Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Djib (11 novembre 2002)
Rare, ex-Ultimate tout le monde connait, c'est l'un des studios de développement les plus prestigieux de la planète, gros fournisseur de hits pour Nintendo sur Super NES et plus encore sur Nintendo 64, le créateur de Donkey Kong Country, Killer Instinct, Golden Eye, Banjo-Kazooie, Perfect Dark.... Et désormais, depuis son rachat par Microsoft pour entre 300 et 400 millions d'euros (estimation des analystes), le studio anglais est une filiale du géant américain. Le divorce d'avec Nintendo (la possibilité de racheter la totalité de Rare avait été refusée par la firme japonaise) s'explique en partie par l'évolution sensible de la production et des ambitions de Rare. Depuis la sortie de Perfect Dark, on pouvait en effet sentir que la politique du studio n'était plus exactement la même que celle de Nintendo. Mais c'est surtout avec Conker's Bad Fur Day que les Anglais vont définitivement rompre avec l'esprit Big N. Ce jeu est une sorte de manifeste et une véritable révolution culturelle sur le marché des jeux vidéo. Cette fois il est le héros de cette cartouche destinée au jeune public. Conker doit retrouver des cadeaux d'anniversaire avec sa copine Berri. Les graphismes sont mignons et le jeu est correct, sans rivaliser toutefois avec les références de la portable de Nintendo. En tous cas, Conker est en train de s'imposer comme un des héros de l'éditeur anglais. Rare capitalise ainsi le travail de game-design réalisé en interne sur ce sympathique écureuil depuis quelques années. En effet, pendant le développement de Banjo-Kazooie, un autre jeu de plates-formes est en gestation, intitulé Twelve Tales: Conker's Quest. Ces deux jeux sont présentés à l'E3 en 1997 mais alors que Banjo se fait remarquer, Conker lui passe plutôt inaperçu... Des graphismes colorés, un écureuil tout mignon et sa petite amie qui partent à la recherche de cent bibelots qu'on leur a dérobés et répandus dans 4 mondes... Les previews de l'époque évoquent un jeu très enfantin, à l'univers Walt Disney très « mignon », peut-être même trop (certains parlent du plus « cute » des « cutegame »). Le temps passe, et régulièrement Rare repousse la sortie de Twelve Tales. La raison est commerciale avant tout. Quel intérêt le studio peut-il avoir à concurrencer ses propres productions en mettant sur le marché deux jeux de plates-formes similaires ? On croit alors que Conker va être purement et simplement abandonné, mais en réalité une transformation incroyable est en cours... En Janvier 2000, le site officiel de Rare annonce que Twelve Tales change de nom et s'intitule désormais Conker's Bad Fur Day. Une applet java lance une séquence audio très explicite : quelque chose de grave s'est passé pendant le développement, apprend-on dans un message ponctué d'insultes, de grossièretés et d'expressions plutôt imagées... Une vidéo de présentation est disponible quelques mois plus tard, en mai 2000, et présente le nouveau Conker : univers glauque, violence, grossièreté dans un monde cartoon résolument mature. Conker est désormais un écureuil alcoolique, grossier et vénal. Quand à son amie Berri, elle ressemble à une playmate. Le jeu sera classé (M) aux États-Unis, autrement dit interdit aux moins de 17 ans. Ces révélations font l'effet d'une bombe auprès de la presse spécialisée, qui se passionne soudainement pour le nouveau projet de Rare. Les compte-rendus mettent alors l'eau à la bouche des joueurs adultes qui rêvent de voir enfin les jeux vidéo se parer d'un humour mature et provocateur. Les journalistes sont incrédules et ont parfois du mal à comprendre ce soudain revirement, d'autant plus que Nintendo est l'un des éditeurs ayant la politique la plus stricte en matière de contenu. Comment est-il possible qu'un tel jeu apparaisse sur Nintendo 64 ? Et jusqu'où les développeurs vont-ils aller ? À quel moment Nintendo va-t-il censurer le jeu ? Le projet va-t-il aller jusqu'au bout de sa logique outrancière ? Des rumeurs de censure, puis d'abandon pur et simple sont relayées sur le Net au cours de l'année 2000. Finalement, le jeu est annoncé pour le 2 mars 2001 aux USA. Nintendo US va alors assurer une promo spectaculaire pour le lancement : des publicités plutôt trash (Conker le nez dans le décolleté d'une jeune femme, Conker vomissant dans les toilettes, Conker se faisant offrir un préservatif...) fleurissent dans les magazines adultes tel Playboy. Une soirée à Las Vegas sera organisée pour la presse, un site web hilarant et très vulgaire (interdit au moins de 17 ans) est mis en ligne (avec vérification de l'âge sur la page d'accueil) mais n'est malheureusement plus disponible et renvoie désormais vers la page de Nintendo (qui n'a pourtant aucun Conker's Bad Fur Day dans sa base de données). Ce site, dans un style très « fifties » proposait différentes rubriques évocatrices comme « apprenez vous-même la sculpture érotique sur glace », « la vie sexuelle de nos amis à fourrures » ou encore « Hardcore Footage » (les captures d'écrans), ainsi que plusieurs vidéos délicatement appelées « Poo Problems » ou « Phallic Fun et Bullets & Blood ». Une tournée des universités est également mise en place en partenariat avec le magazine Playboy, avec divers concours et la présence de la playmate du mois. Les compte-rendus et autres photos grivoises sont publiés sur le site web. Évidemment, des réactions de parents choqués, ainsi que des menaces de poursuites judiciaires surviennent. Certains magazines refusent de passer les publicités et des chaînes entières de magasins refusent de distribuer Conker. Pourtant, Nintendo US a pris toute les précautions possibles pour clairement indiquer le classement mature du jeu... Aux USA, l'accueil du jeu par les critiques et les joueurs est unanime. Conker est acclamé comme un vrai chef-d'oeuvre, le meilleur jeu de la Nintendo 64. C'est ce qui revient le plus souvent dans les critiques. Le seul point négatif concerne le niveau de grossièreté du jeu que certains trouvent « too much », mais qui pour d'autres est l'une des qualités du titre. Toute cette promo est à l'image du jeu : politiquement incorrecte. L'humour de Conker, que certains ont voulu rapprocher de Tex Avery (par analogie entre Nintendo et Walt Disney) est plutôt proche de celui de Mike Myers ou de Michel Muller. Outre un goût pour la parodie, il se complaît dans les gags crades, bêtes et méchants, voire gores (le sang coule à flot de manière outrancière). Le sexe est également présent à travers des gags plutôt bon enfant mais c'est vraiment le côté « trash » qui est le plus manifeste. Le jeu se présente sous la forme de différents chapitres, comparables à des sketches ou à une BD humoristique (ainsi que les développeurs l'ont souhaité, et grâce aussi aux bulles dans lesquelles les personnages s'expriment). Chaque chapitre est entrecoupé de scènes cinématiques et se termine par une chute. La motivation de voir ces épilogues humoristiques devient rapidement l'un des moteurs du jeu. Les références au cinéma sont très nombreuses et toujours très bien exploitées. L'intro évoque Orange Mécanique, puis les clins d'oeil vont à des blockbusters du cinéma hollywoodien : Matrix, Terminator 2, Il faut sauver le soldat Ryan, Les Dents de la Mer, Jurassic Park, Dracula, La nuit des morts-vivants, Massacre à la Tronçonneuse, et même Eyes Wide Shut. Les références sont alors clairement adultes et flattent la culture pop du joueur. Reprenant les bases du jeux de plates-formes et particulièrement de Banjo-Kazooie, Conker's Bad Fur Day dispose d'un gameplay d'une richesse inouïe pour un jeu de ce genre. Bien évidemment les poncifs du genre sont détournés : Conker n'agit que dans son propre intérêt et par appât du gain, il recherche des liasses de billets, n'hésite pas à se montrer grossier et violent avec son prochain... Bref, ça change de la morale des jeux de plates-formes habituelle. Le joueur, en prenant le contrôle de Conker, va devoir rentrer chez lui et échapper au triste destin de pied de table qu'on veut lui imposer, il devra également sauver sa copine Berri, qui a été enlevée pour devenir danseuse en cage dans une boite de nuit. La prise en main est excellente, avec le pad analogique de la N64 qui fait encore une fois merveille. Conker a peu d'action à sa disposition par défaut, mais rapidement on fait connaissance avec les « zones de contexte ». Sur certains emplacement, Conker peut réaliser une action appropriée à la situation : chevaucher un taureau, sortir un shotgun, avaler une aspirine, hypnotiser un dinosaure, se saouler à la bière puis uriner sur ses ennemis... Cette excellente idée permet de proposer un gameplay très varié (avec des phases de shoot, de vol, de course...) et surtout de l'adapter continuellement à l'humour du jeu. Les graphismes contribuent également à faire de Conker une totale réussite. Pas de clipping, des couleurs qui flashent, des personnages cartoons à l'animation et au design très réussis et des séquences narratives somptueuses. Le graphisme des différents protagonistes est parfait. Conker dispose ainsi d'animations absolument tordantes : lorsqu'il s'ennuie et qu'il se met à lire Playboy, à jouer à la Gameboy ou encore à interpeller le joueur (« vous êtes mort ou quoi ? J'aimerais bien rentrer chez moi ! »), ses expressions sont fabuleuses. Une foule de petits détails contribuent également à cette richesse graphique : les gouttes de sang, les éclaboussures de vomi, les billets de banque que l'on sème après avoir récupéré une liasse, etc. La partie son est également exceptionnelle : outre les dialogues parlés, ce sont des musiques variées et drôles qui impressionnent le joueur (jazz, techno, opéra, thème de grand film...). C'est tout simplement la meilleure bande son de toute les cartouches N64, et on la doit à Robin Beanland, qui a travaillé sur la plupart des grands titres de Rare. Enfin, Conker dispose d'un mode multijoueurs ! Composé de plusieurs mini-jeux issus de l'aventure, il permet de s'affronter (de un à quatre joueurs) dans cet univers si fun. On trouve ainsi des courses de surf sur lave, des invasions de tanks, des infiltration dans les bases ennemies, des hold-up à la banque et un véritable FPS, totalement hilarant où tous les clichés de Quake et Unreal sont exploités... Conker's Bad Fur Day est un jeu hors normes et ce à tous les niveaux. Un bijou réservé aux joueurs avertis (et non allergique à l'humour trash). Suite au passage de Rare chez Microsoft, et en raison de l'aspect culte de Conker, une nouvelle version sur Xbox, support parfaitement adapté au public potentiel du jeu, devrait sortir en Juin 2005 après de nombreux reports (devenus hélas une habitude chez Rare) : elle comprendra la partie solo de la version N64, reproduite à l'identique (ou presque) avec des graphismes fabuleux dignes la puissance de la machine, ainsi qu'un mode multijoueurs en ligne (jouable via le service Xbox-live), qui transforme le jeu en shooter à la troisième personne et lui adjoint un système de classe de personnage inspiré des FPS tactiques comme Counter Strike. En attendant, il est important de ne pas passer à côté de ce chef-d'œuvre... Note sur l'émulation : le jeu passe très bien avec Project64, mais pour vraiment l'apprécier il est nécessaire de se procurer un pad avec stick analogique sous peine de perdre toute la maniabilité du jeu (Conker doit très souvent suivre des trajectoires circulaires ou se déplacer avec prudence). Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (75 réactions) |