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Fire Pro Wrestling - La série
Année : 1989
Système : Arcade, Game Boy, Megadrive, PC Engine, Playstation, Saturn, SNES, Wonderswan
Développeur : Human
Éditeur : Human
Genre : Jeu de Combat (VS fighting) / Sport
Par Sebinjapan (15 janvier 2012)
SOMMAIRE
Le Catch au JaponPage 01
Les Jeux de CatchPage 02
Fire Pro Wrestling Combination Tag
(PC Engine / 1989)
Page 03
Fire Pro Wrestling 2nd Bout
(PC Engine / 1991)
Page 04
Super Fire Pro Wrestling
(SFC / 1991)
Page 05
Fire Pro Wrestling 3 : Legend Bout
(PC Engine / 1992)
Page 06
Super Fire Pro Wrestling 2
(SFC / 1992)
Page 07
Super Fire Pro Wrestling 3
(SFC / 1993)
Page 08
Puroresu / Hal Wrestling
(GB / 1990)
Page 09
Thunder Pro Wrestling Retsuden
(MD / 1992)
Page 09
Fire Pro Joshi : All Star Dream Slam
(SFC - 1994)
Page 10
Fire Pro Wrestling : Doumu Choujou Taisen / Wrestling Universe
(PC Engine CD - 1995)
Page 10
Super Fire Pro Wrestling Queens Special
(SFC - 1995)
Page 11
Super Fire Pro Wrestling Special
(SFC - 1994)
Page 12
Super Fire Pro Wrestling X
(SFC - 1995)
Page 13
Blazing Tornado
(Arcade - 1994)
Page 14
Fire Pro Wrestling Ironslam 96
(Playstation - 1996)
Page 14
Fire Pro Wrestling 6 Men Scramble
(Saturn - 1996)
Page 15
Fire Pro Wrestling G
(Playstation - 1999)
Page 16
Fire Pro Wrestling
(Wonderswan - 1999)
Page 17
Annexe : Human EntertainmentAnnexe 01

La série Fire Pro Wrestling est le fruit du travail d'une équipe de développeurs de jeux video passionnés par le catch.
Le catch : qu'il soit considéré comme un noble sport ou une exhibition ridicule et truquée, c'est un spectacle qui ne laisse pas indifférent. Son importance dans la culture populaire de nombreux pays est réelle et considérable. C'est le cas au Japon où on l'appelle puroresu (prononciation japonaise de l'anglais pro-wrestling).

Avant d'aborder cette série de jeux vidéo qui prend ses racines sur PC Engine en 1989, nous allons présenter brièvement le puroresu dans son pays d'adoption, et ce depuis ses origines...

LE CATCH AU JAPON

Dans les années qui précèdent et suivent la seconde guerre mondiale, des tentatives sont faites pour présenter ce sport-spectacle où les affrontements reprenant des prises de lutte greco-romaine sont arrangés afin de garantir au public un combat exhaltant. Des judokas montent ainsi des spectacles de catch qui s'inspirent en partie de ce qui est alors produit aux États-Unis. La forme de catch proposée à l'époque, au Japon ou ailleurs, est « sobre » et ne présente pas encore des personnages hauts en couleur comme Hulk Hogan ou l'Undertaker ! La particularité japonaise, déjà, est d'opposer des pratiquants de disciplines différentes : lutteurs face à judokas, un avant-goût de ce qui deviendra la marque de fabrique de Antonio Inoki et de certaines fédération de MMA (Mixed Martial Arts). Mais n'allons pas trop vite...
Cette forme très technique, très physique et « sérieuse » plaît au public japonais qui y assiste, mais la mayonnaise ne prend pas vraiment. Pour faire décoller le catch au Japon, il faudra une superstar, et le soutien de la télévision.

Rikidozan et la JWA

Au début des années 50, l'ancien sumo Rikidozan fonde la JWA (Japan Wrestling Alliance). Il s'est déjà fait un nom dans le catch en ayant lutté aux États-Unis, et en remportant un tournoi à Hawai qui lui donne le droit d'affronter celui qui est reconnu comme LE champion du monde de l'époque, le légendaire Lou Thesz. Thesz est l'un des catcheurs les plus talentueux et respectés de toute l'histoire, il remporte le match qui dure près d'une heure, mais la légende de Rikidozan est en marche et ce match est traité par les journeaux japonais de l'époque comme un événement sportif important faisant rapidement de l'ancien sumo une star nationale.

Rikidozan face au Destroyer.
Lou Thesz porte un backdrop sur Giant Baba.

En 1954, un spectacle est organisé par la JWA sur 3 jours, et est retransmis en « prime time » par les chaines de télévision NHK (1er jour seulement) et NTV (les 3 jours). C'est un succès phénoménal qui marquera profondément la culture populaire de l'époque avec des postes de télévision mis à disposition du public dans les rues pour que les japonais ne possédant pas de télévision à domicile (forcément, on est en 1954 !) puissent suivre l'évènement. Et ce sont des foules considérables qui s'agglutinent devant les écrans.
Ce show met donc en scène Rikidozan mais également le judoka Masahiko Kimura. Kimura est considéré comme rien de moins que le plus grand judoka de tous les temps et il est entré dans la légende du sport de combat après avoir vaincu le célèbre fondateur du jiu-jitsu brézilien Helio Gracie par KO. L'implication de Masahiko Kimura auprès de Rikidozan n'est donc pas un élément étranger à la hausse de popularité du catch au Japon.

Dans sa fédération JWA, Rikidozan se met en scène défiant et mettant au tapis de vils envahisseurs américains qui jouent efficacement le rôle de « méchants » du ring (Rikidozan est lui-même un « méchant » quand il lutte aux USA). Nous ne sommes que quelques années après la défaite de la seconde guerre mondiale et ce genre de spectacle remonte le moral du peuple japonais ! En 1958, au sommet de sa gloire, Rikidozan vaincra Lou Thesz et deviendra ainsi le premier Japonais champion du monde de catch. C'est une époque ou le rayonnement de la NWA (alliance de fédérations Américaines qui étend alors son influence dans le monde entier) est sans pareil, et le champion qu'ils reconnaissent est effectivement considéré comme LE champion du monde dans de très nombreux pays.

Les matches de la JWA retransmis à la TV battent quand à eux des records d'audience et le match de 1963 contre The Destroyer réunit la plus large audience de toute l'histoire de la télévision japonaise. C'est malheureusement également cette année là que Rikidozan trouve la mort à 39 ans des suites d'une blessure infligée par un coup de couteau donné par un yakuza. Mais son parcours sportif et son statut de héros national ont permis au catch de s'imposer comme un sport et un divertissement majeur au Japon. Notons que le status de héros national de Rikidozan est ironique quand on sait qu'il était en fait Coréen (un fait bien caché à l'époque !).

Les héritiers de Rikidozan, la NJPW et la AJPW

Pendant les 10 années qui suivront la mort de Rikidozan, le catch va assoir sa popularité au Japon et se développer en créant notament de nombreux liens avec les fédérations américaines comme la NWA. Deux catcheurs formés par Rikidozan vont rapidement émerger au sein de la JWA et devenir des superstars. L'un est Antonio Inoki, qui s'est illustré dans de nombreuses compétitions d'athlétisme avant de devoir émigrer au Brésil, puis revenir au Japon en tant que catcheur sous la houlette de Rikidozan.

L'autre est Giant Baba, un ancien joueur de baseball professionel qui se démarque grâce à sa taille imposante de plus de 2 mètres !
Tous deux connaîtront d'abord le succès à la JWA de Rikidozan, surtout en équipe. Puis, au début des années 70, ils partent chacun de leur côté et commencent à voler de leurs propres ailes.

Giant Baba et André le Géant s'en prennent à Stan Hansen.
Inoki et Baba : héros de manga !

Antonio Inoki, quitte la JWA et devient ainsi le fondateur de la Shin Nihon Puroresu (la New Japan Pro Wrestling ou NJPW). Il se donne comme ambition de faire reconnaître le catch comme le plus grand des sports de combat. C'est ainsi que pour assoir sa légende, il va défier de nombreux combattants de disciplines diverses dans des matches officiellement non arrangés (ce qui ne sera pas toujours vrai ...), parmi lesquels les boxeurs Karl Mildenberger et le célèbre Muhammed Ali. Ces actions vont imposer la NJPW sur le devant de la scène et la fédération va proposer un catch très physique qui incorporera des mouvements « réalistes » comme des coups de pied portés façon kick-boxing et des prises de soumission empruntées au jiu-jitsu.

De son côté, Giant Baba devient le président de la Zen Nihon Puroresu (la All Japan Pro Wrestling ou AJPW), une fédération qui naît des cendres de la JWA, et qui bénéficie de l'appui des héritiers de Rikidozan ainsi que des principales chaînes de TV japonaises. Baba maintient des liens très forts avec les USA, allant même jusqu'à faire de la AJPW un membre officiel de la prestigieuse NWA, ce qui permet au ring de sa fédération d'accueillir régulièrement les stars américaines de l'époque comme Jack Brisco, les frères Funk ou le spectaculaire Abdullah the Butcher. Le style de catch présenté est alors traditionnel, très technique et joue autant sur la psychologie des combattants que sur leurs aptitudes physiques.

Antonio Inoki vs Mohammed Ali.
Karl Gotch effectue un magnifique German Suplex.

Ces deux grandes fédérations menées par deux lutteurs charismatiques vont définitivement imposer le catch dans le paysage culturel et audiovisuel japonais. Parallèlement, d'autres influences vont se manifester et de nouvelles stars vont naître, mais avant d'y venir il faut absolument citer le nom d'un homme : Karl Gotch. Ce lutteur allemand (en fait belge de naissance), célèbre utilisateur du « german suplex » (le nom vient de là) est surnommé au Japon « le dieu du catch », ce qui témoigne de son succès là-bas à cette époque. Il est aussi et surtout l'homme qui a entraîné certaines grandes stars comme Tatsumi Fujinami, Satoru Sayama (Tiger Mask) ou Yoshiaki Fujiwara, et son influence sur Inoki et la NJPW toute entière, puis sur le shootfighting (voir plus bas) est considérable. On nomme souvent le style de catch que Gotch et Inoki ont développé, le « Strong Style », et il va directement influencer l'évolution du puroresu pour les décennies à venir.

Influence de nouveaux styles

À la base, le catch japonais est donc issu du catch pratiqué aux États-Unis dans les années 60/70. Les matches sont longs, très techniques, avec de nombreuses prises de soumission. Les catcheurs se projettent peu dans les cordes et les manoeuvres acrobatiques sont quasi inexistantes. On distingue ensuite plusieurs influences qui vont faire évoluer le catch japonais, voire créer des genres totalement « à part ». Les Japonais alors en pleine expansion économique et industrielle sont célèbres pour s'approprier des concepts, en faire une synthèse et les améliorer : le catch ne fait pas exception !

Comme on vient de l'évoquer, la principale influence provient du Strong Style, de l'incorporation de coups « réalistes » et violents : des frappes comme des coups d'atémi et coups des pied, issus d'autres sports de combat comme le karaté ou le kick-boxing, et des prises de soumission exécutées habituellement dans le jiu-jitsu brésilien par exemple. C'est en partie dû aux efforts de Antonio Inoki (sous l'influence de Karl Gotch) pour faire du catch une discipline martiale égale aux autres sports de combat.

Et Il faut justement parler de l'impact d'un homme qui va s'approprier ce style et le rendre encore plus explosif : Riki Choshu. Ce dernier va se démarquer grâce à un rythme plus soutenu dans ses combats et va surtout populariser ces coups de la corde à linge ultra-violents qui encore aujourd'hui fleurissent dans les matches de « poids lourds » au Japon.

Combat de shootfighting à la UWF.
Riki Choshu dégomme Inoki avec son terrible coup de la corde à linge !

Et puis d'autre part le « Strong Style » va entraîner la naissance des fédérations dites de « shootfighting » qui vont à leur tour influencer le catch japonais. C'est particulièrement le cas de la UWF créée en 1984 par des lutteurs comme Akira Maeda. Les fédérations de shootfighting ont pour ambition de recréer des combats les plus réalistes possibles avec des coups portés très fort, sans pour autant blesser l'adversaire puisque les combats sont ici aussi scénarisés avec un gagnant déterminé à l'avance. C'est également de ce type de catch que naîtront au milieu des années 90 les fédérations de MMA (Mixed Martial Arts) comme Pancrase, puis PRIDE. Le concept s'exportera aussi aux États-Unis où l'Ultimate Fighting Championship (UFC) connaît désormais un immense succès.

Une autre influence de taille est celle du catch mexicain, la Lucha Libre qui est mise en valeur au Japon dès les années 70 par Mil Mascaras et Dos Caras. Ces derniers connaîtront une telle popularité qu'ils entraîneront dans leur sillage l'arrivée de catcheurs « poids légers », virevoltants et acrobatiques, portant parfois des masques comme leurs homologues mexicains.

Tiger Mask, Jushin Thunder Liger ou le Great Sasuke bénéficieront de l'engouement créé autour de ces petits gabarits dans un sport jusque-là archi-dominé par des athlètes à la stature imposante. Cela produira d'une part les divisions « Junior » qu'on retrouve au sein des grandes fédérations comme la NJPW ou la AJPW, sachant que le style « Junior » japonais est un mélange de lucha-libre (pour les manoeuvres aériennes, l'usage des cordes et les prises de soumission complexes) et de shootfighting avec des coups portés violemment (surtout des coups de pied).

Mil Mascaras et Dos Caras popularisent la Lucha Libre au Japon.
Tiger Mask : Lucha Libre + ShootFighting !

Et d'autre part, cela permettra à de petites fédérations dites « indépendantes », composées de catcheurs aux physiques plus fins et aux aspirations plus acrobatiques, de connaître le succès : c'est le cas de la Michinoku Pro Wrestling, puis de la Toryumon (devenue ensuite Dragon Gate).

Un autre style de catch, beaucoup plus controversé, s'est développé au Japon sous la houlette de Atsushi Onita et de sa fédération Frontier Martial-arts Wrestling (FMW) : le catch HARDCORE ! Ici, tous les excès sont permis : coups de chaises, cordes remplacées par du fil barbelé, voire explosifs disposés autour du ring ! Ici, les catcheurs ne se distinguent pas forcément par leur aptitude technique sur le ring mais par leur volonté de repousser ce qu'il est physiquement possible d'endurer comme douleur et de proposer les affrontements les plus spectaculaires possible.

Onita et la FMW : un catch explosif ! Âmes sensibles s'abstenir... (ici face au Great Sasuke et à Terry Funk)

Enfin, signalons la présence plus récente et plus ou moins importante au sein des fédérations, du « catch-comédie ». Ici l'humour est au centre de l'action, les matches sont souvent des parodies et les catcheurs portent des costumes hauts en couleur. Des fédérations comme la Osaka Pro Wrestling ou la DDT proposent souvent des matches hilarants qui tiennent autant du combat que du théâtre burlesque, et des catcheurs comme Kikutaro (anciennement Ebessan), Kuishinbo Kamen ou « Stalker » Ichikawa se sont fait un nom comme « comiques du ring ».

Kuishinbo Kamen et Ebessan encadrent l'arbitre Yokinori Matsui : ces trois-là vous feront forcément rire.

Le catch féminin

Difficile, voire impossible, de dresser un tableau du catch au Japon sans parler du Joshi Puroresu, le catch féminin. Le catch féminin commence au Japon en tant que spectacle mi-sexy mi-burlesque montré dans les cabarets dans les années 50. Les jeunes filles qui s'y produisent reçoivent cependant un réel entraînement et les shows se révèlent très populaires auprès de la clientèle, mais restent confidentiels alors que pourtant au même moment Rikidozan popularise auprès du plus grand nombre le catch masculin.

Il faut dire que le catch est alors considéré comme un sport viril réservé aux hommes et que les Japonais pensent que la variante féminine n'est pas très sérieuse... Mais les choses vont doucement commencer à changer à partir de 1954 lorsque la célèbre catcheuse américaine Mildred Burke présente un spectacle de catch féminin à Tokyo pour les forces armées américaines qui y sont stationnées. Surprise : la chaîne NTV retransmet les combats et c'est un succès !

C'est ainsi que le catch féminin japonais va sortir de l'obscurité des cabarets pour se produire au grand jour. Mais si les premiers shows sont populaires, les promoteurs font l'erreur de mettre en avant les jolies filles au détriment de celles qui ont un réel talent, et l'engouement se tarit. Jusqu'à la création à la fin des années 60 de la Zen Nihon Joshi Puroresu (la All Japan Women Pro Wrestling ou AJW) qui va faire les choses « sérieusement » en proposant un entraînement de qualité à ses lutteuses et en s'associant avec l'écurie de catcheuses de Mildred Burke aux États-Unis.

Mildred Burke a eu une grande influence sur le catch féminin au Japon.
Bull Nakano saute du haut de la cage sur Aja Kong dans un des matches les plus célèbres de la AJW.

Et c'est au milieu des années 70 que le catch féminin va devenir un véritable phénomène culturel au Japon sous la houlette de la All Japan Women Pro Wrestling et grâce à des stars ultra-charismatiques telles que Mach Fumiake et surtout l'équipe des Beauty Pair qui se produit également dans la chanson de variété. La génération suivante connaîtra encore plus de succès avec pour ambition de proposer des combats dont la dramatique et la qualité technique surpasse ce qui est proposé par les hommes.
Les années 80 verront ainsi l'explosion d'un véritable phénomène culturel en la personne des Crush Gals (Chigusa Nagayo et Lioness Asuka). En plus de proposer un catch d'un très bon niveau, leur charisme incroyable, ainsi que celui de leurs adversaires menés par l'ultra-violente Dump Matsumoto, leur fera atteindre les sommets de la célèbrité « mainstream » au Japon. Elles deviendront également des stars de la chanson avec des millions d'albums vendus !

Les Crush Gals : stars du catch et de la chanson...
La terrifiante Dump Matsumoto.

Dans les années 90, le catch féminin japonais va atteindre un tel niveau à la fois technique et populaire qu'il produira certaines des meilleures audiences TV de tous les temps, remplira des salles de dizaines de milliers de personnes, et recevra la reconnaissance et l'admiration du monde du catch masculin également, avec entre autres la catcheuse Manami Toyota dont les matches recevront des louanges de la part de la profession partout dans le monde.

Akira Hokuto vs Shinobu Kandori : les filles ne se laissent pas faire !
Takako Inoue vs Cutie Suzuki : c'est plus agréable à regarder...

L'excellence du catch Japonais des années 90

Beaucoup considèrent les années 90 comme la décennie ayant produit les meilleurs matches de catch au Japon. C'est certainement vrai tant le niveau technique des matches, la variété des styles et le charisme des combattants présents sur le ring est alors à son apogée. Les stars d'hier, comme Giant Baba ou Antonio Inoki, ont l'intelligence de ne pas monopoliser le ring pour leur gloire personnelle et laissent donc les nouveaux talents s'exprimer et prendre les devants. C'est ainsi que la AJPW voit, à la suite d'une formidable rivalité entre le vétéran Jumbo Tsuruta et le jeune prodige Mitsuharu Misawa, l'émergence de ceux qu'on va surnommer les Four Corners of Heaven : Mitsuharu Misawa, Toshiaki Kawada, Kenta Kobashi et Akira Taue. Pendant 10 ans, n'importe quel match mettant en scène au moins 2 de ces incroyables athlètes résultera en un affrontement endiablé, avec des coups de coude percutants, des german suplex à foison et un suspense et une émotion de tous les instants. Il faut dire qu'ils sont aidés par des « second rôles » débordant de talent et de charisme comme les américains Stan Hansen et Steve Williams par exemple.

Misawa, Kawada et Kobashi : ces 3 là produisent les meilleurs matches de la décennie.
Steve Williams délivre un backdrop bien brutal sur Kenta Kobashi.

Chez le concurrent d'en face, à la NJPW, le « dragon » Tatsumi Fujinami impose un style technique et explosif à la fois depuis les années 80. Mais c'est surtout un trio de stars montantes qui fait parler de lui : Masahiro Chono, Keiji Mutoh (et son double le Great Muta) et Shinya Hashimoto. Ces trois-là, qu'on surnomme les « Trois Mousquetaires » imposent leur marque notamment au sein du « G1 Climax », le tournoi de catch le plus prestigieux au Japon. Et puisqu'on parle de tournois, il faut évoquer le spectaculaire « Best of Super Junior », toujours à la NJPW, qui rassemble les plus impressionnants « poids légers » du pays (et parfois des stars venues de l'étranger) et qui connaît ses heures de gloire pendant les années 90 grâce à Jushin Thunder Liger, Koji Kanemoto ou encore Chris Benoit et Eddie Guerrero (ce dernier incarnant le personnage de Black Tiger 2).

Masahiro Chono, Shinya Hashimoto et Keiji Mutoh : les 3 mousquetaires de la NJPW.
The Great Muta et Hulk Hogan en action contre le Power Warrior (Kensuke Sasaki).

Et bien entendu, aux côtés de ces 2 fédérations qui trônent au sommet du catch nippon et qui sont régulièrement traitées en bonne page dans les journeaux sportifs, on trouve les fédérations de catch féminin dont le niveau technique est devenu très impressionnant. Et puis il y a les combats de shootfighting avec ses prises de soumission au sol et ses coups de pied dévastateurs, et puis les acrobates masqués des fédérations inspirées de la lucha libre comme la Michinoku... bref, impossible de s'ennuyer !

Voici d'ailleurs quelques recommandations personnelles concernant le catch japonais des années 90. La plupart de ces matches se trouvent sans trop de problème sur YouTube ou DailyMotion :

  • Jumbo Tsuruta vs. Mitsuharu Misawa - All Japan (6/8/90).
  • Keiji Mutoh/Masahiro Chono vs. Hiroshi Hase/Kensuke Sasaki – New Japan (11/1/90).
  • Keiji Mutoh vs. Masahiro Chono – New Japan (8/11/91).
  • Jushin Liger vs. El Samurai – New Japan (4/30/92).
  • Doug Furnas/Dan Kroffat vs. Kenta Kobashi/Tsuyoshi Kikuchi – All Japan (5/25/92).
  • Manami Toyota vs. Toshiyo Yamada - AJW (8/15/92).
  • Manami Toyota/Toshiyo Yamada vs. Dynamite Kansai/Mayumi Ozaki (11/26/92).
  • Mitsuharu Misawa/Kenta Kobashi vs. Toshiaki Kawada/Akira Taue - All Japan (5/21/94).
  • Mitsuharu Misawa vs. Toshiaki Kawada - All Japan (6/3/94).
  • Mitsuharu Misawa/Kenta Kobashi vs. Toshiaki Kawada/Akira Taue - All Japan (6/9/95).
  • Manami Toyota vs. Akira Hokuto - AJW (9/2/95).
  • TAKA Michinoku/Sho Funaki/Dick Togo/Shiryu/Men's Teioh vs. Gran Naniwa/Super Delfin/Tiger Mask IV/Yakushiji/Gran Hamada - Michinoku Pro (10/10/96).
  • Mitsuharu Misawa vs. Kenta Kobashi - All Japan (10/21/97).
  • Kenta Kobashi vs. Toshiaki Kawada - All Japan (6/12/98).
Ultimo Dragon plonge sur Jushin Thunder Liger : un excellent combat mettant en scène des poids légers.
Manami Toyota est présente dans les meilleurs matches de catch féminin des années 90.

Les grands chamboulements des années 2000

Pendant toutes les années 90, le catch japonais est incontestablement ce qui se fait de mieux au monde pour les amateurs de coups de la corde à linge ou de « tope suicida ». Le public et les critiques ne s'y trompent pas et les shows font salles combles tandis que les journalistes du monde entier attribuent des notes faramineuses aux matches de Mitsuharu Misawa ou Manami Toyota. Ailleurs, le catch vieillot de la NWA, AWA puis de la WCW, et grand-guignolesque de la WWF, ne sont vraiment pas à la hauteur même si la discipline continue à connaître du succès aux États-Unis.

Mais les choses changent à la fin des années 90. Aux États-Unis justement, une féroce rivalité à la télévision entre la WCW et la WWF, ainsi que l'influence de la petite fédération des rebelles de la ECW, va faire évoluer dans le bon sens la production de ces deux fédérations numéro 1 en occident. Les matches hardcore et les catcheuses sexy débarquent tandis qu'on laisse peu à peu les techniciens du ring s'exprimer. C'est l'âge d'or des « Monday Night Wars ».

Avec Steve Austin et la NWO, le catch américain est plus populaire que jamais.

Au Japon aussi, au tout début des années 2000, le catch japonais entre dans une période de mutation, mais qui ne va pas franchement lui être bénéfique. Plusieurs bouleversements importants ont lieu :

Parlons d'abord de l'impact du MMA (Mixed Martial Arts, je le rappelle). Si les fédérations de shootfighting comme la UWF ont apporté un style de combat réaliste au catch japonais, elles ont aussi prouvé que le sport de combat « sérieux » et sans mise en scène pouvait rapporter de l'argent. Ceci a ouvert la voie à des fédérations de MMA, où l'on se bat « pour de vrai », comme Pride et surtout K1 qui ont connu une popularité immense et ont fini par subtiliser des fans au catch, voire à le « ringardiser » aux yeux de certains.

Bob Sapp, champion de K1, a connu une popularité immense au Japon pendant les années 2000.

Or, Antonio Inoki, alors toujours président de la New Japan Pro Wrestling, toujours l'une des deux plus grosses fédérations avec la All Japan Pro Wrestling, décide de faire prendre un virage « MMA » à sa fédération. Des stars du K1 et de Pride sont embauchées et mises en avant au détriment des stars maison. La qualité et la dramatique des matches en souffrent, et les fans ne suivent pas. Plus tard, l'obstination d'Inoki et des tensions internes provoqueront des luttes d'influence au sein de la NJPW qui affaiblieront grandement cette dernière, et amèneront Inoki à la quitter.

Le virage MMA de la NJPW illustré par le nouveau look de Kensuke Sasaki (à droite) : une sacré différence avec son ancien personnage de « Power Warrior » (à gauche) !

Ensuite, chez l'autre géant du catch japonais, la All Japan Pro Wrestling, c'est le drame : son président, le bien aimé et très influent Giant Baba décède. Là aussi, des conflits internes éclatent après le deuil : c'est ainsi que plus des trois quarts des stars démissionnent et partent fonder la fédération Pro-Wrestling NOAH. Pire : Mitsuharu Misawa, star numéro 1 et originateur de cette fronde, emmène dans ses valises le contrat qui liait la fédération avec une chaîne de TV japonaise. Si la AJPW survivra, entre autres grâce à la fidélité de Toshiaki Kawada, au retour de Genichiro Tenryu et à l'arrivée de Keiji Mutoh, elle ne sera plus jamais que l'ombre d'elle-même. La NOAH quant à elle se hisse rapidement au premier rang des fédérations de catch au Japon, grâce à une qualité des matches dans la continuité de ce qui était produit dans les années 90. Malheureusement, son succès ne durera pas...

Misawa présente le 1er show de la Noah. 90% des catcheurs présents sont des démissionaires de la AJPW !
Les 4 principales stars du catch au Japon au début des années 2000, Keiji Mutoh (AJPW), Mitsuharu Misawa (NOAH), Shinya Hashimoto (Zero-One) et Masahiro Chono (NJPW) posent pour le jeu King of Colosseum 2.

Une autre « grande » fédération a tenté de se faire une place sur le « marché », c'est la Zero-One emmenée par l'une des stars de la NJPW : Shinya Hashimoto. Mais le décès prématuré de ce dernier et un manque de succès auprès du grand public ont relégué cette dernière au même rang que des fédérations indépendantes plus modestes.

Mais le gros problème de ces fédérations de catch, c'est qu'elles échouent toutes dans une tâche primordiale : créer de nouvelles stars pour l'avenir. Et quand les Misawa, Chono et Mutoh prennent de la bouteille et ne peuvent plus produire des batailles épiques, personne n'est là avec suffisament de crédibilité auprès du public pour prendre la relève. Et donc le catch japonais perd peu à peu de sa superbe et de sa popularité, tandis qu'à l'autre bout de la planète le catch américain, sous la houlette de l'ogre WWF qui deviendra WWE peu après avoir racheté son concurrent la WCW, étend plus que jamais son influence sur le monde occidental.

Le catch Japonais à l'aube de la décennie 2010

Le catch japonais ne se porte plus aussi bien... Si de nombreuses fédérations existent toujours et se produisent toute l'année, leurs spectacles ne font plus salle comble et sont retransmis sporadiquement par des chaînes payantes et souvent au milieu de la nuit. On a vu quelques-unes des raisons qui ont mené à cet état de fait dans le chapitre précédent, mais l'autre gros soucis du catch au Japon provient certainement de la crise économique. Puisque les fédérations majeures que sont maintenant la NJPW, la AJPW et la NOAH n'ont pas réussi à produire de nouvelles superstars, les fans ne sont plus aussi motivés à payer plusieurs fois par semaine entre 50 et 100 euros pour voir des shows, alors qu'au même moment le chômage et la précarité n'épargnent pas un Japon victime de la crise.

Mais le catch existe toujours et, il est possible de voir dans une ville japonaise moyenne en 1 mois plus de spectacles qu'à Paris sur toute l'année alors qu'on dit le catch en pleine expension en France ! Et puis pendant ces 2 ou 3 dernières années, les choses se sont (un peu) améliorées. La New Japan Pro Wrestling est redevenue la fédération numéro 1, menée par la fougueuse jeune génération de Shinzuke Nakamura et Hiroshi Tanahashi, tout en étant encadrée par des vétérans comme Riki Choshu et Jushin Thunder Liger.

Les affrontements entre Hiroshi Tanahashi et Shinzuke Nakamura constituent désormais le coeur de la NJPW.

Sa grande rivale la All Japan Pro Wrestling, où lutte maintenant Keiji Mutoh, est toujours là, mais son audience fut fortement diminuée suite à la scission avec la NOAH. Cette dernière, après avoir connu une popularité conséquente au milieu des années 2000, est maintenant au bord de la faillite, à cause d'une très mauvaise gestion de ses stars et surtout depuis le décès de son président et principale attraction Mitsuharu Misawa (sans parler du cancer qui a mis au tapis Kenta Kobashi, alors meilleur catcheur au monde).

Kono, Sanada, Suwama et Hama : la nouvelle génération au sein de la AJPW a du mal à plaire au plus grand nombre.
La NOAH mise beaucoup sur ses poids légers, particulièrement Kenta et Naomichi Marufuji.

Les fédération dites « indépendantes » survivent assez bien en se tournant parfois vers un public particulier. C'est le cas de la Dragon Gate dont les catcheurs « beaux-gosses » ont un succès fou auprès de la gent féminine ! Le catch féminin en revanche a un peu explosé et aucune fédération d'importance n'a survécu, même si les demoiselles qui cognent dur gardent de nombreux fans.

Don Fuji, Cima, Naruki Doi, Masato Yoshino et Shingo Takagi jouent les « poseurs » à la Dragon Gate.
Il y a pourtant encore de belles choses à voir dans le catch féminin japonais ! Ici Kana et les soeurs Shirai.

Quoi qu'il en soit, les fédérations japonaises proposent toujours des spectacles de qualité, des matches techniques et passionnants, et des athlètes au talent indéniable. Dommage que le grand public local ne suive plus la discipline aussi assidûment. On le remarque d'ailleurs par la production de jeux vidéo de catch japonais. Le nombre de titres, conséquent pendant l'ère 16-bits et 32-bits, a diminué sur Playstation 2 tandis qu'il n'y a actuellement AUCUN jeu de catch japonais sur PS3, Wii ou DS (à l'exception d'un quiz) !

Raison de plus pour regarder derrière nous et nous pencher sur la série Fire Pro Wrestling qui rend un vibrant hommage au monde du catch japonais...

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