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Catacomb
Année : 1990
Système : Apple II, Windows
Développeur : Softdisk
Éditeur : Softdisk
Genre : Action / RPG
Par Tonton Ben (05 mai 2008)

Non, John Carmack, John Romero, Tom Hall et Adrian Carmack n’ont pas uniquement bossé que sur des jeux de shoot. Enfin, pas uniquement en troidé. Avant de participer aux œuvres cultes que sont Commander Keen, Wolfenstein 3D, Doom et j’en passe, ils ont fait leurs gammes sur un autre projet moins ambitieux, mais aussi réussi. Nous sommes en 1990. Nous sommes sur Pécé. Nous allons traiter de Catacomb, un jeu Softdisk.

En voilà un bel écran titre bien stylé !
Catacomb, by John Carmack himself. C'est le seul crédité, d'ailleurs.

Deux ans avant le grand bond en avant de la perspective à la première personne, le genre vidéoludique du shoot pédestre manque, justement, de perspective. Il y a ceux qui proposent une action vue de côté, façon Contra, et puis ceux qui voient les choses autrement, c'est-à-dire du ciel, un angle de jeu consacré par Gauntlet. L’ami John, il a tellement aimé ce titre qu’il a dit à ses potes de Softdisk : « les gars, si on se faisait un Gauntlet à nous sur Apple II et sur Pécé, après tout, mon pote John (Romero – c’est pas facile tous ces programmeurs qui s’appellent John), il passe son temps à jouer à CastleWolfenstein, il doit bien avoir de bonnes idées des jeux d’action vus de dessus ». Je brode ? Ah ça ce voit tant que cela ? Ok, mais l’histoire me pardonnera ces quelques grivoiseries, tant l’affaire aurait pu tout à fait se dérouler de cette façon.

Voilà Catacomb : des murs, avec des bestioles qui vous attendent, et des messages dessus pas toujours très encourageants.

Et Catacomb, alors ? Prenez Gauntlet, virez les quatre échappés de Donjons & Dragons, mettez un type en basket qui balance des boules de feu à la place, et vous tenez le concept. Le remake troidé de Catacomb qui sera publié deux ans plus tard aura l’occasion de dévoiler un scénario et un contexte plus travaillés. Mais en attendant, l’original ne s‘embarrasse pas de ce genre de détails : on est venu pour le carnage, un point c’est tout !

Déjà, dans Catacomb, la fouille minutieuse des murs rapporte des bonus ou des ennuis.
Les meurtrières, c'est pratique pour flinguer ceux qui sont trop gros pour passer.

Et des catacombes, voilà bien le sujet, puisque c’est au milieu d’un vrai labyrinthe décomposé en dix niveaux infestés de monstres qu’il va falloir faire ses preuves. Voilà d’ailleurs un effet intéressant de l’influence d’un titre de jeu sur l’imagination du joueur, car de Catacomb, le soft n’en porte que le nom. Pour les ossuaires et autres détails morbides, je vous renvoie à Diablo et consorts. Car grâce à la magie de l’EGA, le dédale de Catacomb tire vers le rose Paris Hilton sur fond de vert Shrek. Ne vous moquez pas de cette association de tons, j’ai porté des T-shirts de ce genre dans les années 80 (vous savez, le genre avec des types qui friment sur un planche à voile dessus). Pour les hardcore gamers (ou les pitites bourses), il y a également un mode CGA affublé d’un bleu Michou du plus bel effet. Personnellement, ayant découvert et pratiqué intensément ce titre sur un écran monochrome à cristaux liquides de portable (IBM PS/2, 256 tons de gris !), je l’avais trouvé graphiquement ultra-sexy. C’est l’un des rares cas inversés où le monochrome est avantagé sur l’écran couleur.

Argh ! Un cul-de-sac et j'ai du monde sur mes talons.
Un tir dans le mur, et on avoine du gros rouge à la chaîne.

Mais en 1990, le joueur à de l’imagination. Si on lui dit dans le titre que ça se déroule dans les catacombes, il s’immerge illico dans l’aventure, imaginant déjà une épopée souterraine anti-satanique et sans gamin à la jambe de bois qui essaie de vous refourguer des vieilles épées à un prix éhonté. Alors, le joueur, il y va à fond, et pis, au premier coin de couloir, il panique parce qu’il y a un truc rouge (sûrement un démon mineur des enfers) qui déboule à toute vitesse sur le coin de la tronche. Mais John (Carmack, c’est le seul vraiment crédité dans le jeu, même si d’autres sources confirment une collaboration des Fabulous Four, alors on va dire que c’est son bébé), il avait prévu le truc : quelques pressions répétées sur la touche Alt, et le type sympathique en baskets au milieu de l’écran, il vomit littéralement des boules de feu sur l’infâme qui retourne en moins de deux au néant. Ah ! On fait moins le malin ! Le problème, c’est qu’il n’est pas tout seul : les lieux sont infestés de ses copains, et d’autres plus récalcitrants : des gros rouges plus résistants, et des blancs plus vicieux. Le tout en pack, façon All Blacks contre le XV de France. Alors John, pas fier pour un sou, il nous file des trucs super sympas dans les situations extrêmes : un tir effréné de boulettes, le genre où il ne faut pas être dans la ligne de mire, et le mode panique (décrit comme tel dans le menu d’aide du jeu), la grosse explosion qui fait bien mal à tout le monde à l’écran, des options limitées mais à collecter ci et là. Pour les petits creux, des potions sont à dénicher.

Un long long long passage secret pour une pitite clé.
Ah bon ? La fin ? Déjà ? Vous aurez compris la subtilité de ce début de niveau.

Si l’on est un poil attentif, latter les vilains ne posera pas trop de problèmes. Mais un autre souci va vite se pointer : la sortie. Ah, mince, d’où qu’elle est, la porte du niveau suivant ??? Et ça, c’est le genre de situation où on est bien content de jouer à un jeu dans son coin qui n’intéresse pas l’entourage, parce qu’au bout de 15 minutes à tourner en rond, on passe pour un c... un gars qui ne sait plus où chercher. Ah là là. John Carmack, et vous le savez, il en a fait sa spécialité à un point tel qu’il l’a collé dans tous ses jeux : le passage secret. Dans Catacomb, ce concept atteint son paroxysme, puisque la sortie du niveau suivant est inatteignable si l’on n’a pas tiré dans chaque brique que composent les murs du terrain. Derrière se planquent au choix options de tir ou de vie, mais aussi les clés nécessaires pour déverrouiller les portes barrant l’accès à la suite du niveau, voire carrément la suite du parcours lui-même. Mais bon, John, c’est un type sympa, il colle des messages dans les murs pour filer quelques indices au joueur.

Pour nettoyer le terrain, rien de mieux qu'une bonne rafale de boules de feu.
Le concept même des jeux bourrins : porte, monstre, trésor.

Vous auriez voulu que je vous parle du son ? Je ne le ferai pas. À moins que vous soyez tous membres du fan-club officiel du PC Speaker, ceux qui trouvent qu’un concert de musiques de Gameboy est trop sophistiqué. Si vous vous reconnaissez dans cette description, merci de bien vouloir vous manifester sur le forum, votre cas avis nous fera marrer intéresse.

Raah, je ne me lasse pas de me faire la main avec mes pouvoirs spéciaux.
Aïe, le gros mauve, là, il ne va pas être facile à battre.

Voilà. Je crois que l’on a fait le tour de Catacomb. Ne vous laissez pas embobiner par le ton léger de cette présentation, il s’agit d’une pierre capitale dans la construction de ma culture vidéoludique. C’est l’un de ces joyaux que l’on a enfoui dans son subconscient, qui a été un des jalons de l’appréciation personnelle de tout ce que à quoi l’on joue par la suite, sans même le savoir. Et puis un jour, au détour d’une pensée suffisamment vagabonde, ou peut-être était-ce à cause de l’alcool et d’un peu de mélancolie, ce titre refait surface. Alors, on le redécouvre, avec de prime abord une certaine crainte d’avoir encore dépoussiéré une antiquité totalement ruinée par le poids des années, à peine bonne à faire vibrer la corde nostalgique.

Le CGA Powaaa, où comment se coller une cataracte pas cher. Nos amis épileptiques sont aussi les bienvenus.

Et puis non. Relancer Catacomb lorsqu’il vous a marqué au fer rouge étant gosse, c’est comme y jouer pour la première fois. Tout réapparaît, avec son flot d’images d’époque et de sensations que l’on croyait avoir perdues pour toujours, blasé par le flot incessant de titres sur trop de supports différents. Nous sommes en 2008. Nous sommes sur Pécé. Je suis toujours en train de jouer à Catacomb, et je m’éclate comme un gosse de douze ans.

Tonton Ben
(05 mai 2008)
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