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Riven
Année : 1997
Système : Mac, Windows, Playstation, Saturn
Développeur : Cyan Worlds
Éditeur : Cyan Worlds, Broderbund
Genre : Point'n click / Puzzle
Par JPB (17 août 2021)

Je suis entré dans le monde des jeux vidéo en 1980, avec la découverte de Space Panic en arcade. De là a découlé tout ce que j'ai connu sur le sujet : les bornes d'arcade en général, la ColecoVision et l'Adam, puis l'Atari ST, l'Amiga, et enfin le monde du PC depuis 1995 et mon entrée professionnelle dans le monde de l'informatique. Pendant tout ce temps, mes parents étaient hermétiques à cet univers. Ils ne m'empêchaient pas de m'amuser, mais tous mes efforts pour les faire accrocher à ce monde virtuel restaient vains. Même Flight Simulator II ou Dungeon Master, que j'avais pratiqués pendant des mois, avaient intéressé mon père un petit moment - c'est à dire 5 minutes - mais pas plus.

Mais j'ai eu ma revanche. Avec la critique dithyrambique faite par le magazine Joystick n°86 en octobre 1997, je me suis offert Riven pour mon anniversaire. Mon père fraîchement retraité utilisait son PC pour « bosser » : scanner et retoucher des photos, tenir les comptes, gérer sa généalogie, bref il jouait à sa manière. Riven était visuellement époustouflant, non-violent, du coup mon père venait regarder de plus en plus souvent mes progrès dans l'aventure. À tel point que j'ai installé le jeu sur son PC (oui, on pouvait à l'époque) pour qu'il s'y mette de son côté et qu'on compare nos découvertes et nos progrès. Le jour où il a commencé Riven, il a mis le doigt dans l'engrenage... et il a enfin franchi le pas pour devenir à son tour un « vrai » joueur.
Et il a fini Riven tout seul, sans soluce, alors que j'avais abandonné l'affaire parce que j'étais passé à autre chose entretemps.

Par la suite, mon père a principalement joué à Myst et à ses suites, à des jeux de rôle : Baldur's Gate, Arx Fatalis, Skyrim, Risen... Il a adoré ces jeux, faisait des plans à la main, et les finissait tous. Il était bien content d'avoir eu le déclic grâce à Riven. Et moi aussi j'étais content, forcément. Des fois on avait des discussions fantastiques sur le sujet, un vrai bonheur ! Tout ça pour dire que Riven représente beaucoup pour moi.

Riven est la suite de Myst. D'accord, mais Myst, qu'est-ce que c'est ? Je vais commencer par vous en parler, car il est bon de commencer une histoire par le début.

 

MYST

Il était une fois deux frères, Robyn (à gauche) et Rand (à droite) Miller. En 1988, ils s'illustrent en réalisant leur premier jeu éducatif sur Mac : Manhole, qui reçoit une distinction de la Software Publisher Association et le prix de « la meilleure nouvelle utilisation d'un ordinateur ». À respectivement 22 et 29 ans, ils fondent alors Cyan Worlds ; ils recrutent Chris Brandkamp avec qui ils partageaient la même vision du jeu vidéo, et développent ensemble d'abord Cosmic Osmo, puis un autre jeu éducatif : Spelunx et les caves de Mr Seudo, qui sont pareillement acclamés.
Ils décident alors de créer un nouveau jeu, pour un public adulte. Leur inspiration de départ est L'île mystérieuse de Jules Verne. De leurs discussions émerge petit à petit l'idée d'une civilisation disparue, D'ni (parfois écrit Danne, en tout cas ça se prononce dunny) dont le pouvoir de l'écriture était tel qu'ils pouvaient créer des mondes par ce biais. Il leur faut deux ans et demi de développement pour arriver à tout mettre en place, en combinant leurs talents respectifs : Rand se charge de la partie scientifique ; Robyn crée les graphismes, avec l'aide des artistes 3D Chuck Carter, Richard Watson, Bonnie McDowall et de leur troisième frère Ryan Miller (l'île de Myst est créée à l'aide du logiciel StrataVision 3D sur Mac) ; c'est également Robyn qui compose 40 minutes de musique sur synthétiseur ; et enfin Chris s'occupe de l'échantillonnage des bruitages.

La jaquette de Myst, avec la vue aérienne de l'île. Merci au site Mobygames !
Cliquez sur une image pour une version plus grande.

Dans Myst, le joueur incarne un voyageur qui se retrouve, totalement démuni, sur une île étrange avec des mécanismes un peu partout. Il va devoir résoudre des énigmes compliquées liées à ces mécanismes, comprendre comment les différents lieux sont imbriqués, découvrir l'histoire de ce monde et de ses protagonistes, notamment Atrus... et il devra faire certains choix - dont je ne parlerai pas ici pour ne pas gâcher la surprise. L'aventure est difficile, il faut le reconnaître : nombreux sont ceux qui n'ont pas réussi à aller jusqu'au bout. Mais si on accepte de s'accrocher, l'histoire et la récompense d'arriver à finir le jeu sont mémorables.
Myst est un point'n click non-violent, constitué par une suite d'images 3D fixes en 256 couleurs. On ne voit pas le personnage à l'écran (comme dans un FPS) : on est directement dans le monde, sans intermédiaire ni panneau de contrôle, et on voit autour de soi comme si on y était. Ainsi, la souris permet de tourner, de se déplacer ou de cliquer sur les éléments qu'on considère comme interactifs (de petites animations se mettent alors en place). À l'époque les graphismes étaient vraiment impressionnants - même s'ils ont pas mal vieilli ; les énigmes sont assez retorses, mais logiques et fonctionnelles (on n'a jamais besoin d'insérer un coton-tige géant dans l'oreille d'une statue, si vous voyez ce que je veux dire).

Quand Myst sort le 24 septembre 1993 sur Mac, les membres de Cyan Worlds espèrent arriver autour des 20 000 ventes... Le bouche à oreille fait son œuvre, les critiques louent ce jeu, sa renommée s'étend rapidement. En mars 1994, Myst reçoit trois récompenses : « meilleure interface utilisateur », « meilleur jeu de rôle/fantastique », « choix de la critique ». En janvier 1995, il s'est déjà écoulé 500 000 exemplaires ! Les gens achètent un PC avec le tout nouveau support CD-ROM rien que pour pouvoir y jouer. En France, dans le magazine Joystick n°48, Lord Casque Noir teste Myst sur 4 pages en indiquant « Le plus beau jeu du monde ? Et pourquoi pas... » et lui donne une note de 95%. Au cours de l'année 1995, le jeu reçoit le grand prix du salon multimédia MILIA, à Cannes, et il s'écoule à plus d'un million d'unités ! En 2016, le Time place Myst 29ème dans sa liste des « 50 meilleurs jeux vidéos de tous les temps ».
Au total, le jeu s'est vendu à plus de quatre millions d'exemplaires - certaines sources indiquent même plus de six !

Une réédition remasterisée appelée Myst : L'Apogée (Myst : Masterpiece Edition en VO) sort en France en décembre 1999, c'est cette version que mon père a achetée après avoir fini Riven pour connaître le début de l'histoire. Il y a ensuite RealMyst paru en 2000, qui améliore considérablement le jeu au niveau graphique, mais qui laisse Rand Miller très déçu ; cette version est elle-même améliorée en 2014 avec Real Myst Masterpiece Edition.
Cerise sur le gâteau, le 26 août 2021 vient de sortir la version complètement refondue (avec le moteur UnrealEngine 4) pour PC et VR. J'avoue que j'ai très envie de mettre la main dessus.

Deux images de la version de Myst refondue sous UnrealEngine4.
Cliquez sur une l'une d'elles pour une version plus grande.

Le succès de Myst entraîne des parodies, telles que Milk qui propose « d'incarner une vache laitière qui tombe dans une crevasse », et surtout Pyst dans lequel joue John Goodman (The Big Lebowski ou encore 10 Cloverfield Lane), et dont la jaquette indique : « 4 millions de personnes ont salopé l'île... Maintenant c'est votre tour ! » Vous pourrez vous faire une idée en regardant cette vidéo de longplay en anglais.

Tout comme Doom ou Diablo, Myst a lancé un type de jeu : le myst-like, mais aucun des titres sortis par la suite et se revendiquant de ce type n'a eu autant de succès - même Riven !

Pour terminer à propos de Myst, vous trouverez :
- des infos Wikipedia ici ;
- un longplay pour découvrir l'intégralité de Myst  ;
- le making-of (en anglais) à cette adresse ;
- une interview de Rand Miller en cliquant ici.

Le test dans le Joystick n°48 d'avril 1994. Merci au site Abandonware Magazines !
Cliquez sur une image pour une version plus grande.

D'ni

Un mot à présent pour expliquer ce qui rend l'univers de Myst et Riven si particulier.
La mère d'Atrus mourut en le mettant au monde. Le père d'Atrus, Gehn, et la mère de celui-ci, Anna, l'enterrèrent dans le cratère du volcan où ils vivaient ; le jour même, Gehn partit, reniant son fils et le laissant à la garde d'Anna. Pendant des années, Atrus vécut avec sa grand-mère qui l'éleva et lui apprit tout ce qu'elle savait : les sciences, pour apprendre à survivre dans cet environnement hostile qu'était la caldeira, au milieu du désert, et les histoires du peuple D'ni pour laisser place au rêve. Tous deux étaient isolés de tout, à part des caravanes de marchands qui venaient régulièrement faire du troc avec les créations d'Anna ou les plantes qu'elle avait fait pousser à l'abri.
Quand Atrus eut quinze ans, Gehn revint le chercher à la surprise d'Anna, pour l'emmener avec lui afin qu'il devienne son apprenti. Atrus partit avec son père, à contrecœur car Anna ne voyageait pas avec eux. Gehn emmena alors Atrus à travers un labyrinthe de galeries enfouies, de passages périlleux au-dessus de lave, jusque dans une immense vallée cachée dans une caverne aux dimensions proprement ahurissantes... dans les ruines qu'il étudiait depuis si longtemps : ce qui restait de la civilisation D'ni. Les histoires d'Anna n'étaient pas des contes de fées, mais des souvenirs d'évènements qui s'étaient réellement passés autrefois.

Le trajet effectué par Gehn depuis les ruines D'ni jusque chez Anna et Atrus.
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Gehn désirait qu'Atrus apprenne ce que les D'ni avaient réalisé au temps de leur grandeur : l'Art de l'Écriture, le Terokh Jeruth ou « Grand Arbre des Possibilités ». Grâce à cet art, les membres de la Guilde des Écrivains D'ni pouvaient créer des mondes et s'y rendre. Mais il fallait respecter des contraintes bien précises.
- Tout d'abord, les pages des livres étaient constituées d'un papier bien particulier, de même que l'encre qui devait y être appliquée : un livre vierge, prêt à être utilisé, s'appeait un kortee'nea.
- Ensuite, la langue utilisée était bien entendu la langue D'ni, et il existait un dictionnaire expliquant la calligraphie de chaque mot servant à la création d'un monde : le Rehevkor. Maîtriser le vocabulaire D'ni, permettant des descriptions infiniment plus précises que notre vocabulaire humain, était indispensable, de même que savoir gérer tous les paramètres de ce monde (physique, biologie, géologie, liens entre écosystèmes...) sous peine de le rendre instable. Une fois que l'Écriture était terminée, le livre devenait un Livre de description (kor-mahn), le monde ainsi créé était appelé « Âge » et était nommé.
- Troisièmement, il était indispensable d'écrire au moins un Livre de liaison (kor-vahkh) pour chaque Livre de description : un Livre de liaison décrivait à la fois les fondamentaux du Livre de description dans lequel on se rendait, et l'endroit exact d'où l'on partait afin de pouvoir y retourner ; aller dans un monde sans emporter de Livre de liaison avec soi impliquait de ne plus pouvoir en repartir.
- Enfin, s'il était possible de faire des corrections dans un Livre de description, plus on en faisait et plus le monde risquait de devenir instable.

La question qui taraudait Atrus alors qu'il avançait dans son apprentissage, était : « Est-ce que l'Art de l'Écriture crée réellement un monde à partir de rien, ou est-ce qu'il permet de faire un lien avec un monde déjà existant présentant la même description, parmi l'infinité de mondes présents dans l'univers ? »
Par ailleurs, Atrus se rendit vite compte de la folie sous-jacente de son père, qui se prenait pour un Dieu capable de créer des mondes - mais pour lui ils étaient comme autant d'expérimentations de l'Art de l'Écriture, et il se désintéressait de ce qui s'y passait par la suite, n'hésitant pas à les abandonner à leur sort s'ils étaient trop instables ou s'ils ne correspondaient pas à ce qu'il espérait. D'ailleurs, Gehn ne donnait jamais de nom à ses créations et se contentait de les numéroter - ainsi le Cinquième Âge a été nommé Riven par ses habitants... Ce point de vue était totalement contraire à la vision d'Atrus, qui essayait de bien comprendre toutes les interactions de ses créations et tentait de veiller à leur stabilité et à leur bien-être. C'est ainsi qu'avec sa femme Catherine, originaire de Riven, il parvint à détruire tous les livres de liaison vers D'ni qui se trouvaient sur ce monde, afin d'y bloquer son père sans qu'il puisse y écrire de nouveaux Livres. Hélas, tout ne se passa pas comme prévu, d'abord à cause de ses fils Sirrus et Achenar qui piégèrent Atrus sur Myst, et ensuite parce que Gehn, à Riven, parvint à capturer Catherine.

Dans la Salle des grilles à Riven, on peut trouver des scènes glorifiant Gehn.
On y voit l'Art de l'Écriture, mais aussi la folie de cet homme qui veut passer pour un dieu.
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Si vous voulez en savoir plus sur l'univers D'ni, vous pouvez lire le roman Myst - le Livre d'Atrus, écrit par Rand et Robyn Miller avec David Wingrove (paru aux éditions J'ai Lu en 1996) ; il existe à ce jour trois romans racontant l'univers des D'ni, celui-ci est le premier et retrace la vie d'Atrus jusqu'au début exact de Myst.
De façon plus générale, vous trouverez des infos très détaillées sur cette page Wikipedia, ou mieux, sur l'encyclopédie dédiée MYSTPEDIA.

 

RIVEN

La jaquette de Riven. Merci au site Mobygames !
Cliquez sur une image pour une version plus grande.

Quand Riven commence, une cinématique me présente un homme, assis devant un bureau éclairé par une lampe à huile, en train d'écrire sur un énorme livre. Ceux qui ont joué à Myst ne peuvent manquer de reconnaître ni l'endroit, ni le personnage : il s'agit bien d'Atrus. Je le sens inquiet, pressé par une échéance que je ne parviens pas à appréhender. Il arrête d'écrire un moment, regarde directement vers moi et se met à parler. « Dieu merci, vous êtes revenu ! J'ai besoin d'aide. » Là aussi, ceux qui ont fini Myst comprendront ce que voulaient dire ses paroles à la fin du jeu... « Il y a des faits historiques que vous devez savoir. Mais excusez-moi car... Je dois continuer à écrire. »

Atrus me donne le Livre-prison pour capturer Gehn.

Atrus me donne un livre, son carnet : « Tenez, tout ce que vous devez savoir se trouve là. Il faut bien le cacher ! » Ensuite, il m'explique qu'il m'envoie à Riven sans moyen de retour pour le moment : ma mission est d'arriver à capturer Gehn, grâce à un autre livre qu'Atrus me fournit également :« On dirait un Livre de liaison, mais c'est en fait une prison pour un homme ». Atrus s'interrompt un instant, puis ajoute : « Quand vous aurez Catherine, prévenez-moi. J'aurai un livre de liaison pour nous ramener ».

Puis il se remet à écrire quelques instants, prend l'énorme livre dans ses mains et le ferme. Il le rouvre à la première page, regarde ce qui s'y trouve pendant quelques secondes, puis ajoute : « Il y a aussi une chance, si tout marche bien, que je je puisse vraiment vous renvoyer à l'endroit d'où vous venez. » Il tourne le livre vers moi, et voici que sur la première page se trouve une image sans cesse en mouvement, semblant montrer un autre monde... L'énorme livre est en fait un Livre de description pour m'envoyer à Riven, « le Cinquième Âge ».

Il n'y a plus qu'à toucher l'image...
Si elle est aussi floue, c'est parce que Riven est instable à cause de l'Écriture de Gehn.
C'est cette instabilité qu'Atrus tente désespérément de ralentir en écrivant jour et nuit.

Un monde, cinq îles, plein de possibilités

Quand j'arrive là-bas, le moins qu'on puisse dire c'est que l'aventure commence mal : je suis en cage... Un étrange personnage entre en scène et essaie de communiquer, puis m'arrache le Livre-prison, avant de se faire tuer par ce qui semble être une flèche de sarbacane ; puis un autre individu, habillé complètement différemment, sabote le mécanisme de la cage et me libère. Pour l'heure, je ne suis que spectateur - cela me permet quand même de découvrir qu'il y a au moins deux factions sur l'île, et qu'elle n'est pas exempte de danger. Au bout de quelques secondes, la grille de la cage s'abaisse, et je peux réellement commencer à agir.

Je suis en cage... Le levier qui doit certainement ouvrir la grille est hors de portée.
Je vois un drôle d'appareil qui ressemble à un télescope...
Mais avant tout, qui c'est, lui, et qu'est-ce qu'il me veut ?

Mais agir, facile à dire ! Qu'est-ce qu'il faut faire ?

Face à la grille ouverte, je remarque une construction étrange, qui ressemble à un télescope pointé vers le sol entouré par une rampe. En m'approchant, je note qu'il y a une plaque au pied de l'appareil, qui doit s'ouvrir puisqu'il y a une poignée, mais rien à faire. Les touches à côté laissent supposer une combinaison qu'il faut découvrir. Sur le côté de la rampe, une manette peut être manœuvrée, mais rien ne se passe... À quoi tout ça peut-il bien servir et comment le faire fonctionner ?
Pour le moment, il ne sert à rien de manipuler tout ça au petit bonheur la chance. Demi-tour : un escalier monte sur le flanc de l'île, il n'y a pas d'autre issue, il faut le gravir. En haut, je me rends compte qu'en effet, je suis sur une île parmi d'autres, visibles au loin, qui semblent reliées par d'étranges constructions métalliques rappelant des rails de Grand Huit.

La petite structure en bas à droite, avec coupole, c'est la cage où je suis arrivé.

Je suis frappé par la beauté du monde qui s'étend autour de moi. Je suis néanmoins complètement livré à moi-même dans des lieux totalement inconnus. Premier choix : je peux continuer tout droit et descendre de l'autre côté, mais plus intéressant, il y a un pont à droite et une étrange salle à gauche. Je choisis d'aller à droite. En avançant sur le pont rectiligne, de bois et de métal, j'arrive dans un nouvel ensemble rocheux dans lequel un passage est creusé. Il serpente jusqu'à une grande salle, avec au fond un vitrail éclairé par le soleil ; devant, des arcs de métal arrondis forment une espèce de cage, et de chaque côté est représentée la statue d'une étrange créature devant laquelle sont déposées des offrandes. De l'autre côté de la salle, une porte en métal est fermée, impossible de l'ouvrir. Je ne vais pas me prendre trop la tête à scruter les murs, autant rebrousser chemin.

Étrange symbole, est-ce qu'il a une signification ?

Je reprends le couloir vers le pont, et là je suis scotché par la vision incroyable qui s'offre à moi : un immense dôme, qui semble bâti en or, était caché derrière mon point de départ ; je ne l'avais pas vu jusqu'ici parce que je n'avais pas assez de recul.
Et je n'en suis qu'au début... Quelles autres surprises ces îles me réservent-elles encore ?

Pourquoi le dôme est-il fendu comme ça ? Qu'est-ce qu'il peut bien y avoir dessous ?

Phénomène Riven

Pour jouer à Riven, il est indispensable de prendre du papier, un crayon, et de noter absolument tout ce qu'on trouve ; la qualité des images est telle qu'on a vraiment l'impression d'être sur place, et les sons et animations permettent de rapidement voir les conséquences d'une action (quand il y en a). La moindre info est forcément utile pour quelque chose ; les énigmes sont très compliquées mais encore une fois, logiques dès qu'on a commencé à comprendre comment fonctionne cet univers. Néanmoins, Riven est plus difficile que Myst ; comme le dit Lord Casque Noir dans le test de Joystick, si vous n'avez pas réussi à tenir tête à Myst, vous n'aurez aucune chance face à Riven.

Ce que vous avez lu un peu plus haut, c'est en gros ce que j'ai vécu la première fois que j'ai commencé l'aventure. De l'émerveillement en parcourant Riven, mais aussi de l'incompréhension devant tous ces mécanismes a priori sans queue ni tête. Et puis petit à petit, on se rend compte que toutes ces îles ne doivent pas être prises indépendamment, mais comme un mécanisme global. On prend l'habitude de les nommer en fonction de ce qu'on y trouve (Île du Temple, Île du Cratère, etc.), et petit à petit tout s'imbrique. Mais attention, il faut vraiment se creuser la cervelle pour certains rapprochements. Et surtout il faut voyager, pour découvrir, recouper les informations... Tout est dispersé. Heureusement, les voyages entre les îles sont relativement faciles.

Vous ne rêvez pas... Il y a bien des trous dans l'eau.
Ce sont les endroits où on peut entrer ou sortir du bathyscaphe.

Ainsi, juste après la salle que j'ai décrite avec les statues et le vitrail, un des transporteurs magnétiques est accessible pour aller de l'Île du Temple à l'Île de la Jungle. Le voyage est franchement amusant, et rappelle effectivement une virée dans un Grand Huit. De là, d'autres chemins se dévoilent, et de fil en aiguille on découvre rapidement de nombreux objets et constructions. Encore une fois, il faut noter les éléments qu'on découvre, leur position d'origine, faire des essais, et bien regarder autour de soi. Il y a plusieurs transporteurs pour aller sur d'autres îles, mais aussi un wagonnet qui rappelle un peu Indiana Jones et le Temple Maudit (avec en plus un passage dans un superbe tube sous-marin...), un petit bathyscaphe sur roues qu'on peut faire voyager au fond d'un lac sur un mini-réseau ferroviaire... Ces moyens de transport sont superbement animés (même si la compression d'images se fait sentir lors de ces séquences) et les premiers voyages avec chacun d'eux sont un véritable enchantement.

Une étape essentielle dans la compréhension du monde est d'arriver à entrer dans la salle de classe : les bases de la numérotation se mettent ainsi en place. Pour info, contrairement à nous qui avons un système décimal (base 10), les autochtones de Riven ont un système numérique quinquévigésimal (base 25). Un des moments forts dans cette classe, c'est le petit jouet - un peu inquiétant ma foi - qui présente deux personnages encordés, en haut de potences, et qui descendent chacun leur tout d'un certain nombre de crans... le perdant se fait engloutir par un wahrk, une espèce de gros monstre marin ; ce jouet permet d'apprendre certains chiffres par association du symbole, du bruit qui se répète ce même nombre de fois... et d'apprendre également qu'il y avait hélas des exécutions publiques sur cette île.

En classe, on joue au "Sacrifice au Wahrk"... et on apprend les premiers chiffres.

Et ce n'est pas tout. Car autant les éléments visuels sont très importants (et je ne parle même pas de l'importance des couleurs), autant le son joue un rôle bien plus grand qu'il n'y paraît. Chaque objet, chaque construction a un son qui lui est propre. Reconnaître un son peut aider bien plus qu'une forme. Et parfois certaines combinaisons sont surprenantes, l'équipe de Cyan Worlds a vraiment une imagination incroyable... Un exemple ? En arrivant sur l'Île de la Jungle, avec le premier transporteur magnétique, on remarque une étrange boule dans la paroi rocheuse. Un dessin semblant représenter un œil est gravé dessus. Si on la touche, elle tourne, un symbole apparaît et on entend un son ressemblant à un côassement. Étrange. En laissant la boule - de toute façon on ne peut pas l'emmener - on trouve un escalier qui s'enfonce dans la montagne, avec une ouverture irrégulière. En montant quelques marches, ni trop ni trop peu, si on se retourne on se rend compte que l'entrée de la caverne représente une grenouille, et que la boule se trouve exactement à l'emplacement de son œil !
Et évidemment, il est indispensable de noter l'association animal - son - symbole (qui se trouve être un chiffre) pour la suite de l'aventure...

Si vous cherchez bien, vous trouverez d'autres combinaisons de ce genre...

Et puis, on n'est pas seul sur Riven. Il y a des insectes, des grenouilles (dont le sort n'est guère enviable), et surtout les sunners et le wahrk : ces deux espèces sont emblématiques de ce monde.
Il y a aussi des habitants. Ils se cachent, parce qu'ils semblent vous craindre. Mais n'oubliez pas qu'il y a au moins deux factions, et vous rencontrerez à un moment des autochtones qui communiqueront avec vous - dans leur langue, ce qui pose problème - mais vous ne les verrez pas facilement : il faudra bien progresser dans l'aventure pour cela.

Créer des mondes...

Ce n'est pas l'Art D'ni qui a été utilisé pour créer Riven. Cyan Worlds s'est servi de moyens bien plus actuels, voire avant-gardistes à l'époque : la 3D.

Les premières idées de Rand et Robyn Miller sur Riven voient le jour en janvier 1994, juste après la sortie de Myst. Ils se rendent compte qu'ils ont tellement réfléchi sur le monde de Myst et la culture D'ni qu'ils ont de la matière pour raconter la suite de l'histoire, et cette fois ils veulent quelque chose d'encore plus fantastique à tous points de vue - un peu comme concevoir Le Seigneur des Anneaux après avoir terminé Le Hobbit - et le mot-clé est : réaliste. Quelques mois plus tard, les frères Miller rencontrent Richard Vander Wende, un ancien d'ILM et Disney : le courant passe immédiatement entre eux et il est intégré chez Cyan. L'équipe de départ comprend alors Rand et Robyn Miller, Richard Vander Wende, Chris Brandkamp, Rich Watson et Joshua Staub. Leur estimation de départ est un travail sur 2 ans à eux six, ce qui s'avèrera totalement sous-évalué.
Le succès de Myst permettant une rentrée d'argent bienvenue, Cyan Worlds va rapidement s'entourer d'autres talentueux artistes pour arriver à donner corps au monde de Riven. Comme le dit Richard Vander Wende :

' La chose fondamentale que nous faisons avec Riven, c'est présenter un endroit, construire un endroit où nous voudrions aller. '

Mais tout ce monde dans le garage de Chris Brandkamp, où ils travaillent depuis l'époque de Myst, fait qu'il n'y a plus assez de place ! Du coup, Cyan décide de concevoir et faire construire des bureaux dignes de ce nom - dans le même temps qu'ils conçoivent Riven ; l'édifice est achevé au bout d'un an de travaux. Dans le même temps, ils achètent également trois stations Silicon Graphics Indigo, et passent de Strata à SoftImage, logiciel ayant servi à la modélisation des dinosaures dans Jurassic Park.

Étapes de création du transporteur magnétique (le "Grand Huit").

La première chose qu'ils créent, pour avoir un point de départ, ce sont les plans des îles et des énigmes. Si les idées de base n'ont pas changé, le monde de Riven a continuellement évolué pour arriver au résultat qu'on connaît. Le design des objets, des créatures, des îles elles-mêmes a été modifié plusieurs fois. Ainsi, le fameux dôme en or si caractéristique du jeu n'était pas présent dans les premiers croquis. De même, l'équipe de Cyan Worlds a un court instant envisagé que Catherine puisse être la "méchante" de l'histoire, mais ils se sont vite ravisés (' On ne pouvait pas faire ça au pauvre Atrus ! ') - c'est en tout cas la preuve que tout a été mûrement réfléchi.

Visuellement, Riven est beaucoup, beaucoup plus détaillé que Myst.Tout d'abord Softimage permet la modélisation de scènes bien plus complexes. Malgré tout, il arrive que certaines d'entre elles dépassent le nombre maximum de polygones utilisables, et il leur faut ruser en créant des versions simplifiées de certains objets, comme pour des arbres qui seront complexes au premier plan et moins détaillés à l'arrière-plan.
Pour les textures, l'équipe fait un voyage du côté de Santa Fe, au Nouveau-Mexique, et prend des centaines de photos de textures diverses, qui après plus ou moins de retouches servent pour les habitations, les machines, les montagnes, les arbres... Il n'y a qu'à regarder certains détails des objets métalliques, avec la rouille et l'usure, pour se rendre compte de la qualité du résultat. À mon sens, plus encore que le détail des objets créés, c'est la beauté et la finesse de ces textures qui est le plus impressionnant. D'ailleurs, Robyn Miller l'indique :

' Notre but était de créer des éléments dans le monde de Riven qui aient l'air d'être vieux, utilisés et esquintés. Quand vous regardez de nombreuses créations générées par ordinateur, ça ressemble à du plastique, du neuf, ou quelque chose d'étrange - ça n'a pas l'air réel. '

Afin que les vues soient parfaitement éclairées (certaines comportant jusqu'à 40 sources lumineuses), la génération de chaque image est faite en ray-tracing, méthode jugée la plus efficace pour le rendu final - au prix d'un grand nombre d'heures de calcul. En fait, Cyan Worlds finit par investir dans quatre serveurs supplémentaires Silicon Graphics Indigo Challenge pour le seul rendu des images... Et malgré toute cette puissance de calcul, le temps de génération d'une seule image peut aller de trente minutes à quatre heures ! Vers la fin du projet, pour gagner du temps, la solution de passer par un prestataire spécialisé est envisagée puis repoussée, l'équipe préfèrant faire tourner les serveurs 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, jusqu'à ce que tout soit terminé.

Étapes de rendu du même transporteur magnétique.

Du coup, la quantité de travail nécessaire pour générer l'image d'un endroit "fixe" est déjà phénoménale... Et ce n'est pas tout : concevoir les énigmes a déjà demandé du temps, mais l'équipe n'a pas immédiatement saisi la portée de ce qui devait être construit pour donner corps à certaines d'entre elles. Par exemple, dans la Salle des Grilles avec sa plaque tournante et ses cinq ouvertures donnant chacune sur une nouvelle partie de l'île, il faut générer un nombre incalculable d'images en fonction de la position du joueur, du passage visible parmi les combinaisons possibles, de la grille ouverte ou pas dans le passage correspondant, des mécanismes actionnés ou pas devant ou derrière le passage, et ainsi de suite... Pour Robyn Miller, se rendre compte qu'on avait oublié de générer un cas de figure précis, c'était un vrai cauchemar tellement il fallait générer d'images supplémentaires - et sans se tromper avec les raccords.

... et y insuffler la vie...

Afin de rendre le monde vivant (sans parler des cinématiques proprement dites), des animations parfois subtiles sont intégrées dans certaines scènes. Ici, c'est l'eau qui miroite au soleil ; là, des lucioles qui virevoltent dans l'obscurité. Le système est appelé runtime effect, il consiste à manipuler les pixels à l'arrière-plan d'une scène. C'est très simple mais efficace, et cela renforce énormément l'immersion.
En dehors de cette technique, des animations (parfois en boucle) dans une partie de l'image sont mises en place, comme celle servant aux dômes à bille de feu qui tournent régulièrement sur eux-mêmes.
Les animaux sont eux aussi à l'honneur, quand on en croise. Le scarabée sur un arbre, la superbe grenouille rouge qu'on piège près de labo de Gehn, le wahrk qui accourt à la lumière rouge sous l'eau et qui finit par s'énerver si on le dérange trop souvent... Mais à mon avis le plus amusant - scène qui devient avec le recul inoubliable - c'est lorsqu'on arrive près d'un couple de sunners qui se repose tranquillement sur un rocher. On peut avancer doucement, en s'arrêtant à chaque image : les animaux relèvent la tête, puis se recouchent une fois rassurés. Si on continue d'avancer à petits pas, ils finissent par pousser leur cri (important pour l'avancée dans l'aventure) ; mais si on se précipite vers eux, ils s'enfuient et plongent dans la mer, non sans avoir lancé au joueur un regard de reproche.

Les deux sunners se font un câlin, cou contre cou, au soleil.

Plus intéressant encore, les humains sont bien présents dans Riven.
L'équipe de Cyan Worlds a dû apprendre à travailler avec des acteurs, des costumes, des écrans bleus... tout cela de façon bien plus professionnelle que pour Myst. Il leur a fallu du travail pour réussir à intégrer correctement les comédiens dans une image fixe, afin qu'ils se marient bien avec l'environnement - chose assurément réussie quand on voit les plans avec Catherine, Gehn, ou même la fillette qui court près du village. Pour cela, elle a utilisé le système vidéo Ultimatte, qui remplace en temps réel sur l'écran du superviseur les parties bleues filmées par le rendu déjà développé pour la séquence.
Parfois on mixe les deux, comme la cage du début du jeu qui est d'abord virtuelle quand elle se met en place, puis réellement construite à l'échelle exacte pour pouvoir tourner la séquence de l'arrivée sur Riven, et à nouveau virtuelle au moment où elle s'enfonce dans le sol. Bien évidemment, en jeu, on n'y voit que du feu.

Tournage de la scène d'ouverture, dont je vous ai montré une image plus haut.
De gauche à droite : John Keston (Gehn), Richard Vander Wende, Vicente Ramos (le garde) et Tony Fryman.

L'équipe se rappelle particulièrement un plan bien plus difficile, dans lequel un des scribes de Gehn s'enfuit dans un transporteur magnétique : il a fallu trouver des astuces pour que tout s'assemble correctement. Ainsi, le tournage de cette scène a eu lieu avec l'acteur assis sur une chaise bleue qu'on tournait devant un fond bleu, en reproduisant au degré près le mouvement de rotation de l'appareil, et en gérant les sources lumineuses... Rand Miller conclut :

' Cela a fini par être, de notre point de vue, un effet très spectaculaire. Espérons que du point de vue des joueurs, cela avait juste l'air réel. C'était notre but. '

Les personnages principaux ont bénéficié d'un grand soin. On retrouve Rand Miller, qui incarne à nouveau Atrus (comme vous pouvez le voir sur les images d'introduction de Riven, plus haut dans cet article), mais il n'aime pas du tout jouer la comédie :

' Je ne voulais pas faire ça. C'était amusant avec mon frère de faire le premier [jeu] ; c'était épuisant pour le deuxième, car c'était dans un studio devant des inconnus, et je suis trop timide. '

Sheila Goold est Catherine, et John Keston joue Gehn. La distribution complète est disponible sur Wikipedia.

... sans oublier le son.

Les bruitages sont mis en place après le rendu. Même si l'équipe a une idée plus ou moins précise de ce que tel ou tel mécanisme doit faire comme bruit, ce n'est qu'en ajoutant le son que tout devient finalement « réel »... Contrairement à Myst, où Chris Brandkamp a plus ou moins improvisé des mixages avec ce qui lui tombait sous la main, ce sont des professionnels qui se sont chargés de générer toute l'ambiance sonore de Riven.

Le dôme à bille de feu de l'Île du Temple (il y en a un sur chaque île).
Fermé à gauche, ouvert à droite, et l'énigme n'est pas encore totalement résolue.

La première chose à savoir, c'est que pratiquement tous les sons entendus dans le jeu sont des mixages d'au moins six sources sonores, et cela peut monter jusqu'à une vingtaine pour des éléments spécifiques et importants. Tim Larkin explique qu'aucun son de notre monde n'a été utilisé sans être modifié :

' Vous pourriez l'avoir déjà entendu. Et ce serait ennuyeux. '

Dans Riven, il y a d'abord les sons d'ambiance, ceux qu'on entend en arrière-plan. Et mine de rien, même si en jouant on n'y prête pas forcément attention consciemment, cette ambiance sonore permet de ressentir l'endroit. La grande réussite dans Riven est cette multitude d'ambiances sonores, liées à des environnements bien spécifiques, qui sert le joueur mais ne le distrait pas du jeu.
Et puis, il y a les bruitages des créatures ou surtout des mécanismes. Là aussi, grâce ou en dépit du mixage, le bruit doit être fidèle à ce qu'on voit - ou à ce qu'on s'imagine : le clic en appuyant sur un bouton, le moteur d'un ascenseur, le raclement d'un rocher sur le sol... Un son mal perçu par le joueur pourrait le sortir du jeu : il faut donc à nouveau chercher le réalisme, ou du moins des sons qui paraissent aussi réels que l'objet inconnu auquel ils sont rattachés. Dans certains cas, l'invention est toutefois possible, voire recommandée : le cri des sunners provient d'un mélange du rugissement d'un morse, du grognement d'un hippopotame et de celui d'un rhinocéros... on a déjà vu le même genre de mixage pour Chewbacca dans Star Wars !

Catherine et Gehn. Comme Atrus, tous ont un thème propre.
Certains ont même des variations spécifiques à leur nom.

N'oublions pas que dans Riven, une des plus importantes énigmes est liée à certains cris d'animaux. Qu'une autre est fondée sur une petite séquence à reproduire, entendue peu de temps avant. Qu'on apprend les bases de la numérotation D'ni grâce aux cliquetis faits par un jouet. Il faut que chaque son, chaque bruit, soit reconnaissable par le joueur pour lui permettre de progresser.

Les musiques sont, comme pour Myst, composées par Robyn Miller, et sont à mon avis parfaitement dans le ton du jeu. Chaque endroit, chaque personnage important du jeu possède un thème musical. Le plus important de tous est celui associé à Gehn, et on en retrouve des variantes dans de nombreux morceaux - mais le thème principal n'est utilisé qu'une fois atteint son repaire dans le 233ème Âge. La plupart des mélodies sont très calmes, genre New Age, pour servir de fond lorsqu'on arrive dans un endroit particulier (la Salle des Grilles par exemple) ou lorsqu'on réalise une action importante. Mais parfois, le ton est plus entraînant, comme le superbe thème de l'Âge des Moiety. Toutes ont été regroupées en édition CD de 20 morceaux à part, les écouter est un vrai plaisir (et rappelle immanquablement certains passages du jeu).

Robyn Miller a utilisé un Korg Trinity, un Yamaha VL-1, et le logiciel Studio Vision d'Opcode sur Mac. Quelque part, sa vision des choses ressemble à la création des Livres de description qui finalement, ne font que relier celui qui les écrit à un monde déjà existant :

' Écrire de la musique est, pour moi, un processus de découverte. La musique semble être déjà là, attendant que je la trouve. Quand j'essaie « d'inventer », je commence à écrire de la mauvaise musique. '

Et après ?

Toute cette qualité se paye. Myst tenait sur 1 CD-Rom ; Riven en utilise 5 (le DvD n'existe pas encore à sa sortie, mais il sera utilisé lors des rééditions postérieures). Le jeu sort le 31 octobre 1997, et il est noté comme le jeu le plus vendu de l'année... en seulement deux mois ! Pour faire simple, entre juin 1997 et janvier 1998, Myst et Riven ont occupé les deux premières places des ventes. En avril 1998, Riven s'était vendu à plus d'un million d'unités, et à un total de 1,5 millions à la fin de cette même année.

L'équipe de Cyan Worlds au grand complet à la sortie de Riven.
Ils sont heureux, et ils peuvent être fiers de leur travail.

La plupart des critiques sont pour la plupart plus qu'enthousiastes concernant la réalisation et l'intérêt du jeu. D'autres pointent en revanche une répétitivité par rapport à Myst et une trop grande difficulté. Il n'en reste pas moins que Riven est un succès, tout comme Myst quelques années plus tôt. En 2001, on considère qu'il a atteint le chiffre de 4,5 millions de ventes. En France, dans le Joystick n°86, Lord Casque Noir écrit un test de six pages, et lui donne une note de 94%.

Le test dans le Joystick n°86 d'octobre 1997. Merci au site Abandonware Magazines !
Cliquez sur une image pour une version plus grande.

Un longplay pour découvrir l'intégralité de Riven est disponible ici.
Le making-of (en anglais) est disponible .

Après Riven, Robyn Miller et Richard Vander Wende sont partis pour d'autres horizons. Cyan Worlds, toujours avec Rand Miller à sa tête, a réalisé - ou au moins supervisé - plusieurs jeux dans le même univers : Myst III - Exile en 2001 (réalisé par Presto Studios) ; Uru - Ages beyond Myst en 2003 (avec sa suite Myst Online : Uru Live en 2007) ; Myst IV : Revelation en 2004 (réalisé par Ubisoft) ; et enfin Myst V : End of Ages en 2005.

En 2016, l'équipe a sorti un nouveau myst-like dans un nouvel univers : Obduction.

En dehors du remake de Myst sur PC qui vient de sortir (dont je parlais plus haut), on attend maintenant leur nouveau jeu pour l'an prochain : Firmament.

Note : certaines photos ou croquis dans cet article proviennent du livre "From Myst to Riven", de Richard Kadrey.

JPB
(17 août 2021)
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