C'est une histoire de joie et de regrets. Celle d'un petit garçon qui, pour son noël de CM2, a eu une Super Nintendo. Sa première console de salon ! Quelques mois plus tard, on lui offre Batman Returns mais, petit souci, le jeu est en version américaine. Heureusement, un ami de sa grande sœur lui prête l'adaptateur pour y jouer... mais après avoir fini le jeu qu'il a beaucoup aimé et faute de pouvoir conserver l'adaptateur, le garçon décide d'échanger dans un Score Game (ou équivalent à République) son Batman US contre un Super Off Road en Pal, qu'il avait déjà pratiqué sur NES. Et c'est le seul et unique jeu dont il s'est séparé (hormis quelques jeux Game Boy égarés) en 25 ans de vie de joueur.
Les années passent, il a repensé à ce jeu plusieurs fois et il l'a lancé en émulation sur son PC et sur sa DS. Début juin 2015, après avoir revu le film de Burton, il décidé de réparer l'affront et tombe par hasard, en visitant le site leboncoin, sur le jeu en version européenne vendu dans la ville voisine. Après un échange de mails où le titre était proposé en lose « FAH » à 30 euros, le prix est diminué de moitié avec l'argument que « j'achète pour jouer, pas pour collectionner. Je ne sais même pas ce que "FAH" veut dire et, si je pouvais choisir, je voudrais le jeu en version US ». Notre rtétrogameur a quand même pris en complément à ce vendeur semi-pro un Axelay et une manette en assez bon état. Ni une, ni deux, il répare son erreur de jeunesse ; et il constate que la nostalgie joue plein-pot, mais que son regard de joueur plus mature lui permet de pointer des petits défauts du jeu.
Batman Returns est sorti sur Super Nes en 1993. Il s'agit de l'adaptation du film de Tim Burton, Batman le Défi, majoritairemsent sous forme de beat'em all. Konami développe le jeu et offre un titre très agréable à jouer dans l'ensemble malgré quelques petits bémols.
Le jeu suit fidèlement la progression scénaristique du long-métrage au travers de 7 niveaux baptisés pour l'occasion « scène ». Il y a une quinzaine de segments qui se décomposent en 3 types de gameplay différents. Le jeu propose 5 niveaux de difficulté, et le mode Easy est abordable, je l'avais fini à l'époque.
Dans les modes de difficulté avancés, le jeu propose des ennemis plus nombreux et plus véloces. Heureusement, on peut paramétrer son nombre de vies, de 3 à 7, et on a 3 continues. De plus, de nombreux cheat codes viennent vous aider, aucun temps imparti n'est fixé pour boucler les niveaux et on gagne des vies supplémentaires tous les 500 000 points, points qui s'obtiennent en battant des ennemis. En cas de game over enfin, vous reprenez à la section où vous avez perdu avec votre score remis à zéro.
Dans la peau du chevalier noir de Gotham City, vous luttez alors contre les criminels qui sévissent lors de la fête de Noel. Deux malfrats principaux s'opposent à Batman : le Pingouin et Catwoman. La dominante du jeu reste le beat'em all avec de la castagne au corps à corps, cependant une scène, la cinquième, se déroule au volant de la Batmobile.
Batman n'a pas besoin de manuel... Mais vous, si !
Le jeu s'articule autour de trois phases de gameplay distinctes : beat'em all à la Final Fight avec déplacements en profondeur, phases de plate-forme/action vue de profil sur un seul plan, et une séquence de conduite/tir en Batmobile. Dans l'ensemble, les contrôles sont réactifs, avec une mention particulière pour les phases de beat'em all. Batman peut certainement paraître un peu lourd et rigide à l'heure actuelle mais, ayant revu le film ces derniers mois, cela correspond bien au film. D'ailleurs, la plupart, si ce n'est la totalité, des mouvements possibles proviennent du film.
Les contrôles sont classiques pour les phases de beat'em all :
La croix directionnelle pour évoluer dans l'aire de jeu.
Le bouton Y pour cogner ; notre chauve-souris peut initier un enchaînement de coups de poing qui s'achève par un coup de pied retourné. Batman peut saisir et projeter ses ennemis et, en pressant haut quand on saisit un adversaire, on l'expédie dans le décor qui peut alors s'altérer : on détruit ainsi les vitrines, les bancs et les barrières.
La touche B permet de sauter. On peut bien sûr frapper en l'air !
La combinaison B+Y active le coup spécial qui consomme un peu d'énergie. Il s'agit d'un coup de pied puissant au sol, qui permet de se dégager si on est encerclé.
Le bouton A sert à utiliser l'item sélectionné, soit les Batarangs (des boomerangs en forme d'ailes de chauve-souris. Attention : ils ne reviennent pas) qui peuvent paralyser un court instant un ennemi ou faire tomber les motards, soit le grappin pour donner un coup de pied sauté de grande amplitude.
Presser X ne sert à rien... et c'est dommage, car cette touche aurait pu servir à changer d'objet ou être dévolu à la bombe.
L et R servent à se protéger dans sa cape, ce qui réduit sensiblement les dégâts encaissés.
L ou R maintenu puis X permet de lancer un test tube, un genre de méga bombe qui touche tous les ennemis à l'écran. Un peu longue à activer, cette arme se révèle pratique contre certains boss. Attention : le nombre de tubes est limité et ils ne sont pas liés à vos vies mais au niveau et aux objets que vous récoltez. Hélas, perdre une vie ne remet pas votre réserve de tube à 3, son nombre initial.
La touche Select permet de changer l'objet équipé... ce qui n'est pas pratique dans le feu de l'action, puisqu'en général on appuie sur select avec le pouce de la main gauche...
Start met le jeu en pause. Petite subtilité toutefois, puisqu'il est possible durant la pause de changer d'objet équipé grâce à select, ce qui peut simplifier certaines situations problématiques.
Les commandes sont les mêmes pour les phases d'action/plate-forme, sauf que :
On peut se baisser en appuyant sur bas. Pratique pour esquiver les coups !
Y sert à frapper tout en envoyant des Batarangs qui, cette fois, sont mortels pour les ennemis.
A sert à utiliser le grappin pour s'agripper au plafond ou au mur.
En Batmobile, il s'agit d'un stage entier en mode 7 où il faut tirer sur des motos qui arrivent de face :
Haut pour accélérer.
Bas pour freiner.
Y pour tirer.
... et c'est tout !
Silence, moteur... Action !
Le jeu propose 7 stages découpés en sous-segments, et les niveaux sont entrecoupés de cinématiques réalisées grâce à des photos du film que complètent des légendes. Pour l'époque, c'etait classe... mais aujourd'hui, la faible résolution des images digitalisées pique les yeux. Graphiquement, les niveaux sont dans l'ensemble très bons avec une palette de couleur très propre qui retranscrit bien l'atmosphère un peu terne du film et son esprit de noël urbain triste. Et comme pour compléter tous ces bons points, la bande son et les bruitages sont bien dans l'esprit du film.
Allez, c'est le moment de commencer l'aventure !
Scène 1 : Embuscade au Plazza
Le jeu débute par ce niveau en 2 temps : tout d'abord, une première phase de beat'em all dans les rues face au gang de clowns qui terrorise la ville. Les civils fuient les agressions tandis que Batman progresse dans les rues envahies par les motards et les clowns criminels. Ils virevoletent pour venir vous frapper ou s'esquiver. De la bonne castagne, des vitrines cassées, bref, un début de jeu très plaisant.
La seconde partie du niveau est vue de profil : Batman progresse en lançant ses Batarangs pour terrasser les adversaires qui lui foncent dessus. Ils arrivent à l'infini, un joueur patient peut donc faire du score ici pour augmenter son nombre de vies au compteur. Des clowns sur échasses font leur apparition et vous lancent des torches enflammées. Malheureusement, la section est plate et linéaire : pas de plateforme, le grappin ne sert à rien, sauf, détail graphique, à arracher un bout de mur derrière le boss. On finit par arriver au boss qui menace Selina Kyle, la future Catwoman, avec un taser. S'ensuit un combat entre le justicier masqué et ce boss, qui ne présente pas de difficultés majeures.
Scène 2 : Bataille dans les rues de Gotham
On enchaîne sans répit par une séance de nettoyage urbain face à des clowns plus déchainés que jamais. Ce second niveau en 3 temps se déroule principalement en mode beat'em all dans les rues. Il y a au milieu du niveau un petit interlude d'action vue de profil dans un centre commercial qui prend feu. Il faut alors éviter les flammes au sol et celles qui tombent du plafond, ce qui marque la première vraie utilisation du grappin. Ce passage offre de petits effets de distorsions très typiques de la Super Nintendo.
On poursuit avec de la castagne pure : Batman avance en nettoyant les rues des clowns, armés d'explosifs et de lance-roquettes, et des jongleurs vous assaillent. Certains montent même sur les bancs pour vous sauter dessus, comme au catch ! Une seule solution : les saisir pour les renvoyer sur le banc tout en brisant le dossier de ce dernier. Si vous attrapez 2 ennemis, vous pouvez les cogner l'un contre l'autre ! Il y a aussi des indiens lanceurs de couteaux, des cracheurs de feu habillés en diablotin et des avaleurs de sabre. Y'a pas, c'est pêchu... Franchement, c'est plaisant et bien rythmé. Le boss, qui vous attend en arrière-plan, déchire son journal une fois que vous avez liquidé ses sbires puis entre en scène. Il cogne fort avec un gros coup de poing, mais ses coups sont évitables en faisant attention.
Scène 3 : La traque
Ce niveau en trois temps est clairement le moins bon du jeu. Le mode plateforme/action vue de profil prédomine et montre vite ses limites. De plus, le combat contre Catwoman se révèle éprouvant, car la chatte sur un toit froid bouge vite. Dans un premier temps, on grimpe un immeuble sur deux plateformes tandis que des ennemis brisent des fenêtres pour nous sauter dessus, et toute chute est mortelle.
Dans la seconde partie, on se retrouve sur le toit de l'immeuble. Il faut sauter avec le grappin et éviter les ennemis, mais ce passage un peu lourdingue. À noter qu'il est toutefois possible d'emprunter 2 chemins, l'un avec des bonus mais qui nécessite d'être agile au grappin et l'autre parsemé d'ennemis à abattre.
Enfin, le dernier mouvement de ce niveau conduit à affronter Catwoman dans une phase de beat'em all. Ce duel s'avère assez épique car la femme chat se déplace rapidement et frappe fort avec son fouet qui lui confère une grande allonge. De plus, elle possède une attaque éclair assez difficile à éviter... Le grappin et son coup de pied sauté se révèleront de précieux alliés.
Scène 4 : Le piège du Pingouin
Un niveau découpé en quatre portions. Il se déroule dans des endroits sombres avec des éléments au premier plan qui nuisent à la lisibilité de l'action... Dommage. La scène propose aussi d'affronter deux boss d'affilé.
Les trois premières portions se déroulent dans un environnement souterrain. Les deux premières phases sont du beat'em all classique, seule la couleur du décor change, passant du bleu nuit au rouge tandis que la troisième partie marque le retour de Catwoman pour un combat similaire au précédent mais bien plus simple, quoique le décor masque un peu l'action.
La quatrième portion conclut le niveau par une confrontation avec le Pingouin en mode plateforme/action de profil. Le combat est assez long, et le Pingouin dispose d'attaques variées. Il est aidé dans cet affrontement par ses parapluies et son habilité à voler qui lui permet de parcourir l'écran et de surgir de partout. Il bombarde et il vous fonce dessus sans laisser de répit.... Il faut apprendre ses déplacements pour se baisser, léviter puis bien le frapper avec ses Batarangs.
Scène 5 : En Batmobile !
Le seul niveau de course du jeu. Sur une route de nuit, avec les gratte-ciels pour seul horizon, on pilote la Batmobile pour faire face à des hordes de motards qu'on doit soit shooter, soit éviter. Ça défile vite, et il faut être attentif pour ramasser les bonus. Le boss est une camionnette à détruire. Il n'y a là aucune difficulté notable : il s'agit plus d'un bonus stage qu'autre chose. Détail amusant : le réacteur de la Batmobile s'allume quand on accélère. Classe !
Scène 6 : Le train du cirque
L'avant-dernier stage se joue en mode beat'em all en 2 temps. On est tout d'abord sur le toit d'un train en marche : il faut éviter les bombes larguées par des motards depuis l'arrière-plan et des arches en sautant au bon moment. Rien n'indique l'appartition de ces dernières si ce n'est un petit changement de décor et l'esquive se révèle parfois ardue tant le timing se fait serré.
Ensuite, le combat de boss se fait à l'arrêt devant la locomotive et le regard d'un singe sautillant. Le boss est un clown équipé d'un appareil photo sur trépied qui cache une mitrailleuse. Le Batarang sera un allié précieux pour l'empêcher d'installer son crache-la-mort et de vous canarder depuis l'un des bords de l'écran.
Scène 7 : Le repaire du Pingouin
L'ultime niveau du jeu se déroule dans le zoo de Gotham City. Il se décompose en trois portions, dont deux réservées aux boss finaux du jeu. L'avancée dans l'enclos des pingouins enneigés se fait en mode beat'em all : la progression est classique, si ce n'est certains passages où des pingouins situés au premier plan du décor vous bombardent avec des roquettes.
On a ensuite droit à un combat peu palpitant contre le Pingouin dans son canard de bain géant, qui se fait en mode action/plateforme un combat peu palpitant, puis à un combat contre le Pingouin lui-même. Il dispose d'attaques variées et puissantes : avec son parapluie, il vole, crache des flammes, tire. Il peut aussi vous mordre en vous sautant dessus apres être tombé à terre. Pour résumer, c'est une phase de beat'em all intense et un bon dernier boss pour terminer le jeu.
La face cachée de la chauve-souris
Globalement, ce Batman Returns se montre très plaisant à jouer. Sa réalisation tire bien parti du hardware de la machine pour restituer l'ambiance du film de Tim Burton. La direction artistique respecte le matériau cinématographique grâce à un choix de couleurs qui correspondent aux teintes et aux tons du film, et elle confère au titre une identité assez forte.
En revanche, il est difficile de comprendre les raisons derrière certains choix des développeurs : manque de temps et de recul, contraintes liées à la licence... Mais par quelques erreurs de game design, le jeu souffre hélas de certaines faiblesses et de certaines incohérences.Passons sur les reproches habituels du genre : faible durée de vie, ennemis peu variés, manque de palette de coups. De plus, le jeu semble aujourd'hui un peu lourd et rigide dans ses animations même si, dans le film, Batman est certes agile mais loin d'être un ninja gymnaste. Mais bien que ces points-là soient critiquables, ils ne sont pas gênants en eux-mêmes.
Ma critique principale portera plutôt sur une certaine maladresse d'exécution. D'abord, l'incongruité des contrôles qui sous-utilisent le bouton X alors qu'il aurait pu servir à changer d'item ou à lancer les bombes directement, comme je l'indiquais plus haut ; ensuite, une incohérence sur les phases de gameplay. Pourquoi donc le Batarang, qui n'occasionne aucun dégât lors des phases de beat'em all, devient mortel en mode action/plateforme vue de profil ?
D'ailleurs, ces scènes en vue de profil paraissent très faibles dans l'économie du jeu. D'une part, l'écran se resserre sur Batman ; mais comme son sprite est grand (plus du tiers de la hauteur de l'écran), cela rend les sauts très ramassés, ce qui dénote par exemple vis-à-vis du Batman de Sunsoft. Bref, Konami a raté le coche sur ces phases-là, qui auraient gagné à proposer un sprite plus petit et plus souple pour de vraies sections d'action/plateforme basées sur l'agilité, les sauts et le grappin.
Ces séquences semblent souvent surnuméraires : je pense notamment à la Scène 1, où poursuivre le niveau en mode beat'em all aurait était davantage pertinent, et au combat contre le Pingouin de la scène 4 où le recours à cette vue se justifie par le fait de devoir se baisser pour ne pas être touché par les parapluies volants. À l'inverse, recourir à une phase en vue de profil aurait pu très bien se justifier pour le début de la Scène 6 sur le train avec une séquence d'esquive de poteaux, à l'image de ce que le même éditeur a su proposer avec Tiny Toons Adventures et son mythique niveau se déroulant au far-west. C'est un jeu Konami, dis-le à tes amis !... C'est ce que disait la pub française à l'époque.
Pour un jeu de 1993, ces moments-là me font penser à un héritage maladroit des platformer/action des années 1980. Malheureusement, leur gameplay est mal retranscrit car les sprites sont trop gros et trop rigides pour offrir une vraie liberté d'action et un champ de vision suffisant. Le manque d'agilité et de distance d'affichage, couplé à des ennemis qui foncent bêtement sur le chevalier noir, rend ces passages moins amusant que la baston frénétique des stages de beat'em all. Dommage, car il y avait là matière à proposer de bonnes choses...
Enfin, le reproche lu partout sur ce jeu provient de l'absence de mode 2 joueurs en coopération. À regarder le titre, on s'aperçoit que ce n'est pas envisageable : d'une part, à cause de la licence et du film, ce serait incongru d'avoir deux Batman (NDMTF : « Batmen » ?) à l'écran. Robin n'est pas de la partie, et Catwoman fait partie du bestiaire des méchants. D'autre part, la conception du jeu, avec ses phases plateforme/action de profil et ses gros sprites, rend impossible l'élaboration d'un mode 2 joueurs bien conçu. La progression aurait été laborieuse, et la scène en Batmobile aurait dû également passer à la trappe, ce qui aurait été dommage tant elle est amusante.
En définitive, l'enfant d'antan garde un bon souvenir de ce Batman Returns. En revanche, l'adulte en voit les limites mais sait l'apprécier encore, car le jeu se montre grisant, dynamique et accessible, impeccable pour passer quelques agréables heures en compagnie de l'homme chauve-souris.
Alors, oserez-vous relevez le défi de ce Batman Returns sur Super Nintendo ?