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Satryn deluxe
Année : 2021
Système : Mac OS X, Linux, Windows
Développeur : maybell
Éditeur : maybell
Genre : Shooter / Action / Arcade
Par Simbabbad (13 mars 2023)

Certains jeux sont difficiles à introduire correctement, exigeant pour leur rendre pleinement justice de rappeler un certain contexte, retracer un certain historique, détailler certaines affiliations, expliciter une certaine vision, etc. ; mais d'autres sont en revanche très simples : dans le cas de satryn deluxe, il s'agit tout bonnement d'un clone de Robotron : 2084 comme il y en a eu beaucoup depuis 1982, mais ce jeu indépendant sorti près de quarante ans (!) plus tard se distingue en restant très fidèle à la borne originale, avec des bases et des sensations gardées intactes, tout en offrant cependant un rythme, une variété, un confort, etc. plaisamment modernisés, au point où l'on peut y avoir l'impression de jouer à Robotron : 2084 en mieux – ce qui n'est tout de même pas rien !

Ainsi, satryn deluxe est un twin stick shooter où notre héros peut bouger et tirer indépendamment dans huit directions (et rien de plus, il n'y a pas dans ses contrôles de bombe ou d'esquive ou de tir secondaire ou quoi que ce soit) alors qu'il traverse une suite apparemment infinie d'arènes rectangulaires identiques tenant en entier à l'écran, où l'objectif est de sauver de petits personnages face à un assortiment bigarré d'ennemis qu'il faudra entièrement exterminer pour passer à l'arène suivante.
Comme on l'a dit, il n'y a pas de level design propre aux arènes en dehors de mines clignotantes dispersées ici et là, les différentes combinaisons adverses sont donc l'élément principal distinguant chaque niveau. Les types ennemis ont tous de fortes particularités (comportement, endurance, dangerosité, etc.) et leurs effectifs et leur nature changent donc le problème posé : où viser en premier, faut-il d'abord sauver les petits personnages alliés ou attaquer les adversaires, comment bien se positionner et esquiver la horde et ses projectiles – tout cela constitue un gameplay assez riche grâce à la combinatoire, même si la base ludique reste simple et si le nombre de types ennemis distincts est plutôt modeste (huit dans Robotron : 2084 et le double dans satryn deluxe).
Dans les deux cas, il s'agit d'un jeu à scores, on dispose de trois vies (on peut en gagner en cours de route) sans barre d'énergie, avec des parties relativement courtes, la motivation étant de sans cesse améliorer ses performances. Sur un plan artistique, l'un comme l'autre jeu n'a pas de musique mais présente des effets sonores typiquement "arcade" à la fois utiles et excitants, et leurs graphismes sont très vifs, avec quelques effets psychédéliques renforçant les sensations de surcharge procurées par le gameplay.

Ça fait beaucoup de points communs, ce qui est loin d'être une mauvaise chose puisque Robotron : 2084 n'est pas un classique simplement pour son aspect historique, il est avant tout resté un jeu extrêmement amusant... néanmoins inféodé à son contexte !

On le sait, l'arcade imposait dans les années 1980 une logique compétitive très spéciale, où une borne devait être la plus lucrative possible pour l'exploitant : un jeu avait donc bien sûr la tâche de plaire aux joueurs pour qu'ils aient envie d'y insérer leurs pièces, mais aussi celle de les conduire sans cesse à l'échec afin que l'afflux de monnaie ne s'arrête jamais. Si l'on ajoute à cela le rôle de pionnier des développeurs d'alors, qui devaient tout inventer tant sur le plan de la technique que sur celui du gameplay, on obtient forcément des expériences mal dégrossies par rapport aux jeux que l'on possède aujourd'hui chez soi, et auxquels on peut jouer à répétition pendant des heures.

Ainsi, j'aime personnellement beaucoup Robotron : 2084, mais j'y joue plutôt par sessions courtes et espacées : ses arènes me semblent étroites jusqu'à la claustrophobie par rapport à l'énorme quantité d'ennemis à l'écran (chaque niveau démarre avec des forces adverses déjà présentes au complet, à quoi il faut ajouter les ennemis engendrés par les spheroids et les quarks et bien sûr les divers projectiles), il est difficile d'anticiper les mouvements adverses qui se font par à-coups brusques ou aléatoirement ou de façon très rapide (particulièrement les projectiles), les hitbox rectangulaires du jeu ne sont pas des plus intuitives lorsqu'on doit se faufiler dans une foule dense, et le pixel art criard et bariolé rend les groupes peu lisibles. Rien de tout cela ne gêne véritablement dans le cadre d'une session dans une salle d'arcade, mais joué chez soi en émulation à volonté, le jeu nécessite de prendre des pauses fréquentes pour reposer ses yeux et ses nerfs, et peut lasser à cause de combinaisons ennemies recyclées en boucle.

Par la suite, les twin stick shooters se sont plutôt éloignés de Robotron : 2084 : soit ils n'ont pas repris l'idée des personnages en danger qu'il faut sauver, soit l'aire de jeu est devenue beaucoup plus grande et complexe jusqu'au labyrinthe avec scrolling, soit la complémentarité entre ennemis a été largement amoindrie, soit les mécaniques se sont nettement enrichies et compliquées, etc. et l'on n'a donc pas vraiment retrouvé l'équilibre à la fois épuré, nerveux, tactique et hypnotique du jeu de Williams Electronics.

satryn deluxe, quant à lui, reste comme on l'a dit très proche de son modèle (jusqu'à plagier la quasi intégralité de son bestiaire), mais il réalise quelques ajustements cruciaux qui adaptent l'expérience aux usages vidéoludiques modernes. Pour commencer, la composition de ses arènes est générée aléatoirement : une certaine logique de progression est bien sûr respectée, mais on ne sait jamais vraiment à quoi s'attendre et il est impossible d'apprendre le jeu par cœur, c'est l'adresse et la bonne compréhension du jeu qui nous font progresser, ce qui rend l'expérience plus addictive et excitante.
Ensuite, les arènes sont plus larges avec des personnages majoritairement plus petits et plus ronds entre lesquels il est plus facile de zigzaguer, au design et à la coloration nette instantanément reconnaissables, reprenant le style propre au ZX Spectrum qui ne pouvait pas afficher plus de deux couleurs par bloc de huit pixels de côté (ici, le noir et une couleur facile à distinguer).
Autre différence qui aère quelque peu l'aire de jeu : les ennemis auxquels on aura affaire ne se trouvent pas tous dans l'arène au début d'un niveau, ils arrivent par vagues se téléportant l'une après l'autre, ce qui permet de prendre ses aises petit à petit : il n'y a jamais le risque qu'un ennemi se téléporte sur nous, les vagues sont peu nombreuses, et on ne se sent pas dépassé ou oppressé, même dans les niveaux tardifs où l'action peut devenir très chargée.
Pour rendre les déplacements encore plus souples et intuitifs, les ennemis qui nous poursuivent bougent ici de façon très fluide, en accélérant petit à petit avec une certaine inertie : lorsqu'on croise de près ces ennemis alors qu'ils vont assez vite, faire demi-tour leur prend beaucoup de temps, ce qui rend l'esquive plus stratégique et intéressante – passer au milieu d'un groupe le ralentit très efficacement et constitue une meilleure fuite que faire le tour de l'arène avec tout le groupe à nos trousses comme on en a souvent le réflexe dans ce genre de jeu. Autre détail enrichissant les déplacements : nos tirs ont leur propre énergie cinétique et peuvent donc ralentir voire faire reculer les cibles. Les différentes vitesses adverses (même entre types identiques) pimentent le gameplay agréablement (esquive, ordre de priorité, amener les hordes à former une masse compacte plus maîtrisable).

En plus de ces ajustements, le jeu offre plus de contenu, avec plus de types ennemis aux différences marquées qu'il nous faudra apprendre à connaître pour mieux les appréhender (dont divers boss et mini-boss), plus d'obstacles, et des powerups offensifs et défensifs à ramasser ! Commençons par examiner les particularités des protagonistes de taille moyenne :

  • HERO : notre personnage est une sorte de poulpe extraterrestre rond et souriant d'assez petite taille mais toujours bien visible grâce à sa couleur cyan uniforme, très reconnaissable même au milieu du chaos.
  • FRIEND : dans Robotron : 2084, on devait sauver les dernières familles humaines, alors que dans satryn deluxe, on sauve des amis ! Ces petits êtres flamboient comme des bougies et sont donc faciles à repérer, d'autant plus que leur couleur est la même que celle du héros et qu'aucun autre personnage n'est cyan – à comparer, les trois membres de la famille de Robotron : 2084 passaient bien plus incognito (surtout l'enfant, qui avec sa couleur rouge ressemblait trop aux grunts).
    Les amis errent eux aussi au hasard, mais ils ont un gros avantage à comparer de la famille de Robotron : 2084 : une fois un niveau terminé, tous les amis restant dans l'arène sont collectés automatiquement avant de passer au niveau suivant, il n'y a pas besoin de garder au moins un ennemi à l'écran pour ramasser soi-même les survivants – c'est là un confort qui accélère beaucoup le jeu et évite bien des frustrations !
    Les familles étaient l'essentielle source de points dans Robotron : 2084 du fait de la forte valeur de leurs membres à la collecte, mais les amis sont encore plus importants puisqu'ils représentent un multiplicateur à la façon des "geoms" de Geometry Wars Galaxies, avec à la clef un scoring exponentiel !
    Comme dans Geometry Wars Galaxies, perdre une vie abaisse brusquement notre multiplicateur, mais ici ça ne le remet pas à zéro : notre stock d'amis diminue de 35% "seulement", ce qui permet de se refaire après un échec, d'autant plus que cette baisse n'arrive qu'une seule fois dans un même niveau, même si l'on y meurt à répétition.
    En plus du gain de points, les amis permettent aussi d'augmenter notre nombre de vies : tous les 60 amis collectés, une vie est gagnée ! Ramasser les petits personnages est donc central, alors que divers dangers les menacent...
  • BULB : ces boules arachnoïdes rouges sont équivalentes aux grunts de Robotron : 2084, c'est l'ennemi de base, qui avance vers nous pour nous tuer au contact et que l'on peut détruire en un coup. Ils peuvent devenir très nombreux.
  • HUNTRESS : ces espèces de scorpions rappellent les hulks de Robotron : 2084 – eux aussi sont verts, endurants, et tuent les amis au contact ! Ils sont cependant plus vicieux puisqu'ils ne se déplacent pas au hasard, ils visent les amis spécifiquement en leur courant après, puis quand il n'y en a plus aucun dans l'arène, c'est à notre tour ! Heureusement, grâce à l'élasticité de leurs mouvements, ils peuvent rater les amis visés en se laissant emporter par leur élan, et ils ne sont pas indestructibles comme les hulks, on peut en venir à bout même s'ils encaissent plusieurs tirs. Ils ont beau être plus agressifs que les hulks, ils sont moins irritants puisqu'ils sont à la fois prédictibles et destructibles.
  • BOMB BULB : les bomb bulbs sont de gros bulbs orange qui explosent, heurtant tout (amis et ennemis) dans un large périmètre. Cette explosion n'a pas lieu tout de suite au moindre contact, il faut plusieurs tirs ou toucher soi-même les bomb bulbs directement (ils ne sont pas mortels en soi) pour que la "mèche" sur le dessus de leur corps démarre sa combustion, nous accordant un petit délai. Il est souvent pertinent de NE PAS leur tirer dessus, par exemple lorsqu'un ami erre à proximité.
  • MITE MAMA : les mites mamas (à droite sur l'image) pondent des mites (petit personnage à gauche) à répétition, qui nous poursuivent alors que leur mère reste en retrait – c'est comme un lanceur de missiles à tête chercheuse, et donc une cible prioritaire. Pour les farceurs imaginant qu'ils peuvent "scorer" à l'infini en laissant une mite mama pondre des mites en boucle : les mites ne rapportent plus de points au bout de 45 secondes dans un même niveau.
  • TERMIMAMA : la version (bio)mécanisée des mite mamas et l'équivalent des spheroids de Robotron : 2084 – elles pondent à répétition des ennemis qui eux-mêmes tirent des projectiles, et sont donc une priorité absolue ; le jeu nous prévient d'ailleurs de leur arrivée avec un bruit métallique menaçant, et leur masse et leur design sont très facilement repérables à l'écran. Comme les spheroids, elles ont tendance à stationner près des bords ou des coins, mais sont bien plus dures à détruire. Attention : laissées tranquilles, elles peuvent vite nous submerger avec leurs rejetons !
  • TERMIMITE : enfants des termimamas et donc équivalents des enforcers de Robotron : 2084, ces mites fusionnées avec un canon ont tendance à s'approcher de nous à distance modérée, puis à tirer un projectile dans notre direction avant de reculer. Les projectiles en question bougent en ligne droite, ce qui les rend beaucoup plus faciles à gérer que ceux des enforcers, et peuvent être détruits en tirant dessus : une termimite seule n'est pas très dangereuse, mais en nombre et combinées avec d'autres ennemis, elles sont redoutables. Comme les mites, elles cessent de rapporter des points au bout de 45 secondes dans un même niveau.
  • DEVOURER : les devourers fonctionnent exactement comme les brains de Robotron : 2084 – ils poursuivent les amis pour les transformer en sortes de zombies clignotants qui fonceront vers nous, et ils expulsent régulièrement des ondes cérébrales se comportant comme des missiles à tête chercheuse (elles sont neutralisables en tirant dessus). En plus de ça, les devourers peuvent nous attaquer au contact. Ils sont peu endurants.
  • BLOOM : ces bestioles joufflues nous ignorent, errant sans fin alors qu'elles défèquent des crottes clignotantes derrière elles ; ces crottes sont des mines qui nuisent uniquement aux alliés (héros et amis, plus là-dessus plus bas). Si on tarde trop à détruire les blooms, leurs crottes peuvent s'accumuler et devenir très handicapantes.
  • POMFI : les pomfis ne sont pas inspirés de Robotron : 2084 mais de Asteroids – ces grosses boules hérissées de quatre pointes rebondissent en effet inlassablement dans l'arène, et se divisent en deux lorsqu'on leur tire dessus. Tirer de nouveau sur une moitié libère ses deux pointes qui se mettent à clignoter et à rebondir comme des mines mobiles : les pomfis sont très dangereux car ils peuvent soudain accélérer ou courber leur trajectoire, et leurs morceaux peuvent nous tuer facilement lors d'un moment d'inattention, il faut donc leur tirer dessus et les diviser à bon escient.

On le voit, ces éléments pris un à un sont facilement identifiables et compréhensibles et ne posent pas de problème, mais dans le feu de l'action et combinés, ils exigent de la concentration, de l'adresse, de la rigueur, de l'anticipation et une certaine stratégie.

Au fil des niveaux, les arènes contiennent des ennemis toujours plus nombreux et plus dangereux, jusqu'à l'arrivée d'adversaires beaucoup plus gros jouant le rôle de boss et mini-boss. Ces créatures sont plus endurantes mais moins mobiles, on peut ainsi les empêcher d'avancer voire les faire reculer assez facilement en tirant dessus :

  • RIFLEPOD : les riflepods sont tout bêtement d'énormes termimites – plus solides, au comportement plus agressif, et aux projectiles plus larges et donc plus dangereux mais aussi plus facilement repérables.
  • BOMBALOB : les bombalobs ressemblent à d'énormes bomb bulbs armés d'un canon, et c'est approprié – ils tirent en effet des boulets explosifs, qui vont extrêmement vite lors de leur expulsion mais ralentissent petit à petit puis détonnent une fois à l'arrêt. Il vaut mieux garder nos distances avec eux : même si l'on intercepte leurs boulets en tirant dessus, la vitesse initiale desdits boulets est telle que l'on peut être pris dans l'explosion si l'on se tient trop près. Le problème est cependant que les bombalobs attaquent à plusieurs, et on ne peut pas rester éloigné de tout le monde à la fois : il faut donc détruire rapidement l'un d'eux pour aménager un espace sûr à partir duquel on pourra attaquer les autres sans se trouver à leur portée. Les bombalobs sont évidemment des ennemis prioritaires.
  • DEVOIDER : les devoiders sont de gros devourers très endurants qui vampirisent les amis en "super zombies" sécables en deux morceaux après avoir été touchés (!), chaque moitié continuant de nous courir après de façon autonome. Pour rendre les devoiders moins dangereux le plus vite possible, le plus simple est de secourir rapidement tous les amis pour les priver de munitions – tuer chaque devoider prendrait à comparer trop de temps et exposerait trop notre héros et ses amis lors d'attaques groupées (quand il ne reste plus qu'un devoider, lui tirer dessus l'immobilise et le rend inoffensif).
  • KEEPER : les keepers sont les boss de satryn deluxe, en fait représentés à l'écran dès le début d'une partie puisqu'il s'agit des gros losanges caparaçonnés qui décorent les bords de la zone de jeu. Lorsqu'ils entrent en scène, on entend un bruit métallique sinistre, puis on les voit littéralement quitter la zone de décoration pour venir dans l'arène – l'effet est très spectaculaire et dramatique, créant un petit moment de panique !
    Les keepers ont deux attaques : ils peuvent lancer depuis leur cœur des orbes roses clignotants qui une fois déployés nous chargeront sous forme de missiles à la trajectoire plus ou moins courbe, ou générer un gros rayon laser rose qui viendra balayer la zone de jeu dans notre direction. Pour survivre aux missiles, il faut les esquiver ou leur tirer dessus, idéalement alors qu'ils ressemblent encore à des orbes (ils sont alors plus lents et faciles à viser) ; et pour échapper au laser, on peut lui tirer dessus (!) pour le ralentir puis faire basculer son mouvement dans le sens inverse.
    Le point vulnérable des keepers est leur cœur, qui n'apparaît qu'après avoir détruit au moins une des quatre plaques le protégeant : moins un keeper a de plaques, plus son cœur est facile à viser. Attention : les keepers peuvent attaquer à plusieurs ou attaquer en même temps que d'autres ennemis, les vaincre exigera alors une bonne organisation !

Ces adversaires titanesques ajoutent une couche hiérarchique bienvenue à la formule de Robotron : 2084 : ils ponctuent l'action très agréablement en distinguant nettement des schémas d'arènes qui se suivent ainsi sans se ressembler, et ils approfondissent l'aspect tactique du gameplay (quel ennemi cibler en premier, faut-il privilégier l'attaque ou la fuite ou la collecte des amis, etc.).

En plus de ses adversaires, notre poulpe cyan aura aussi affaire à différents obstacles généralement indestructibles – ceux-ci sont représentés dans l'image ci-dessus en diverses couleurs, mais en réalité ils clignotent tous de la même façon :

  • MINE : ces mines triangulaires nous tuent au contact mais peuvent être détruites en tirant dessus, elles rappellent donc naturellement celles de Robotron : 2084, avec néanmoins une nuance de taille – elles explosent aussi au contact des amis et ennemis, leur occasionnant les mêmes dégâts ! Les mines ont un périmètre de souffle, mais pas de zone de déflagration comme les bomb bulbs par exemple, elles repoussent donc simplement les personnages autour d'elles lors de leur explosion : puisqu'il faut toucher les mines pour recevoir des dégâts, tirer sur une mine pour sauver un ami situé juste à côté ne présente aucun risque. Les mines sont le seul obstacle destructible.
  • BALL MINE : les ball mines sont des mines rondes dont le support ne peut être détruit – quand on leur tire dessus, la mine explose, la balle cesse de clignoter, puis elle roule plus loin. Les balles neutralisées, de couleur grise, demeurent inoffensives pendant une dizaine de secondes puis se rallument et redeviennent explosives. Puisqu'elles roulent quand on les pousse (même éteintes), les ball mines se retrouvent en général à encombrer les bords de l'arène, participant à l'intention globale de satryn deluxe de décourager ou entraver la tactique instinctive des joueurs de twin stick shooter consistant à tourner en boucle autour de l'aire de jeu.
  • GLUON : l'apparition des gluons est une mauvaise nouvelle – ces amas de petites sphères avancent lentement en ligne droite en rebondissant contre les murs, et se relient régulièrement deux à deux par un rayon laser mortel. Un faisceau rouge apparaît entre les gluons peu avant leur connexion laser, qui les rapproche alors et tue tous les alliés pris dans la liaison (pas les ennemis). Les gluons eux-mêmes sont mortels, leur tirer dessus les repousse simplement. Ils peuvent faire un carnage parmi les amis, il faut donc collecter ces derniers très vite.
  • BLACK HOLE : les black holes (trous noirs), comme leur nom l'indique, aspirent les personnages à proximité. Dans le cas des ennemis, c'est plutôt un avantage puisque ça aère la zone de jeu (les ennemis ne sont pas tués et ils peuvent s'échapper du trou noir, mais ils prennent ainsi moins de place) ; dans le cas des alliés, c'est en revanche mortel ! Les trous noirs (et blancs) sont mobiles à la façon des pomfis.
  • WHITE HOLE : les white holes (trous blancs) sont très logiquement l'inverse des trous noirs, ils repoussent à distance tous les personnages, ce qui n'empêche pas les trous blancs de pouvoir tuer les amis en passant dessus lorsque leur vitesse compense leur répulsion. Ils compliquent la prédictibilité des mouvements adverses.

Fort heureusement, les mines standards et les ball mines sont les seuls obstacles cumulables dans une même arène.

Enfin, les powerups de satryn deluxe constituent un ajout majeur à la formule de Robotron : 2084, structurant l'expérience dans son rythme ludique, sa tactique et ses sensations. Les powerups apparaissent dans l'arène par tranches de 75.000 points gagnés, ils sont utilisables après collecte jusqu'à épuisement de leurs munitions (on peut donc garder son powerup d'une arène à l'autre) :

  • DUAL : powerup le moins intéressant, le dual fait tirer nos projectiles derrière nous en plus de devant nous. Pour bien l'utiliser, on doit se positionner plutôt au centre de l'arène.
  • SPREAD : le spread est à la fois supérieur au dual et au quad – il ajoute deux lignes de tir à 45° à gauche et à droite du tir principal. satryn deluxe repose beaucoup (surtout dans ses niveaux tardifs) sur le contrôle de l'espace vital : on va chercher à aménager une zone "nettoyée" à partir de laquelle on pourra attaquer le reste de l'arène sans risquer de se faire encercler ; et pour cela, un tir multiple tirant globalement dans la même direction est plus utile qu'un tir allant dans tous les sens, même si ce dernier peut faire plus de dégâts.
  • QUAD : le quad nous fait tirer en croix dans quatre directions. Comme dit plus haut, c'est une direction de plus que le spread, mais on est forcé de stationner au milieu de l'arène pour bien l'exploiter, ce qui n'est pas forcément pratique.
  • SWIFT : le swift est tout simplement un tir rapide, très utile contre les gros adversaires.
  • PIERCING : comme son nom l'indique, le piercing traverse les ennemis et peut faire un carnage dans les foules denses d'ennemis faibles. Il est aussi très efficace contre les keepers puisqu'il endommage plusieurs plaques à la fois.
  • ROCKET : le rocket est un bazooka, ses projectiles explosent au contact et font beaucoup de dégâts. Il est efficient à la fois contre les groupes et les gros adversaires.
  • FLAME : de loin le powerup le plus dévastateur, le flame est un lance-flamme capable de "nettoyer" très rapidement de grandes zones de l'aire de jeu. Il se prête à toutes les situations, et il vaudra mieux rentabiliser soigneusement chacune de ses munitions.
  • WATER : le water ajoute deux lignes de tir à 90° à gauche et à droite du tir principal, mais surtout, il génère à la base de nos tirs un gros demi-disque (plus exactement, un gros demi-hexagone) bleu clignotant qui repousse les ennemis. C'est l'occasion rêvée de se ruer sur les amis pour les sauver, mais attention : ça ne fonctionne pas sur les projectiles !
  • SHIELD : comme on s'en doute, le shield est un bouclier nous permettant d'encaisser des dégâts sans perdre une vie, après quoi il disparaît. C'est encore meilleur qu'une vie supplémentaire puisqu'il permet de conserver son multiplicateur, et en plus de cela, les boucliers sont cumulables, on peut en emmagasiner jusqu'à trois, ce qui est très motivant !

À l'instar des amis, les powerups sont collectés automatiquement à la fin d'un niveau, à condition de ne pas avoir de powerup actif ou si le powerup à collecter est du même type que celui en cours. Lorsque les ennemis se raréfient dans l'arène, il faut donc faire attention à ne pas rater bêtement un powerup alors qu'il ne nous reste que peu de munitions du powerup en cours.

J'ai pris soin de détailler un à un tous les éléments ci-dessus afin que cette critique serve aussi de guide aidant à comprendre et à maîtriser plus rapidement chaque nuance du jeu, mais on peut commencer de jouer à satryn deluxe en aveugle sans problème : tout y est extrêmement intuitif, avec des designs et des couleurs qui mettent bien en évidence les structures du gameplay, et on s'y amuse beaucoup dès ses premières parties, comme sur une borne d'arcade. Pour obtenir un score respectable et grimper dans le sommet des classements en ligne, cependant, on aura besoin d'y anticiper le moindre détail !

Une chose à notamment bien intégrer est la spirale accélératrice du jeu : plus on progresse, plus les ennemis sont nombreux et dangereux, mais (idéalement) plus on a collecté d'amis, donc plus vite on gagne des points, ce qui fait apparaître plus souvent les powerups qui permettent de compenser des hordes ennemies devenues agressives et hétéroclites jusqu'à la surcharge !
Les amis et les powerups sont la clef, les premiers étant la condition d'apparition des seconds : seuls une bonne abondance et un bon usage des powerups nous feront survivre dans les niveaux tardifs. Le jeu change donc petit à petit de nature, devenant moins posé et toujours plus excitant jusqu'à l'hypnotisme. Il conviendra alors de bien gérer ses munitions, et d'adopter les bons réflexes : lorsqu'un powerup apparaît alors que l'on en a déjà un, il est préférable de rester proche du nouveau powerup jusqu'à épuisement du sien afin de toujours conserver une puissance de feu respectable au milieu d'une action qui vire au feu d'artifice tout en gardant un fort aspect tactique – d'une certaine façon, Robotron : 2084 fusionne ici avec Geometry Wars.

Tout dans satryn deluxe est micro-réglé à la perfection : l'élasticité des déplacements ennemis, la complémentarité du bestiaire et des obstacles, la gestion des amis et leur rôle de multiplicateur, l'importance des powerups face à la difficulté grimpante.

Cette qualité est due à des bases ludiques excellentes, mais aussi à beaucoup de passion et de travail : maybell, l'auteur, a ainsi passé plus de deux ans à peaufiner satryn deluxe – le jeu est sorti en tant que satryn sur itch.io en mars 2021, puis sa version "deluxe" est sortie sur Steam huit mois plus tard, pour ensuite être mise à jour régulièrement pendant plus d'un an jusqu'en février 2023. Des ennemis et obstacles et armes ont ainsi été ajoutés (dont les keepers), et de nombreuses règles ont été ajustées degré par degré pour que l'expérience soit la plus agréable, prenante, équilibrée, intuitive, spectaculaire et motivante possible, en partie grâce à l'avis des joueurs. Ainsi, par exemple, dans les premières versions du jeu, perdre une vie nous enlevait aussitôt tous nos amis, ce qui était bien sûr très décourageant, mais cela (et de nombreuses autres choses) a ensuite été modifié. La brillance de l'ultime version du jeu illustre bien l'énorme potentiel du développement participatif dans le jeu indépendant, qui continue souvent d'améliorer sa production longtemps après le lancement initial d'un projet même lorsque ce n'est guère rentable.

Si satryn deluxe semble modeste, il est donc de qualité exemplaire : c'est non seulement Robotron : 2084 en mieux, mais tout bonnement un des meilleurs twin stick shooters auxquels j'ai pu jouer, en particulier dans la catégorie des twin stick shooters typés "arcade" où il n'y a qu'un mode principal sans déblocage progressif de contenu – c'est alors peut-être LE meilleur à mon avis. Il y a dans satryn deluxe toute la pureté, l'excitation et l'exigence d'hyper-concentration (les niveaux tardifs sont dignes de Jeff Minter) dont on pourrait rêver dans un jeu d'arcade, mais sans l'aspect punitif ou maladroit des années 1980 : la lisibilité, la précision, et la certitude de pouvoir améliorer son score avec un petit peu plus d'entraînement, de combativité et de rigueur, se combinent ici pour former un jeu récréatif idéal (et terriblement addictif).

Pour ce qui est de la réalisation technique, on l'a dit et on le voit sur les captures d'écran, le jeu est visuellement très simple mais agréable et parfaitement clair, et il parvient à être assez impressionnant lorsque les choses se corsent (les effets se superposent à merveille). Pour ajouter au dynamisme de l'action, lorsqu'on tue un ennemi, celui-ci laisse une tache de même couleur (assombrie, heureusement) sur le noir du fond, c'est très plaisant. On l'a déjà évoqué, il n'y a pas de musique mais les bruitages sont réussis et surtout extrêmement informatifs.

À l'occasion de ses ultimes mises à jour, la version itch.io (gratuite) de satryn deluxe a été mise à niveau avec la version Steam (payante), seuls les classements en ligne et les succès les distinguent désormais. Le jeu a aussi été rendu disponible gratuitement sur Google Play. Un don peut être effectué lors du téléchargement sur itch.io.

Simbabbad
(13 mars 2023)
Sources, remerciements, liens supplémentaires :
Cet article a été publié initialement sur le blog de Simbabbad, à cette adresse.