. Le principe est compréhensible et attirant à la vue d'une simple capture d'écran.

Une formule rodée

Vu l'aspect très peu figuratif des graphismes, les développeurs ne se sont pas donné la peine d'établir un semblant de scénario. Datant de 1985, King's Valley fait partie de la première génération de jeux MSX édités par Konami, stockés sur des cartouches de 16Ko et vendus dans de grandes boîtes oranges, des jeux qui vont directement à l'essentiel : au démarrage, l'ancien logo Konami apparaît, et après une sobre page de présentation accompagnée d'un Push space key rappelant que sur MSX le jeu au clavier était toujours possible malgré les deux prises joystick, le jeu démarre sans la moindre animation d'introduction. On se contentera donc de savoir que le héros est un explorateur visitant un réseau de salles à l'intérieur de pyramides, égyptiennes à en croire les sonorités arabisantes de la musique.

Lorsque le jeu démarre, on est en terrain connu : les plates-formes sont reliées par des escaliers, et les gemmes qu'il faut collecter parfaitement visibles. Les ennemis - des momies jaunes ou blanches - sont particulièrement agressifs et mobiles, mais n'ont pas tous les mêmes capacités : ils sont soit capables de monter rapidement les escaliers et sauter mais très lents dans leurs déplacements latéraux, soit limités aux aller-retours en ligne droite sur une plate-forme, à la même vitesse que le héros. Celui-ci est très agréable à diriger, nerveux et rapide, mais pour emprunter les escaliers il faut faire une diagonale, ce qui s'avère parfois délicat (on retrouvera ce problème par la suite dans Vampire Killer, à croire que c'est une contrainte imposée délibérément au joueur). Le jeu au clavier est donc d'autant plus recommandé. Outre l'esquive, il est aussi possible d'éliminer les ennemis au moyen de couteaux abandonnés dans la pyramide, et qu'on peut utiliser à volonté.

Sur cet écran, deux gemmes, une verte et une jaune. A droite, on voir qu'est sortie de nulle part une momie.

Evidemment, les gemmes ne sont pas toutes accessibles. C'est là qu'interviennent les pioches disséminées un peu partout. Elles permettent de creuser verticalement sur une hauteur maximale correspondant à deux épaisseurs de plate-forme, et présentent deux contraintes qui font tout le sel du jeu : le héros perd la capacité de sauter lorsqu'il a une pioche en main, et chaque pioche ne peut être utilisée qu'une seule fois. Il faudra donc optimiser ses déplacements, et bien s'assurer avant de prendre une pioche que l'on pourra se rendre à l'endroit où on compte l'utiliser. Et si la plupart des pioches sont suspendues en hauteur, certaines sont posées à terre et donc forcément collectées si on passe devant. Le jeu utilise bien entendu toutes les ficelles de Lode Runner lorsqu'il s'agit de creuser, notamment les grosses épaisseurs qui nécessitent d'utiliser plusieurs pioches en veillant bien à se ménager un espace suffisant pour exécuter le mouvement, et les trous qui deviennent des pièges mortels si on n'y tombe pas armé d'une pioche.

Une certaine planification de ses enchaînements est donc nécessaire, mais c'est dans leur mise en oeuvre qu'on rencontre les principaux problèmes, car les ennemis mettent sur le héros une pression constante, le détectent de très loin et cherchent sans arrêt à se rapprocher de lui. On passe donc un temps fou à les attirer dans des endroits éloignés où ils se retrouveront bloqués suffisamment longtemps pour qu'on puisse aller creuser des trous et collecter les gemmes, ce qui nécessite la plupart du temps des aller-retours, un peu de réflexion et une bonne dose de tâtonnement. En cas d'erreur on peut souvent se rattraper car les pioches sont distribuées assez généreusement, la mobilité du héros lorsqu'il a les mains vides est excellente, et le level design ménage de nombreuses échappatoires, mais cela n'empêche pas King's Valley de proposer un challenge constant et passionnant. A noter également la présence de portes rotatives que l'on ne peut ouvrir que dans un sens, celui-ci s'inversant à l'issue de chaque passage.

A gauche, le niveau 11 vient juste de commencer, le héros arrive par un escalier. La porte de sortie apparaîtra ailleurs dans le niveau. Curieusement, on peut reprendre la porte d'entrée et retourner dans la pyramide précédente, mais ça ne sert pas à grand-chose. Sur la droite de la pyramide 11, on voit qu'il faudra tomber dans le trou armé d'une pioche pour prendre la gemme bleue. Cette pioche suffira à atteindre l'autre pioche, enfouie deux épaisseurs plus bas.

C'est aussi un jeu qui, en dépit de graphismes assez simplistes, a fait l'objet d'un vrai soin technique dans le but de le rendre intéressant et varié. Par exemple, on a vu plus haut que certaines pyramides sont constituées de plusieurs écrans (jusqu'à trois, disposés horizontalement). Lorsqu'on change d'écran en étant poursuivi par un ennemi, le déplacement de celui-ci continue alors qu'il n'apparaît plus à l'écran. Il est même possible de se retourner et lui lancer un couteau en aveugle : en revenant à l'écran précédent, on découvrira que le couteau a continué sa course pour éliminer l'ennemi. Cette gestion du hors-champ est assez rare dans le cadre d'un jeu 8-bits de ce type et de cette époque. Mais elle a des effets pervers : quand on sort d'un écran, on court en permanence le risque de tomber nez à nez sur un ennemi de l'autre côté... D'où la recommandation d'avoir le plus souvent possible un couteau en main. Mais ceux-ci empêchent le héros de sauter, au même titre que les pioches. On devra donc, dans certains cas, lancer des couteaux simplement pour les placer en réserve dans des endroits difficiles.

La tête et les jambes

En 1985 la mode du puzzle-game à la japonaise n'est pas encore vraiment lancée, et les jeux vaguement inspirés de Lode Runner comme celui-ci s'emploient encore à proposer un compromis action/réflexion. Dans King's Valley, les réflexes et l'improvisation ont tendance à l'emporter : à l'issue d'une séance de jeu, on a l'impression d'avoir passé le plus clair de son temps à fuir. Il faut aussi préciser que la progression du joueur est gérée de manière excessivement sévère, pour ne pas dire anachronique car héritée de la tradition arcade des années 1979-1982 : on ne dispose que de trois vies, et il n'y a ni sauvegarde ni continue. Terminer les 24 pyramides dans ces conditions relève de l'exploit, surtout dans la mesure où même en connaissant par coeur les enchaînements pioche-couteau-collecte, la difficulté reste bien présente. Heureusement, l'émulation solutionne le problème : en utilisant un émulateur pourvu d'une fonction save state, on peut progresser tranquillement, à son rythme, et le jeu se révèle incroyablement accrocheur. Nerveux et engageant, le gameplay n'a pas pris une ride. Si l'émulation MSX vous effraie (ne le niez pas, je vous vois déjà transpirer), sachez qu'il existe un émulateur parfaitement accessible même en n'ayant jamais touché au hardware original. Mais je vous en parlerai à la fin de l'article !

King's Valley II: The Seal of El Giza (MSX & MSX2 - 1988)

A partir de 1986-87, on sait que malgré un parc japonais atteignant les 5 millions de machines, le MSX ne s'imposera pas en tant que standard micro-informatique au niveau mondial, et l'arrivée de sa deuxième génération hardware restée fidèle à une technologie 8-bits vieillissante n'y changera pas grand chose. Mais le MSX et le MSX2, en dépit du retour en force des consoles, sont restés des supports de jeu très appréciés et Konami redouble d'effort pour les mettre en valeur, stimulé par l'utilisation de leur port cartouche qui permet tous les délires (voir l'article sur le MSX pour plus de détails). L'éditeur se montre alors très audacieux (c'est à cette époque qu'apparaissent des titres aussi novateurs sur la forme ou le fond que Metal Gear, Parodius ou Ganbare Goemon). Même lorsqu'il s'agit de lancer des suites, la firme de Kobe prend tous les risques puisque des jeux comme Maze of Galious ou King's Valley II repensent totalement le gameplay de leur prédécesseur pour en tirer quelque chose de plus original, moins "à la manière de...", et au final meilleur. Bref, Konami impose son style après avoir démontré son savoir-faire. Les jeux exceptionnels se succèdent, et la plupart d'entre eux bénéficient d'une sortie PAL. En France, on les trouve même dans les supermarchés, vendus aux alentours des 300f (45€).

Une preuve que le MSX ne passa pas totalement inaperçu en France : 3 magazines spécialisés lui furent consacrés, diffusés dans tout le pays.

- MSX News (avec ici Ganbare Goemon en couverture, testé sous le titre de Samuraï, faute de traducteur probablement) était édité par la boutique parisienne MSX Video Center, il s'agissait donc d'un magazine promotionnel avant tout qui se gardait bien de dire du mal des jeux, oubliant même de prévenir le lecteur quand ceux-ci étaient en japonais...

- MicrosMSX était le plus intéressant et ambitieux des 3, adoptant un ton encore plus virulent qu'Hebdogiciel pour défendre le standard contre les critiques injustes qu'il suscitait par chez nous. Les rédacteurs étaient en guerre contre à peu près tout le monde, mais n'oubliaient jamais d'être passionnés. En outre ils diffusaient des listings en Basic d'une qualité sans pareille, et vendaient d'excellents jeux sur cassette développés par leur soin. Une grande irrégularité de parution était le principal problème de ce magazine.

- Plus anecdotique, MSX Magazine était consensuel et surtout très avare en contenu.

Ces trois magazines n'ont tenu que sur la période 1986-87 avant d'être absorbés par des publications généralistes ou disparaître. Ils étaient rédigés dans des conditions de semi-amateurisme par des non-nippophones n'hésitant pas à inventer les bouts d'infos qui leur manquaient ! Mais les lire était un bonheur indicible. Les scans proviennent du site Passion MSX qui propose la quasi-intégralité du contenu de tous ces magazines, et une somme faramineuse de documentation concernant le MSX. Un site incontournable.

King's Valley II: The Seal of El Giza apparaît alors, orné des logos Megarom (cartouche de 128Ko) et SCC (puce sonore intégrée portant le nombre de voies à 8) et développé par un staff de 15 personnes. Autrement dit c'est une superproduction 8-bits au contenu des plus opulents : 60 pyramides, un éditeur de niveaux permettant l'enregistrement de fichiers sur cassette ou disquette, une sauvegarde de progression par mots de passe, et une bonne dizaine de thèmes musicaux. Ce sont ces derniers qui frappent les premiers au démarrage du jeu : l'ambiance orientale est toujours là, magnifiée -SCC oblige- par des sons planants aux tonalités exotiques et des effets d'écho et réverbération qui collent parfaitement au contexte. Le court thème de l'intro est du genre à vous obséder toute la journée si vous avez eu le malheur de faire une petite partie au petit déjeuner, et les musiques ingame (qui changent tous les deux ou trois niveaux) commencent par des thèmes arabisants peu surprenants avant de revenir progressivement vers l'approche mélodique caractéristique de Konami, inclassable mais toujours pertinente (deux de ces musiques ont été reprises en 2006 dans Castlevania: Portrait Of Ruin, sur DS).

Intro et premier niveau : le sprite du héros est devenu "kawai" et les décors ne font plus du tout "Apple ][". Trois ans se sont écoulés depuis King's Valley, et les développeurs japonais se sont affranchis de l'influence américaine.

Visuellement, le jeu ne compte pas parmi ce qu'on a vu de mieux sur MSX. Les décors constitués de blocs carrés sont un peu plus jolis que ceux - assez similaires - de Maze of Galious, mais pas extraordinaires pour autant, et les sprites sont de petite taille. Quand aux changements d'écrans, s'ils étaient marqués par un petit scrolling dans King's Valley, ici ils se font par simple substitution, au risque de nuire à la sensation de parcourir des environnements de grande taille. Bref, comme d'habitude Konami a privilégié avant tout l'animation et la jouabilité. Et de ce point de vue rien à redire : les sauts sont excellents, très précis et marqués par un bruitage efficace, et les escaliers ont disparu au profit d'échelles plus classiques mais bien plus faciles à emprunter.

On pose le jeu

Cette fois on a droit à un scénario, ou plutôt une mise en situation que l'on peut consulter dans le menu de démarrage. Rédigée dans cet anglais ampoulé et académique que les développeurs japonais maîtrisent comme personne, elle nous apprend que le héros descend d'une grande lignée d'explorateurs et que le monde court un grand danger. En effet, l'Egypte ancienne était peuplée, cela ne fait plus aucun doute à présent, d'individus d'origine extra-terrestre. Les pyramides n'étaient autre que des dispositifs permettant aux plus nobles d'entre eux d'être rapatriés post-mortem vers leur planète natale. Mais ces fausses sépultures étaient équipées d'un système d'autodestruction qui s'est déclenché à force de visites inopportunes. Notre héros doit se rendre au coeur d'un réseau de pyramides pour désactiver ce système.

Plus prosaïquement, le but est comme dans King's Valley de glaner un certain nombre (compris entre 4 et 16) de gemmes pour que s'ouvre la porte de sortie, celle-ci comportant des serrures qui disparaissent à mesure qu'on ramasse les gemmes (lorsqu'il y en a 16, la porte est entièrement couverte de serrures). Mais le game-design s'avère à l'usage bien plus maîtrisé. Tout a été rationalisé, équilibré, si bien que le jeu se montre beaucoup plus riche et intéressant, mais pas seulement parce qu'il intègre un plus grand nombre d'éléments ludiques. Un mot sur ces nouveautés, pour commencer : désormais on peut utiliser quatre types d'outils perforants. A la pioche qui creuse toujours verticalement (mais à présent sur une seule épaisseur de plate-forme) s'ajoute la perceuse qui permet de traverser des cloisons horizontalement, ainsi que la pelle et le marteau qui remplissent les mêmes fonctions mais n'enlèvent qu'une demi épaisseur de matière. D'autre part il existe deux types de paroi, pouvant ou non être creusées.

Il y a également quatre catégories d'ennemis : les deux momies, blanche et jaune, sont toujours là et ont conservé leurs aptitudes respectives (à une exception : cette fois aucune des deux ne peut sauter). Viendront les rejoindre en cours de route un sphinx qui se déplace par bonds, emprunte les échelles et sauter pour se promener absolument partout dans les pyramides, et une créature de pierre assez étrange : elle se roule en boule, se lance dans la direction du héros jusqu'à tomber dans un trou ou le long d'une échelle, et après chaque chute s'immobilise pendant quelques secondes. On peut alors l'utiliser comme un promontoire, ce qui fait de cet ennemi un outil au même titre qu'un danger. Les épées permettant de se débarrasser de tout ce petit monde sont toujours là, et des boomerangs viennent parfois les remplacer (très utiles contre les sphinx). Tout comme dans King's Valley il est possible de sauter par-dessus les ennemis, et même de passer en dessous dans le cas du sphinx. Lorsqu'ils se retrouvent bloqués quelque part et effectuent une série d'aller-retours en boucle, ils finissent par disparaître, et ressortent de leur sarcophage après quelques secondes.

Il n'est pas futile de décrire tous ces détails car ils sont autant de finesses qu'il va falloir exploiter pour progresser... En effet, King's Valley II s'impose définitivement comme un puzzle-game. On le sent dès que le jeu commence, avec un rythme nettement ralenti. Le héros se déplace moins vite que dans le premier volet, les ennemis aussi, et leur capacité de déplacement limitée fait qu'au départ on pense qu'ils ne poseront jamais de sérieux problèmes. On peut même se permettre de réfléchir aux parcours à emprunter sans mettre le jeu en pause, tant ils sont faciles à éviter. Mais dès le premier niveau, une évidence s'impose : les pioches et perceuses sont distribuées avec la plus extrême parcimonie, à tel point qu'il n'y a qu'une seule manière de collecter toutes les gemmes, qu'un seul ordre gagnant dans les actions à effectuer.

En progressant dans le jeu, on constatera que les pyramides peuvent s'étaler sur 6 écrans (deux rangées de 3), et que le parcours à suivre se base sur une logique d'aller-retours étendue à la totalité de cette surface. Et les pièges abondent, avec des solutions qui semblent évidentes mais conduisent à des impasses et devront être évitées au profit d'enchaînements bien plus tordus, et des ennemis qui, à mesure qu'on s'approche du parcours idéal, se retrouvent comme par hasard pile sur celui-ci alors qu'initialement on pensait ne jamais les rencontrer. Après quelques pyramides pas trop difficiles qui peuvent se conclure même en se lançant un peu à l'aveuglette, le level-design ménage d'autres surprises comme des murs qui referment certains endroits dès qu'on y soit passé une fois, et des ponts disparaissant après qu'on les a empruntés deux fois. Les portes à sens unique réversibles sont toujours là, et on découvre des blocs que l'on peut pousser pour monter dessus ou enfermer un ennemi. Ces blocs peuvent initialement se trouver à plusieurs écrans de l'endroit où ils seront indispensables.

Prise en main

Jusqu'ici on est en présence d'un puzzle-game classique, mais ce qui fait de King's Valley II un grand jeu indiscutable, c'est sa manière de pousser le joueur vers l'avant.

Tout d'abord, le game over est annihilé : on démarre avec un seule vie mais à chaque fin de niveau on en gagne une, ainsi qu'un mot de passe enregistrant cette progression. Celui-ci est constitué de 8 lettres : les 4 premières concernent le niveau atteint, les 4 suivantes le nombre de vies cumulées à ce moment. Ce codage est astucieux mais fut percé à jour dès la sortie du jeu : tous les magazines spécialisés MSX diffusèrent un petit programme en Basic de 20 lignes permettant de se constituer un mot de passe sur mesure. Mais le vrai génie de King's Valley II se situe dans la façon dont il introduit chaque nouvel élément de gameplay, toujours en douceur mais sans prendre le joueur pour un imbécile, et propose des combinaisons dont la complexité augmente à un rythme idéal. 60 niveaux c'est beaucoup, cela permet une augmentation très progressive de la difficulté, mais le risque de lasser est toujours présent. Il est ici brillamment évité : le joueur est sans cesse rappelé à son devoir de réflexion, freiné dans ses tentatives d'en finir rapidement, mais on lui laissera toujours entrevoir la solution assez tôt pour ne pas le décourager. Et si de temps en temps une pyramide un peu plus simple que la moyenne flatte son ego, c'est qu'un écueil sérieux l'attend dans la foulée. A un tel degré de maîtrise, le level-design s'apparente à un art de la manipulation, et au final King's Valley II se montre constamment passionnant. On ne le lâchera qu'après être venu à bout du (terrible) 60e niveau, après avoir appris à tirer le meilleur parti d'une quantité effarante de situations différentes.

Alors que le premier volet s'inscrit dans une tradition un rien désuète du jeu d'action qui alimente de nos jours les compilations rétro, cette suite préfigure nombre de titres très populaires sortis par la suite en tant que produit de leur époque, notamment sur consoles portables. King's Valley II pourrait être réédité sans changement majeur sur GBA ou DS près de deux décennies après sa sortie... Mais du fait qu'il n'est jamais sorti sur NES contrairement à d'autres jeux MSX célèbres, aujourd'hui peu de joueurs connaissent ses qualités.

Editeur de niveaux et versions alternatives

Comparatif des versions MSX et MSX2 : on passe de 256x192 16 couleurs à 256x212 x256 couleurs. Les graphismes sont presque inchangés car il s'agit d'un portage. Un jeu comme Usas montre mieux de quoi le MSX2 était capable.

J'ai appris en préparant cet article qu'une version spécifique au MSX2 était sortie, mais que Konami avait renoncé à la diffuser hors du Japon. Celle-ci s'avère assez peu différente. Les patterns de fond du décor sont un peu plus colorés, et les sprites ennemis gagnent une couche qui leur permet d'afficher des contours noirs assez jolis, mais le héros a la même allure et pour le reste le jeu est strictement identique (même musiques, pas plus de niveaux, animation aussi fluide sur les deux versions). Seul l'affichage du score et du niveau en cours au bas de l'écran a pu être ajouté grâce aux 20 pixels verticaux supplémentaires. Sur MSX, il fallait appuyer sur la touche F2 pour que ces informations apparaissent, dans un encadré qui cachait une partie de l'action.

L'éditeur de niveaux : en bas à gauche figure le plan global de la pyramide qu'on va créer, et on voit que celle-ci peut être bien plus étendue que celles du jeu, qui se limitaient à 6 salles. Konami s'est restreint pour mieux gérer la difficulté, et les niveaux custom gigantesques mais infaisables que certains joueurs ont créés prouvent que c'était le bon choix.

Concernant l'éditeur de niveau, je dois dire que je ne souhaite à aucun rédacteur de Grospixels (le site qui ne jette rien à la poubelle) de connaître un jour face à un projet d'article la panne d'inspiration qui fut la mienne en essayant d'en tirer quelque chose. Ce type d'éditeur pose toujours le même problème : comment motiver le joueur à créer ses propres niveaux après lui avoir fait une superbe démonstration dans ce domaine ? Konami trouva à la sortie du jeu une solution intéressante, hélas valable uniquement au Japon : un concours en partenariat avec quatre magazines spécialisés, dont le leader MSX-Fan, fut organisé. Les participants devaient envoyer des niveaux créés avec l'éditeur de King's Valley II au magazine de leur choix. Chaque magazine désigna 5 gagnants qui reçurent une cartouche intitulée Edit Contest Version. Celle-ci contient un message de félicitations de Konami, et donne accès aux 20 niveaux retenus, signés du nom de leur auteur. La ROM de cette cartouche rarissime est disponible sur le net : les niveaux en question se révèlent imaginatifs, au point même de modifier radicalement le style du jeu, mais d'une difficulté monstrueuse.

Screenshots de l'Edit Contest Version : le texte à gauche dit "Certificat de mérite délivré par Mr Tetsuhira Ogiyama, MSX-FAN -- Etant donnée la qualité supérieure de votre travail dans le cadre du concours Edit Contest, nous vous attribuons ce certificat -- 01 Mars 1989, Konami Industries Co. Ltd, toute l'équipe de développement". L'encadré en rouge est un tampon mentionnant le nom de Konami Industries. A droite : choix du logo du magazine dont on va tester la sélection de niveaux. Traduction effectuée par Wataru pour le site néerlandais Generation MSX.

On trouve sur le net, en fouillant un peu, pas mal de niveaux développés par des fans du jeu au fil des années. Les fichiers portent l'extension .ELG. On peut les utiliser avec un émulateur ou le jeu réel, et ils fonctionnent avec les deux versions de King's Valley II (MSX et MSX2). Pour finir, signalons qu'une version PC compatible MS-DOS seulement de King's Valley II est sortie en même temps que l'original sur MSX. Le portage aurait été effectué par un studio coréen nommé Aproman, mais je n'ai pas pu trouver d'infos le concernant.

King's Valley II sur PC MS-DOS (graphismes en CGA)

Trésors enfouis et triche

Comme beaucoup de jeux Konami sur Megarom MSX, King's Valley II comporte des bonus cachés rendus accessibles par des actions particulières. Dans certains niveaux, à un endroit précis de l'écran, le fait de sauter sur place fait apparaître une petite pyramide. En sautant 5 fois sur celle-ci, on accède à deux types de bonus : - Niveaux 20, 35, 43, 52, 55 : un jeu de taquin appelé apparaît à l'écran. Le réussir permet de gagner un certain nombre de vies. Moins on utilise de coups pour remettre les chiffres dans l'ordre, et plus on gagne de vies, le maximum avoisinnant 35. - Niveaux 7, 32, 40, 50, 53 : on accède au Music Stage. Un clavier est affiché à l'écran, et chaque touche joue une des musiques du jeu.

Les deux types de bonus caché.

Du côté des cheat-codes, voici deux mots de passe à entrer en début de partie qui simplifient les choses :

- TRYAGAIN : une fonction continue apparaît à l'écran game over.

- FESTIVAL : le héros est invincible. Toutefois, si on le bloque quelque part et qu'on utilise la touche de suicide F5, cette invincibilité est perdue.

Enfin, voici les mots de passe des 60 niveaux, avec à chaque fois 99 vies au compteur :

03 : ADPKAAAA - 04 : AEPKAAAA - 05 : AFPKAAAA - 06 : AGPKAAAA 07 : AHPKAAAA - 08 : AIPKAAAA - 09 : AJPKAAAA - 10 : AKPKAAAA - 11 : ALPKAAAA - 12 : AMPKAAAA - 13 : ANPKAAAA - 14 : AOPKAAAA - 15 : APPKAAAA - 16 : BAPKAAAA - 17 : BBPKAAAA - 18 : BCPKAAAA - 19 : BDPKAAAA - 20 : BEPKAAAA - 22 : BGPKAAAA - 23 : BHPKAAAA - 24 : BIPKAAAA - 25 : BJPKAAAA - 26 : BKPKAAAA - 27 : BLPKAAAA - 28 : BMPKAAAA - 29 : BNPKAAAA - 30 : BOPKAAAA - 31 : BPPKAAAA - 32 : CAPKAAAA - 33 : CBPKAAAA - 34 : CCPKAAAA - 35 : CDPKAAAA - 36 : CEPKAAAA - 37 : CFPKAAAA - 38 : CGPKAAAA - 39 : CHPKAAAA - 40 : CIPKAAAA - 42 : CKPKAAAA - 43 : CLPKAAAA - 44 : CMPKAAAA - 45 : CNPKAAAA - 46 : COPKAAAA - 47 : CPPKAAAA - 48 : DAPKAAAA - 49 : DBPKAAAA - 50 : DCPKAAAA - 51 : DDPKAAAA - 52 : DEPKAAAA - 53 : DFPKAAAA - 54 : DGPKAAAA - 55 : DHPKAAAA - 56 : DIPKAAAA - 57 : DJPKAAAA - 58 : DKPKAAAA - 59 : DLPKAAAA - 60 : DMPKAAAA

Y jouer aujourd'hui

Emulation

S'il est encore assez facile de trouver des ordinateurs MSX et MSX2 en brocante, les alimenter en jeux sur cartouche est une quête à côté de laquelle la recherche du Graal fait figure de jeu de piste pour amateurs, surtout en France. On se rabattra donc sur l'émulation, mais celle-ci a longtemps rebuté beaucoup de retro-gamers. Les émulateurs MSX sont nombreux et fonctionnent très bien, mais nécessitent un paramétrage parfois un peu complexe, en particulier lorsqu'il s'agit de lancer des roms de jeux sur cartouche. Pour s'affranchir de ces tracasseries, je ne saurais trop recommander l'émulateur BlueMSX disponible à cette adresse : http://www.bluemsx.com/download.html

BlueMSX, un émulateur remarquable pour les non-initiés.

Ce programme dispose d'une interface très soignée et parfaitement claire, en français, et il suffit de lui indiquer le fichier correspondant à la cartouche qu'on veut insérer dans son MSX virtuel pour que le jeu démarre. Ensuite, le fait que la totalité des jeux MSX reconnaissent le jeu aux clavier (touches directionnelles et barre espace) vous permettra d'essayer n'importe quel titre en quelques secondes, avant de pousser plus avant les recherches. Le menu Fichiers comporte également une commande permettant de sauvegarder et charger une image CPU, indispensable à mon sens dans le cas de King's Valley.

Quand aux roms de King's Valley et King's Valley II, vous les trouverez chez Planet Emulation, à ces adresses (elles pèsent respectivement 16 et 128Ko) :

http://www.planetemu.net/index.php?section=roms&dat=147 (King's Valley et autres jeux MSX1)

http://www.planetemu.net/index.php?section=roms&dat=148 (King's Valley II et autres jeux MSX2)

Remakes

Plusieurs existent ou sont en développement, mais ne sont pas forcément faciles à dénicher (vous rêvez de visiter le pays des liens morts ? Tapez le nom d'un jeu suivi de "remake" dans un moteur de recherche).

Parmi les gratuits, le plus célèbre est King's Valley, programmé par Christophe Huet, qui n'en est pas à son coup d'essai puisqu'on lui doit aussi des remakes de Metroid, Super Mario Bros et Maze of Galious. Ce développeur est un membre éminent de la communauté Clickteam, spécialisée dans le développement d'outils permettant de créer des jeux vidéo, qui s'est épanouie sur Internet. Clickteam s'est initialement fait connaître avec le logiciel Klik&Play sorti en 1994 sur PC, et une de leurs dernières créations est The Games Factory, qui a été utilisé pour ce remake de King's Valley. Christophe Huet a entièrement recréé le jeu, incluant 25 pyramides qui reprennent l'architecture de certains niveaux de King's Valley II, mais en y apportant de subtiles modifications qui tendent à les rendre moins difficiles qu'à l'origine, d'autant plus que les ennemis se limitent à ceux du premier King's Valley (les deux momies). Les musiques au format MIDI se rapprochent beaucoup de celles du jeu MSX, les graphismes sont très réussis (avec des sprites empruntés à Metal Slug pour les momies et Bud Tucker in Double Trouble pour le héros) et la maniabilité satisfaisante. C'est un jeu très sympathique qui vous divertira pas mal de temps sans trop vous prendre la tête.

- Une page où télécharger ce remake, et d'autres : http://shootingstarcompany.free.fr/jeux.html

- Site de la Clickteam : http://www.clickteam.com/frn/index.php

- Infos sur la Clickteam : http://wikiclick.margasoft.fr/index.php?title=Clickteam

- Interview de Christophe Huet (2002) : http://clikmag.free.fr/Clikmag2/Interviews/chuet.htm

D'autres projets de remakes freeware apparaissent en faisant des recherches, mais ils semblent peu suivis.

Du côté des logiciels payants, l'exemple le plus notable est Pharaoh's Curse Gold, un shareware développé par Ancient Soft, qui coûte une vingtaine de dollars. Il s'agit d'un plagiat partiel de King's Valley II: le gameplay est parfaitement identique (y compris le fait de jouer au clavier), mais le level-design est entièrement fait maison. Un éditeur de niveaux est également de la partie. Si on oublie la musique, aux sonorités amigaesques agréables mais bien trop répétitive, c'est un bon jeu. La démo permet de jouer 60 minutes sur la version compléte.

Site du jeu : http://www.pharaohscursegold.com

Conclusion

Vous avez toutes les clés en mains, le plan, les pioches, les perceuses... alors jouez-y ! King's Valley et King's Valley II sont d'excellents exemples à étudier pour comprendre ce que représente le travail de Konami sur MSX. N'importe quel joueur de longue date a déjà eu affaire à cet éditeur, mais ses jeux ultérieurs sur NES et SNES, des machines n'imposant pas les mêmes contraintes techniques que le MSX, n'ont pas forcément le même "parfum". Imaginez le tableau : des jeux riches et longs, manifestement conçus pour satisfaire les joueurs les plus exigeants, développés sur une machine au processeur graphique faiblard, incapable de gérer correctement un scrolling, aux sprites qui clignotent dès qu'il y en a plus d'une quinzaine à l'écran, mais par contre dotée pour l'occasion d'un processeur sonore aux capacités phénoménales...

Comment tirer un résultat cohérent de données aussi disparates ? Demandez aux gens qui ont travaillé chez Konami dans les années 80... Le plus célèbre de tous est Hideo Kojima, mais Metal Gear était un jeu MSX2, ce qui minimise un tout petit peu l'exploit. En revanche, ces gens qui ont oeuvré dans l'ombre sur Knightmare, F1-Spirit, Penguin Adventure, Nemesis ou Salamander méritent qu'on leur rende un hommage, à défaut de savoir ce qu'ils sont devenus.  

Laurent
(19 novembre 2007)
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