Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par David (09 avril 2009)
À Prince of Persia: The Sands of Time avait fait grand bruit : étonnamment fidèle à l'original et pourtant tout en trois dimensions, il était parvenu à conserver intacte la beauté du programme original tout en le modernisant. Un an plus tard, une suite intitulée Prince of Persia: Warrior Within tentait de s'attirer la sympathie des jeunes en manque d'hémoglobine. Dans cet épisode, le Prince, plus sombre et doté d'une inquiétante voix caverneuse, évoluait dans un univers menaçant tout en lacérant l'opposition sur fond de musique rock. Consciente de son erreur, l'équipe d'Ubi Montréal opéra un virage à 180 degrés qui la fit développer le très réussi (car de nouveau très oriental) Prince of Persia: the Two Thrones en 2005, puis, trois ans plus tard, d'enchaîner sur le très sobrement intitulé Prince of Persia,signe d'un nouveau départ car de très loin l'épisode 3D le plus fidèle à l'épisode originel. Les premières minutes ne laissent pourtant augurer rien de bon. Graphiquement, les pixels anormalement visibles dans les versions console trahissent une définition batarde upscalée en 720p ; le peu de couleurs qui entoure le joueur ne flatte aucunement la rétine, l'écran devoilant des teintes désespérément fades. Au niveau de la maniabilité ensuite, on s'étonne de la démarche un peu raide du héros (un comble dans un Prince of Persia, où fluidité est le maître mot), impression qui se fait plus pressante lorsque viennent les premiers sauts. Selon la position du Prince (en vérité, un pilleur de tombes à la recherche de son âne perdu dans le désert), sa trajectoire varie de façon parfois très étrange, sans que l'on ait quoi que ce soit à faire. Ainsi, au bord d'un gouffre, le Prince modifiera de lui-même ses déplacements afin qu'il puisse atteindre, par exemple, une corniche située en face, un mur sur le côté ou une fissure. L'impression de voir le héros se caler en permanence sur une sorte de rail invisible est très... visible. Car oui, Prince of Persia est un nouvel exemple de jeu de plates-formes extrêmement assisté, à la manière du précédent hit d'Ubisoft, Assassin's Creed. Mais Prince of Persia parviendra-t-il à éviter les écueils de son ancêtre étrop simpliste ? L'histoire débute de façon très banale. Un homme dans le désert, une princesse en détresse croisant fortuitement son chemin, des soldats qui lui veulent du mal, l'homme qui s'en mêle - et voilà les deux personnages lancés, bien malgré eux, dans une grande aventure. La présence de séquences de rêve assez énigmatiques laisse toutefois entrevoir une histoire plus riche qu'elle n'y paraît, dont le sens ne sera totalement révélé qu'à la toute fin du jeu lors d'une scène écho particulièrement puissante. La liberté qui est donnée au joueur dans le cadre de ces dialogues facultatifs résume parfaitement la façon dont fonctionne le jeu lui-même. Divisé en quatre zones principales toutes reliées entre elles par un désert depuis lequel s'élève le temple central du jeu, le monde de Prince of Persia autorise le joueur à s'y déplacer comme il l'entend. C'est appréciable, car si le côté extrêmement scolaire de sa construction peut prêter à sourire, ce monde-là est l'œuvre d'un excellent élève, soucieux de proposer un univers à la fois cohérent (formidable homogénéité des décors malgré leur grande diversité), riche (chaque zone est constituée de six sous-zones) et construit (toutes les zones sont parfaitement intégrées les unes aux autres, sans le moindre temps de chargement). La navigation entre ces différentes zones obéit toutefois à une règle restrictive : celle de posséder la compétence nécessaire à leur visite. Au nombre de quatre, ces compétences ne s'acquièrent qu'au fil du temps, en glanant les sphères de lumière disséminées dans tout le royaume – 1001 sphères, dont le mode d'obtention varie du très simple au très compliqué (certaines sphères sont placées à des endroits bien dissimulés et/ou très difficiles d'accès, obligeant le Prince à se contorsionner en tous sens pour les atteindre ; d'autres ne nécessitent que de suivre un chemin tout tracé). Bien plus visibles que les drapeaux d'Assassin's Creed (ouf) ou les orbes bleus de Crackdown, ces sphères sont absorbées par Elika qui, petit à petit, gagne en puissance et donne accès aux fameuses compétences, indispensables pour activer les plaques sacrées menant à toutes les zones. En fonction des sous-zones auxquelles le joueur voudra accéder, ce dernier sera libre d'activer les compétences adéquates à intervalles réguliers, une fois le nombre de sphères requis obtenu. Les sphères ne sont toutefois pas immédiatement accessibles. Plongé dans l'obscurité, le monde de Prince of Persia est habité par le mal. Arhiman, un dieu malfaisant emprisonné dans le temple du désert depuis des millénaires, est sur le point d'en sortir – les raisons de ce désastre annoncé ne seront élucidées qu'au fil de l'aventure. L'objectif d'Elika, aidé par le Prince, est simple : purifier chacune des sous-zones en atteignant leur « terre fertile », symbolisée par une colonne de lumière visible de très loin. Lorsque toutes les zones du royaume seront purifiées, alors seulement Arhiman pourra-t-il de nouveau être contenu dans les tréfonds du temple. Bien entendu, cette purification ne se fera jamais sans une violente réaction des forces du mal. C'est là que le lien de parenté avec l'épisode original de Prince of Persia développé par Jordan Mechner en 1989, saute particulièrement aux yeux. Outre quelques gardiens difformes protégeant l'entrée de chaque sanctuaire infecté, le Prince et Elika devront affronter à plusieurs reprises quatre personnages à l'histoire très développée, à la personnalité beaucoup plus affirmée, et aux compétences de combat plus personnelles : le Chasseur, un ancien soldat bossu très rapide et adepte des lames, a élu domicile dans la Citadelle Ruinée ; l'Alchimiste, dont les talents en magie noire lui permettent d'user de toutes sortes de techniques déstabilisantes, s'est réfugié dans la Vallée ; la Concubine, fourbe et maîtresse des illusions, vit dans le Palais Royal ; le Guerrier, enfin, lent mais fort comme un roc, arpente les solides tours de la Cité des Lumières. Fidèle à la façon dont étaient gérés les combats dans le programme original de Mechner, chaque escarmouche ne se fait qu'à un contre un. Exit donc les bastons générales des précédents épisodes en 3D, la volonté d'un retour aux sources est ici palpable. Il est bien sûr possible – et conseillé – de combiner ces techniques afin de mettre au point des « combos » toujours plus destructeurs. On pourra ainsi enchaîner quatre coups d'épée en appuyant simultanément sur X,X,X,X ; préférer intercaler au sein de cet enchaînement un enchaînement gant/saut (bouton B puis bouton A) pour projeter l'ennemi dans les airs et l'y hacher menu ; voire même sauter au-dessus de l'ennemi en s'aidant d'Elika pour prendre l'ennemi à revers. Les possibilités, gigantesques, permettent d'aboutir à des chorégraphies complexes, magnifiques et réellement jouissives. Il est d'ailleurs très amusant de donner libre cours à son imagination lors de chaque nouveau N'allez toutefois pas croire qu'il soit si facile de faire mouche à tous les coups – déjà parce que le timing que requièrent ces combos n'est pas toujours évident à maîtriser ; ensuite, parce que l'adversaire sait procéder par contres de façon assez inattendue (et stopper net la combo dans son élan) ; enfin, parce qu'au fil des rencontres avec l'ennemi, celui-ci ajoute à ses aptitudes de nouvelles techniques donnant au joueur toujours plus de fil à retordre. Ainsi, lors de la seconde rencontre avec le Chasseur, celui-ci change régulièrement d'état et ne tolère, de façon ponctuelle, que des coups d'épée. Plus loin dans le jeu, d'autres états s'ajouteront aux autres, octroyant à l'ennemi l'immunité contre l'épée, le gant ou la magie d'Elika. Plus loin encore, la créature crachera au visage du joueur, couvrant l'écran d'une épaisse substance noirâtre ; ou alors jettera-t-elle un sort d'inversion des commandes, voire débutera-t-elle à son tour une combo que le joueur devra déjouer en appuyant sur les bons boutons au bon moment. Cette volonté d'ajouter constamment une nouvelle couche de règles à celles déjà existantes participe à la même volonté de recyclage intelligent déjà évoquée plus haut dans le cadre de la double visite de chaque lieu : plutôt que de multiplier les boss à l'infini, Ubi Montréal a préféré se concentrer sur seulement quatre, fourbir leurs armes à chacune de leur apparition, surprendre le joueur et, par la même occasion, leur donner une identité plus forte. Les actes de vengeance de certaines de ces créatures (le Guerrier en particulier) donnent lieu à des scènes extrêmement impressionnantes et marquantes. Si l'on ajoute à cela le fait que les conditions de victoire d'un combat ne soient pas toujours les mêmes, ou que les lieux dans lesquels ces combats se déroulent autorisent la mise en place de stratégies assez variées (taille de l'arène, chute dans le vide, éléments de décor destructibles), vous comprendrez aisément que l'on puisse prendre beaucoup de plaisir à croiser le fer dans ce nouvel épisode. Par souci de cohérence, les boutons de la manette gardent les mêmes fonctions lors des séquences d'exploration. En appuyant sur A, le héros saute ; en appuyant sur Y, le héros fait appel à Elika, qui lui saisit les mains et le propulse plus loin, allongeant d'autant son saut ; en appuyant sur B, le héros use de son gant pour s'accrocher aux anneaux d'une paroi et poursuivre sa course infernale le long d'un mur ou d'un plafond. Le bouton X, réservé à l'épée, n'est dans cette phase d'aucune utilité – séquence de fin mise à part. Quant au bouton de tranche, il sert à se laisser glisser le long d'une paroi. Certains verront dans cet assistanat forcené un grave défaut ; je n'y vois là que du bon sens visant à exclure du spectacle tout sentiment de frustration. Dans un jeu où les gouffres béants se comptent par centaines, il aurait été suicidaire de contraindre le joueur à une précision maladive – le saut au pixel près n'a clairement pas sa place dans Prince of Persia. Reste que, défaut ou pas, cet assistanat peut donner l'impression de ne pas être en pleine possession de son personnage. C'est un fait : lancé sur les pentes vertigineuses, le Prince semble se déplacer seul le temps de longues séquences de sauts et glissades pendant lesquelles le joueur n'aura pour seul rôle que de presser les bons boutons au bon moment. Cela ne devrait toutefois pas surprendre les amateurs de la série : déjà dans l'épisode original, les courses du prince étaient ponctuées d'une série de commandes à effectuer aux bons moments sous peine d'échec cuisant ; ce Prince of Persia-là ne fait donc que reprendre une recette vieille d'une vingtaine d'années. Toujours est-il que le qualificatif « QTE à grande échelle » n'est clairement pas galvaudé ici ; à chacun de savoir si un tel concept lui parait édhibitoire. Afin de tromper la monotonie, qui ne s'installera que chez ceux pour qui la traversée de décors de plus en plus vertigineux ne fera ni chaud ni froid, les développeurs tentent progressivement de tromper le joueur en le plaçant dans des situations relativement inattendues, réclamant de sa part une réaction prompte : courses de plus en plus longues et haletantes, enchaînements variés, mouvements complexes de la caméra (angles de vue ambitieux - fantastique cavalcade finale), téléportation un peu courte nécessitant l'aide d'Elika... Mine de rien, le joueur a fort à faire pendant ces séquences présumées automatiques. Pour apprécier Prince of Persia à sa juste mesure, il convient donc d'accepter de revoir son propre cahier des charges. Si le jeu s'affranchit des règles fondamentales du jeu vidéo telles que nous le connaissons depuis des décennies, ce n'est pas nécessairement pour surfer sur la vague du simplisme outrancier dont est victime l'industrie d'aujourd'hui, mais pour adapter le plus fidèlement possible un des plus grands standards de la plate-forme 2D à un environnement 3D tout en gommant la frustration qu'il pouvait engendrer : à la fois facile à mener à son terme et difficile à terminer à cent pourcents, à la fois résolument relaxant et potentiellement stressant, Prince of Persia cuvée 2008 est une expérience conçue sur mesure dans laquelle tout un chacun est susceptible d'y trouver son compte. Sa réalisation tout à fait exceptionnelle, son degré de peaufinage extrême - qui ferait pâlir bien des programmes - constituent les derniers ingrédients d'une aventure certes globalement sans génie, mais à la fin magistrale et à la mise en scène inspirée, parfaitement orchestrée et regorgeant de bonnes idées, dans laquelle les joueurs sans préjugés peuvent se plonger sans la moindre hésitation. Envie de réagir ? Cliquez ici pour accéder au forum |