Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Laurent (02 mai 2002) Pour tous ceux pour qui le jeu vidéo est né avec les 32-bits, le nom de Bitmap Brothers ne signifie peut-être rien et c'est un grand tort. Il ne s'agit pas de frères en réalité, mais d'une équipe de développement dont le personnel à quelque peu fluctué au fil du temps, et qui s'est imposée dès sa création en 1987 comme une des plus célèbres de la profession. Fondés par Eric Kelly, Eric Matthews et Mike Montgomery, les Bitmaps Brothers ont employé, à temps plein ou en free-lance, des développeurs comme John M. Philips (programmeur à qui on doit aussi le jeu Nebulus), David Whitaker et Richard Joseph (célèbres compositeurs sur micros 8 et 16-bits), ainsi que Mark Coleman et Dan Malone (graphistes qui ont imposé la "patte" visuelle Bitmap Bros.). Avant les Bitmaps, rarement le studio de développement avait-il été mis sur le même plan que celui de l'éditeur dans la promotion d'un jeu vidéo (en dehors de l'exemple particulier d'Activision au début des années 80, qui ne fit pas école sur le moment). Les Bitpmap Bros., dont les ambitions ont à une époque dépassé le cadre de l'industrie qui les a lancés, ont compris qu'à l'instar du disque le jeu vidéo est une création artistique, et qu'à ce titre seul son auteur devrait avoir droit aux feux de la rampe, l'éditeur n'assurant que le financement et la distribution. Le premier jeu crée par les Bitmaps Bros. est Xenon, édité par Melbourne House (propriété de Mastertronics) en 1988. Ce shoot'em'up vertical développé pour Atari ST et Amiga, puis porté sur Amstrad CPC, Commodore 64, ZX Spectrum, PC et MSX, s'est fait remarquer par sa réalisation, qui le plaçait loin devant la concurrence, pourtant nombreuse, et a même fait une apparition en salle d'arcade (dans sa version Amiga). Ce seul jeu a suffi à faire attendre la prochaine création des Bitmaps Bros., cette fois chez Image Works, filiale de Mirrorsoft. Ce sera Speedball, sorti fin 88, un sport collectif virtuel ultra-violent à la frontière entre le hand-ball et le Rollerball (sport futuriste fictif inventé en 1975 par le film du même nom). Encore une fois c'est un hit grâce à sa jouabilité incroyable et la qualité de sa réalisation, la version ST égale la version Amiga, ce qui était plutôt rare en général (sans vouloir polémiquer...) mais systématique dans le cas des Bitmap Bros.. D'autre part, contrairement au précédent, ce jeu a eu droit à des conversions sur les consoles 8-bits (NES, Master System), preuve de la renommée internationale grandissante de ses créateurs. A noter que pour des raisons présumées de censure, le jeu fut rebaptisé, sur NES, KlashBall (de peur d'une analogie avec les "speeds", à savoir les amphétamines). Après Speedball, voici Xenon II: Megablast (fin 1989 sur micros 16 et 8-bits, consoles 8-bits, Acorn Archimedes et Sharp X68000), un des premiers exemples de jeu dont la musique ait été confiée à un groupe de rock ou un DJ en vogue, ici Bomb the Bass, pseudonyme du musicien et producteur anglais Tim Simenon (qui reprend pour l'occasion le thème du film Assaut de John Carpenter). Le morceau Megablast, ici remixé, est tiré du premier album de Bomb The Bass, Into the Dragon (1988). La suite de Xenon dépasse en tout point l'original grâce à ses graphismes excellents, son animation relativement fluide (compte-tenu de la quantité de choses qui bougent à l'écran et de la surface d'affichage, maximale) et sa bande sonore percutante et groovy. Encore une fois, la version ST est superbe, transcendant les capacités de la machine, même si la musique souffre un peu de la comparaison avec celle de l'Amiga et ses 4 voies stéréo restituant de vrais sons d'instruments, alors que le ST se contente de sons synthétiques typés 8-bits qui n'ont pas l'effet voulu dans ce cas. Cadaver (1990 sur ST, Amiga, Archimedes, PC, édité par Image Works), le titre suivant des Bitmaps, change totalement de registre. Il s'agit d'un jeu d'aventure en perspective isométrique inspiré des productions Ultimate. Une suite appelée Cadaver: The Payoff sortira un an plus tard. Là encore c'est un gros succès, le jeu s'avérant passionnant et superbe. Cadaver est suivi de Speedball 2: Brutal Deluxe (1990 sur micros 8 et 16-bits, puis consoles 8-bits et CD32, édité par Image Works et d'autres selon les plate-formes et les territoires). La où Speedball proposait de jouer avec des équipes de deux joueurs, Speedball 2 en aligne 6 de chaque côté du stade et propose une aire de jeu agrandie, encore plus de violence cartoon et une prise en main encore plus immédiate. Un nouveau hit, d'une jouabilité formidable et plein d'humour (rappelez vous des "ice cream....ice cream....") Après Speedball 2, les Bitmap Brothers fondent leur propre label, Renegade. Leur ambition est de se concentrer à la fois sur le jeu vidéo et la musique en signant divers artistes. Le premier jeu publié par Renegade est Gods (1991, micros et consoles 8 et 16-bits), peut-être le chef d'œuvre des Bitmaps Brothers. Jeu d'action/plate-forme situé dans un univers mythologique, Gods est une petite merveille de jouabilité et d'intérêt, le style graphiques des Bitmaps y étant immédiatement reconnaissable. Ensuite, Renegade sort Magic Pockets (1991, Amiga, ST, Archimedes, PC), un jeu de plate-forme mettant en scène un petit garçon qui ne fait pas le carton voulu malgré une musique très sympa où retentit la voix de la chanteuse anglaise Betty Boo et de très jolis graphismes (ceci dit, la maniabilité laisse à désirer à cause du manque de fluidité, que ce soit sur ST ou Amiga). The Chaos Engine (1993, micros et consoles 16-bits) fera mieux, ainsi que sa suite The Chaos Engine 2 (1996, Amiga et CD32), dans le registre "shoot'em up à pieds", même si ces deux titres arrivent alors que les micros 16-bits sont en déclin. A noter que The Chaos Engine est un des premiers jeux d'action sur micro réellement orienté multi-joueur, les différents personnages disponibles ayant des capacités très complémentaires, comme c'était le cas dans Gauntlet. Il faut noter que Renegade a également édité des jeux provenant d'autres studios. C'est notamment le cas du bien connu Sensible Soccer (1994) et de l'excellent Ruff'n'Tumble (1994) qui ressemble à un jeu des Bitmaps mais n'en est pas un (c'est le studio Wunderkind qui est derrière). Après la disparition des 16-bits du marché, les Bitmap Brothers mettent un peu de temps pour passer au développement sur PC et Playstation. Entre temps, d'autres sociétés sont apparues dont la créativité est boostée par les possibilités de ces plates-formes, et certains reçoivent le soutien de Sony qui se donne tous les moyens nécessaires pour imposer sa console. Le temps des petits jeux (d'un point de vue logistique, s'entend) est révolu et le succès repose avant tout sur des budgets de développement conséquents. Les Bitmaps Brothers, qui ont toujours visé une certaine indépendance, n'ont pas les reins assez solides, financièrerement, pour s'adapter à un tel contexte. Aussi, quand sort le jeu Z en 1997 sur PC, Playstation et Saturn, ce n'est qu'un titre parmi tant d'autres en dépit de son excellent concept de stratégie en temps réel inspiré de Warcraft (qui lui-même s'inspirait de Dune II). Une jolie réussite tout de même, à laquelle l'humour caractéristique du studio n'est pas pour rien. A ce stade, les Bitmaps n'ont toujours pas publié le moindre jeu en 3d, et à l'évidence ils ne sont plus les stars qu'ils étaient à la fin des années 80. En 1998, les co-fondateurs Steve Kelly et Eric Matthews quittent le navire pour mener une carrière plus tranquille de simple développeur. La restructuration du studio qui s'ensuit n'empêchera pas la sortie de deux productions assez ambitieuses affichant, enfin, des graphismes en 3d : Speedball 2100 (2000), uniquement sur Playstation, et Z: Steel Soldiers, suite de Z exclusive au PC. Malgré des qualités certaines, les deux jeux se contentent à leur sortie d'un accueil timide et de ventes médiocres. Depuis lors, les Bitmap Brothers se sont surtout employés à rééditer leurs jeux les plus célèbres sur différents systèmes (portables le plus souvent), dans des versions parfois relookées ou dotées d'une difficulté adoucie par des modes de jeu alternatifs. Ce dernier point n'est pas un luxe car comme la plupart des jeux en vogue sur ST, Amiga et consorts, les hits les plus notables des Bitmaps sont tous franchement ardus à maîtriser (à l'exception de Gods qui est plutôt bien équilibré). Speedball 2: Brutal Deluxe est resté, à tort ou à raison, le jeu Bitmap Brothers le plus célèbre. C'est donc lui qui a été ressorti le plus de fois. Il est aujourd'hui d'usage de dire que les Bitmap Brothers sont "culte", ce qui veut dire très connus et estimés mais qui ne font plus grand chose. Heureusement, l'émulation et le retro-gaming sont là pour relativiser la notion d'actualité. Envie de réagir ? Cliquez ici pour accéder au forum |