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Micro ou console ? Histoire d'un dilemme
Si la console a précédé le micro dans l'histoire du jeu vidéo domestique, l'antagonisme entre les deux approches a par la suite été permanent, créant deux clans aux conceptions très différentes d'un même loisir. Cet article tente d'analyser le phénomène et d'en retracer l'historique, avec à l'appui des témoignages recueillis dans le forum.
Par Laurent (16 novembre 2002)

Cela fait maintenant plus de vingt ans que le jeu vidéo se pratique à domicile, sans être obligé de fréquenter les salles d'arcade et les cafés, grâce aux consoles de jeux et aux micro-ordinateurs. D'ailleurs, ceux de ces derniers qui ne permettaient pas à leur possesseur de jouer n'ont jamais traîné bien longtemps sur le marché.

Depuis les premiers temps de cette ère du jeu vidéo au quotidien, deux écoles s'opposent : les "consoleux" et les "micro-maniaques". Que ce soit sur le plan marketing, créatif, technique ou encore budgétaire, les adeptes du loisir vidéoludique, qu'ils fassent ou non partie de ce qu'on appelle le "grand public", ont toujours été divisés en deux camps, ce qui est d'autant plus absurde que la plupart des jeux ont été adaptés sur tous les supports possibles. Certains sont restés fidèles à l'une ou l'autre des deux tendances, d'autres ont hésité et changé plusieurs fois de position, mais le clivage est toujours bien présent et rares sont ceux qui s'adonnent aux deux en même temps.

Alors qu'aujourd'hui une des consoles les plus en vue (la XBox) est basée sur la technologie micro-informatique, qu'une autre y a trouvé la majeure partie de ses composants (la Game Cube) et qu'une autre encore (la PS2) est capable, pour la plus grande fierté de son fabricant, de faire fonctionner un système d'exploitation à interface graphique (Linux pour ne pas le nommer), les deux chapelles sont toujours aussi rétives à s'ouvrir l'une vers l'autre, et le travail des développeurs et éditeurs n'a jamais été aussi sectorisé, avec le "gameplay PC" et les genres qui s'y rapportent d'un côté, et le "gameplay console" de l'autre.

Nous avons recueilli des opinions de membres du forum qui sont intercalées tout au long de l'article.

Fin des seventies, le jeu vidéo domestique se mondialise.

Pong, premier jeu vidéo qui se joue à la maison

Dans les années 70, les jeux vidéo sont restés essentiellement cantonnés aux salles d'arcade. Pour y goûter, il fallait absolument sortir de chez soi, fréquenter des lieux en principe interdits aux mineurs et payer chaque partie jouée. Inutile de dire que dans de telles conditions les minutes passées à jouer étaient précieuses, rares, inoubliables. Ceux qui ont connu cette époque en ont gardé une fascination pour les salles d'arcade que les jeunes joueurs ne ressentent pas, puisque pour eux le jeu vidéo n'est que le plus attirant des jouets qui peuplent la chambre d'un enfant.

Pour tâter un peu du jeu vidéo sans limite de temps et sans trop s'écarter du droit chemin tracé par l'autorité parentale, ne restaient que les Pong-clones. Ces consoles, découlant du Pong d'Atari qui avait triomphé aux Etats-Unis dès 1972, ont été le premier produit vidéoludique introduit sur le marché à l'échelle mondiale, et dont des fac-similés à prix compétitifs et vraie valeur ajoutée sont arrivées de Taïwan ou Hong-Kong. Fabriqués par Scomark ou Hanimex, ces jeux, qui portaient des noms très techniques propres à faire rêver (HMG-7900, SD-050, SD-070, TVG 8610...), étaient vendus au prix d'un jouet un peu luxueux mais sans plus (aux alentours de 200f), et proposaient un certain nombre d'alternatives au tennis de base qui avait popularisé le produit roi d'Atari.

Dès 1978-79, d'innombrables européens ont pu accéder à ce miracle : jouer à un jeu électronique (rien que ça, c'était déjà un pas en avant prodigieux), mais qui plus est branché sur la télévision ! Un jouet qui faisait de drôles de bruits, dont la dissection laissait apparaître des circuits imprimés fort complexes, et surtout dont on ne comprenait strictement rien au fonctionnement.

Il est important de noter que cette profusion de Pong-clones a, d'une certaine manière, préparé le terrain européen à l'arrivée des vraies consoles de jeux. Car de l'autre côté de l'Atlantique, on était déjà passé à la vitesse supérieure : La Magnavox Odyssey (1972), première console à cartouches de l'histoire, en était déjà à sa seconde mouture (L'Odyssey 2, sortie en 1978), et surtout Atari avait su se parer des atours d'un pionnier du jeu vidéo pour lancer sa propre console, la VCS (fin 1977), s'assurant l'exclusivité (du nom comme du concept) sur bon nombre de succès du jeu d'arcade pour envahir le marché avec une agressivité sans pareille, à laquelle le remplacement à la direction du fondateur Nolan Bushnell par de peu scrupuleux financiers n'est pas étranger.

On doit en définitive l'avènement des consoles de jeux en Europe à la conjonction de deux phénomènes :
- Le rachat de Magnavox par Philips, entreprise européenne.
- La volonté d'Atari de s'assurer la ceinture vacante de "champion du monde des jeux vidéo domestiques".

Atari VCS
et Mattel Intellivision

Vers 1982, l'Atari VCS 2600 et la Philips Videopac G7000 (nom européen de l'Odyssey 2) apparaissent en Europe. L'engouement pour ces deux machines, qui représentent pour les joueurs une sorte d'aboutissement d'un concept qui les avait déjà fait rêver, est considérable. Enfin, surtout pour la VCS, à vrai dire, car la Videopac souffre d'un retard technologique (et aussi d'un clavier dont la présence est plutôt absconse) qui fait que beaucoup la considèrent comme scotchée dans la décennie précédente. Où en est la micro-informatique familiale à cette époque ? A ses balbutiements, mais l'explosion est proche.

Maze : Mon premier souvenir vidéoludique date d'une console de type "Pong" un Téléscore de chez SEB (ne riez pas ça a existé et j'en croise souvent sur e-bay, me retenant de ne pas enchérir dessus pour ne pas me faire ...bip... par mon épouse). Derrière ce fût l'époque du C64, les chargements de Ghostbusters, les premiers listings et les heures passées a regarder mon père jouer à Solo Flight le nez rivé sur la carte, ou a Decathlon. N'ayant que 6 ans je n'étais pas assez grand pour me mesurer à lui...

Alors que les Colecovision et Intellivision ouvrent de nouvelles perspectives au jeu sur console mais ont du mal à concurrencer la VCS dont le prix est sans cesse revu à la baisse grâce à une technologie obsolète (ce qui ne gêne pas le public tant les consoles dans leur ensemble semblent représenter le futur), l'arrivée des premiers micro-ordinateurs accessibles au grand public préfigure de l'évolution des mentalités : le public réalise qu'une console de jeu est en réalité un ordinateur dévolu à une tâche unique.

Début des années 80 : Le micro tue la console.

Sinclair ZX 81 : comment lui résister ?

La première confrontation directe entre les jeux vidéo sur consoles et les jeux vidéo sur micro-ordinateur va se solder par une disparition temporaire des premiers, pour cause d'évolution trop chaotique de marché des loisirs électroniques. Après la secousse qu'à provoquée le lancement du Sinclair ZX-81, des constructeurs de micros apparaissent un peu partout, aux US, en Angleterre, en France, et au Japon. Ils vont se livrer une guerre sans merci, et rivaliser d'imagination dans le but de faire acheter aux gens un produit dont ils n'ont pas besoin, et qui en plus est très coûteux malgré tous les efforts consentis pour le vendre moins cher. C'est ce qu'on appellera le "boom de la micro-informatique familiale", une sorte de folie uniquement motivée par la fascination qu'exerce encore, en ces temps qui nous semblent si reculés, les mots "informatique" et "ordinateurs".

Vers 1983-84, un ordinateur vaut environ le quart du prix d'une voiture familiale neuve. Si on lui adjoint les services d'un moniteur, d'une imprimante et d'une unité de mémoire de masse (à savoir un lecteur de cassettes ou disquettes pour enregistrer des fichiers et des programmes), son prix initial est doublé, voire triplé. Ces chiffres sont valables pour les micros grand publics que sont le Commodore Vic-20, l'Oric Atmos, le Commodore C64 ou le Thomson TO-7. Si on se penche sur le cas d'un PC ou d'un Apple de l'époque, c'est carrément du délire. A ce prix là, difficile de pousser une famille à s'équiper d'un micro, et pourtant les constructeurs vont y parvenir grâce à une botte secrète : les jeux vidéo.

Mattel Aquarius et Atari 800 XL : Sous-estimés car leur constructeur avait prospéré dans les consoles.

Les micros, conçus pour être le plus polyvalents possibles, ont des capacités graphiques et sonores comparables à celles des meilleures consoles, voire même supérieures. Partant de l'adage "qui peut le plus peut le moins", leurs constructeurs vont encourager le développement de jeux. Des développeurs que le boom de la micro familiale a permis de s'initier à la programmation font leur apparition, et les idées nouvelles fusent de toutes parts, à tel point que les micro-ordinateurs font rapidement figure de support privilégié pour jouer à des tas de jeux originaux, riches et passionnants. Surtout, le fait de jouer sur micro est une bonne solution pour multiplier les jeux à peu de frais, de plusieurs façons :
- En tapant des listings en Basic trouvés dans la presse spécialisée.
- En se procurant des jeux copiés : le piratage est en effet devenu lui aussi grand public à cette époque.
- En s'inscrivant dans des clubs d'informatique, financés par les mairies séduites par l'aspect éducatif de l'ordinateur que les constructeurs ont su mettre en avant.

Commodore 64 : un des grands gagnants du boom de la micro familiale, et une machine de jeu idéale

Gamerphil : ...et durant tout le reste de la décennie 80, je me suis cantonné aux micros. La première raison était économique. Eh oui, car, mis à part l'achat du micro en lui même, je n'avais plus aucun frais, sinon celui des disquettes. Quelques amis ayant le même micro, en quelques semaines je devais déjà avoir une centaine de jeux copiés (Niark, niark !) sur mon CPC. La deuxième raison était qu'un micro n'était pas limité qu'aux jeux (même en 8-bits). Je passais aussi pas mal de temps à taper des pages et des pages de codes en Basic, par exemple, sachant que mon CPC avait un traitement de texte et un tableur (c'était un début, sachant que ça ne valait pas une application PC de l'époque).

Face de tels arguments de vente, les consoles ont bien du mal à charmer encore. Elles vont donc finir leur carrière dans le rang des produits bon marché avant de disparaître provisoirement, et leurs constructeurs vont soit se retirer (Mattel, Coleco), soit se lancer dans la micro. Même Nintendo, qui profite quelque temps plus tard d'une absence de concurrence pour lancer la première console japonaise à diffusion mondiale, la NES, se prépare à une éventuelle ouverture de son produit vers la micro-informatique. Au Japon la Famicom (Family Computer, le nom original de la NES) est conçue pour accueillir des extensions la transformant en micro.

Pub de fin de parcours pour une VCS cheap et relookée : Les consoles tentent de sauver la face

On considère souvent ce qui se produit alors comme le "grand crash des jeux vidéo", mais en réalité ils sont toujours bien présents, et ont simplement abandonné pour un temps les consoles et le grand public pour se retrouver aux mains des développeurs sur micro sur un marché plus confidentiel et spécialisé.

On arrive au milieu des années 80, période pleine d'espérance à plus d'un titre, et c'est la première fois dans l'histoire des jeux vidéo qu'une vraie différenciation s'opère entre les cultures consoles et micro. Du temps des VCS et Colecovision les jeux vidéo étaient un marché basé sur la concurrence entre deux ou trois labels, le fantasme des jeux d'arcade, les gros sous et l'hégémonie américaine.

Sur micro on observe surtout un déferlement créatif totalement désorganisé où la bidouille est reine chez les développeurs comme les utilisateurs, et les considérations commerciales oubliées vu que la chose touche un public restreint qui ne regarde pas à la dépense. Les possesseurs de micro vont alors avoir l'impression d'être au cœur d'un événement sans précédent, de fouler un sol vierge, en toute liberté (leur maître mot). Beaucoup en garderont pour très longtemps la sensation que les choses sont bien plus excitantes sur micro que sur console, et aujourd'hui certains ont transformé leur garage (ou même leur appartement) en musée de la micro familiale eighties, tant la nostalgie qu'il ressentent pour cette époque est forte et liée à la sensation de profusion qu'elle représente.

Tandy MC 10 : Ca fait plus sérieux qu'une console

L'ère des 8-bits.

A partir de 1985, les choses se stabilisent et les tendances se dessinent. Les micros se vendent de mieux en mieux. Certains sont dédiés à des tâches éducatives (Thomson, Acorn) et trouvent parfois leur clientèle auprès de l'Education Nationale (le fameux "plan informatique pour tous"), d'autres restent du domaine des professionnels (PC, Apple), et les plus chanceux ont réussi à s'imposer sur le marché familial : Commodore 64, Sinclair Spectrum, Oric Atmos, Amstrad CPC (qui réitère le coup commercial de Sinclair avec le ZX-81 en proposant un micro facile d'accès, moins cher que ses concurrents et ouvert au jeu), et dans une moindre mesure Atari 400/800 (qui traînent l'image d'Atari comme un boulet, ce qui nuit injustement à leur succès en Europe). D'autres échouent (Exelvision, Sega SC-3000), ou ne réussissent qu'à moitié (le standard MSX, le TI-99 4A). Ceux qui tiennent le haut du pavé sont incontestablement les machines sur lesquelles les jeux vidéo sont en train de connaître une véritable révolution. De toutes les applications possibles d'un ordinateur, le jeu est celle qui rassemble le plus d'adeptes et révèle les talents les plus fulgurants. Parfois, il est même garant de la légitimité de certaines machines : si on prend l'exemple du Commodore 64, on sait que des logiciels utilitaires excellents furent développés dessus, et même un système d'exploitation de qualité professionnelle. Qui s'en souvient aujourd'hui ? Peu de gens, comparé aux joueurs émerveillés que cette machine a laissés derrière elle.

Il en est de même pour le standard MSX, sur lequel de grands noms du jeu vidéo Japonais se sont fait la main.

Texas Instruments TI99-4A : Une certaine idée du luxe

Soreal : Pour ma part, ça a commencé sur les consoles. La Colecovision a été la première et l'ordinateur n'était pas encore quelque chose que j'envisageais comme possible à la maison. J'en avais une image assez floue de grosses armoires avec des bandes qui tournent de partout, donc ça n'avait rien à voir avec le jeu et la maison. C'est à 12 ans, par l'intermédiaire de mon meilleur ami que l'ordinateur m'est apparu comme un choix indiscutable, et de l'Atmos jusqu'à l'Amiga 500, je n'ai juré que par les ordis, car rien dans le monde console n'était au niveau des performances de nos chers micros. J'ai complètement occulté la NES et la Master System.

De leur côté, les consoles vont trouver leur salut au Japon. Débarrassé de toute concurrence sur un marché qui s'est autodétruit, Nintendo fait preuve d'un génie commercial incroyable en lançant la NES, un produit capable de parer à toute éventualité, apte à s'adapter à tous les pays. Au Japon, elle est présentée comme un micro-ordinateur en devenir. Au Etats-Unis et en Europe, on la vend comme un jouet. Cette infantilisation du public occidental va d'ailleurs être extrêmement préjudiciable à l'image des jeux sur consoles. S'il est indubitable que la NES a été la plate-forme privilégiée de développement d'une nouvelle génération de jeux vidéo, d'une profondeur et d'une durée de vie rarement constatée sur micro, on peut regretter que ces titres, pour beaucoup, n'ont pas été importés officiellement. Seuls les joueurs les plus débrouillards et informés ont pu se les procurer, pendant que Nintendo se contentait de mettre le paquet sur la partie grand public de sa ludothèque. Du côté de Sega et de la Master System, les choses étaient similaires.

La NES et ses accessoires : Les consoles reviennent

De cette politique un peu regrettable vont naître les préjugés les plus injustifiés envers les jeux consoles, basés sur une vision très réductrice : La NES (et avec elle la Master System) est une console pour les gamins, qui ne coûte pas cher, facile à utiliser, et comme tous les gamins en ont une, ils arrivent à tester énormément de jeux grâce aux prêts et échanges, ce qui pallie à l'impossibilité de les copier.

C'est oublier les premiers Phantasy Star sur SMS, c'est oublier les premiers Final Fantasy sur NES (rappelons que le VII sur Playstation a été le premier importé officiellement), Ultima III ou encore Dragon Warrior... des jeux dont les prémices remontaient parfois à ce qui se faisait sur MSX, par un vivier de développeur sur lesquels Nintendo et Sega ont mis la main par la suite. Ces titres, dont la plupart proposent une ambiance très japonaise qui aujourd'hui connaît beaucoup d'adeptes dans nos contrées, permettaient à la console de proposer des défis ludiques qu'on aurait cru réservés aux seuls possesseurs de micros. Ils n'ont au final touché qu'une minorité de possesseurs de consoles.

LVD : j'ai débuté avec un MO5 et un Spectrum, et franchement je m'amusais bien avec. Mais au bout d'un moment, je ne m'en servais plus QUE pour les jeux (avec le temps de chargement de la K7...). Je me suis alors dit : autant prendre une console. C'est en fait un ami à moi, dont toute la famille était accro aux consoles (le père, la mère, le frère, la grand-mère, et même le facteur, incroyable !), qui m'a fait découvrir l'Atari 2600, puis peu après la NES, et là j'ai définitivement basculé dans l'univers des consoles.
Par ailleurs, étant naturellement attiré par l'univers imaginaire japonais (ce qui comprend les mangas bien sûr), seules les consoles ont su m'apporter le genre d'ambiance (et de personnages) que je recherchais.

D'un point de vue commercial, la politique de Nintendo a été la bonne, puisque la compagnie a détenu jusqu'à 90% des parts de marché, mais ont peut penser qu'il s'agit là d'une erreur d'appréciation, que le public occidental a été gravement sous-estimé. Surtout, c'est certainement là qu'on à l'origine d'une idée reçue si tenace qu'elle s'est concrétisée sur le marché actuel : certains genres ne se pratiquent pas sur console, d'autres sont inadaptés aux micros.

En France au milieu des années 80 apparaissent les premiers magazines spécialisés dans les jeux vidéo. Il y aura d'abord Tilt, le pionnier, puis Generation 4, Micro News et Joystick. Ces magazines sont importants, ils constituent les fondations de toute une presse. En les lisant, on s'aperçoit bien vite qu'ils viennent compléter une presse micro-informatique un peu austère (Science&Vie Micro, l'Ordinateur Individuel) et s'intéressent donc surtout à la production ludique sur micros, ne regardant que de loin (et un peu de haut) les consoles. Seul Generation 4 sait voir dans l'apparition de jeux comme Sonic the Hedgehog ou The Legend of Zelda les prémices d'une révolution. Tilt, assimilé à tort ou à raison au passé ("le magazine des jeux électroniques"), finira par jeter l'éponge, et le manque de traitement de l'actualité console par ses concurrents entraînera la naissance de magazines spécialisés eux aussi, mais placés dans l'autre "camp". En se généralisant à la presse, le clivage n'en est donc que plus important.

Les 16-bits : micro ou console ?

Atari ST et Commodore Amiga : Apple et le PC relégués au second plan !

A l'orée des années 90, la micro-informatique se résume à une poignée d'acteurs prépondérants : L'Atari ST et l'Amiga dominent la part grand public et se définissent clairement comme des machines destinées en priorité au jeu, le Mac et le PC se partagent la clientèle "sérieuse".

Maze : Mon premier ordinateur "a moi" arriva après moult palabre (et la peur de mon père que je re-squatte son 1512), un Atari 520STF pour mon anniversaire et mon passage en 6éme (je suis né en Août donc ça colle à peu prés). Premiers pas sur les traitements de texte avec Beckertext, rencontre de beaucoup d'amis dont j'ai malheureusement perdu la trace durant mes nombreux déménagements (j'en suis à 14), premier dessins sous ZZ-rough (mais j'ai jamais réussi a faire aussi bien que Bellamy), premiers essais de musiques sur un logiciel dont j'ai oublié le nom mais l'Atari est surtout une machine qui m'a d'autant plus marqué que j'y ai sûrement touché 80% des jeux sortis grâce au frère d'un ami de mon oncle qui faisait parti d'un des "fameux" Clubs Atari de l'époque. J'avais entre 30 et 40 nouveaux jeux par mois...

L'unique : on ne peut nier que l'Amiga que j'utilisais fréquemment chez un ami me faisait pleurer : A l'époque, la distinction entre les jeux pour micros et les jeux pour consoles étaient, ce me semble, moins marquée, et on retrouvait nombres de jeux de plate-forme et d'action passionnants sur Amiga (et autres), aux graphismes (2D, est il besoin de le préciser ?) chatoyants... Un vrai régal pour l'œil, pour moi qui était habitué aux pauvres sprites de ma NES !

NEC PC Engine, Sega Megadrive : Les consoles attaquent en force

Côté console, c'est d'abord l'attentisme qui est de mise, car Nintendo semble inattaquable et décidé à exploiter le filon NES jusqu'au bout. Aux US, personne ne semble intéressé par la production d'une nouvelle console, et les Japonais se montrent bien plus prudents dans leur stratégie marketing. Pourtant, des changements importants sont sur le point d'intervenir.

Tout d'abord c'est NEC qui lance la PC Engine, et un phénomène intéressant intervient : en Europe, la console n'est pas tout de suite importée, le marché US étant plutôt dans les priorités de NEC, et pourtant on trouve des PC Engine distribuées par une société montée dans ce but, la Sodipeng. Les jeux sont vendus en import direct, souvent non traduits. Le succès n'est pas gigantesque mais suffisant pour prouver que le public européen est friand de jeux typiquement japonais.

Une console aurait pu, dans ce contexte plus ouvert, mettre tout le monde d'accord : la Megadrive. Construite autour d'un organe central, son CPU Motorola 68000, qui provient du monde de la micro et répond à la nouvelle donne selon laquelle le jeu sur 16-bits ne doit plus être seulement intéressant mais aussi spectaculaire, la Megadrive voit son catalogue garni de jeux qui ont été des hits micro. Des jeux occidentaux, auxquels elle adjoint la quantité voulue de jeux de plate-forme et de RPG au parfum oriental, Sega n'ayant jamais manqué à sa mission de développeur.

Malheureusement, Sega n'aura pas eu les épaules assez larges pour jouer les leaders bien longtemps. Dès la sortie de la Super NES, les bonnes vieilles habitudes reviennent : Nintendo s'approprie la majorité des parts de marché, et sectorise sa ludothèque en tranches localisées. Toujours pas d'épisode de Final Fantasy importé en Europe, des RPG à la pelle mais aucun qui sort des limites japonaises, et un marketing qui ressasse toujours les mêmes têtes d'affiche : Mario, Castlevania, Zelda, et des nouveaux (F-Zero, StarFox) qui ne changent rien à la donne : les fans de micro restent dans leur coin, les fans de console dans le leur. Quelques tentatives d'adaptation de hits ST/Amiga seront faites sur SNES, mais elles restent du domaine de l'anecdote : les deux univers semblent fatalement dissociés.

Nintendo Super NES : Big N fera-t-il un jour mieux ?

Qu'est-ce qui fait alors qu'on puisse être branché micros plutôt que consoles ou inversement ? Tout un tas de mauvaises raisons. Tout d'abord le piratage, principal arbitre de ce marché depuis toujours, sévit bien plus sur micro. Une large part des possesseurs de ST et Amiga campent sur leurs positions pour une raison simple : ils ont des centaines de jeux en copie, et savent qu'il ne pourra pas en être de même sur console (même si les systèmes de copie existent là aussi, distribués sous le manteau et assez coûteux).

Ensuite, si l'univers vidéoludique occidental n'est plus l'apanage des micros, il n'en reste pas moins que les petits génies venus des 4 coins de l'Europe parvenant à violer toutes les règles établies sévissent toujours sur micro. Les démomakers, dont certains passent avec brio au développement de jeux, transcendent ces micros dont la conception commence déjà à vieillir un peu. Ils en tirent des sons et une imagerie qui fait rêver, car puisée dans des ressources matérielles insoupçonnées. Un simple coup d'œil suffit à voir que dans la majeure partie des cas on joue dans de meilleurs conditions sur SNES et Megadrive, mais l'attachement ressenti pour un micro est sans commune mesure avec celui qu'on peut avoir pour une console. Un micro-ordinateur est une machine sur laquelle on a vécu mille et un souvenirs, qu'on a vu briller dans toutes sortes d'applications, derrière laquelle on s'est retranché pour se forger une identité (la fameuse guéguerre ST/Amiga, si sympathique car elle jouait en faveur de la pluralité et n'avait rien de destructeur).

Soreal : Shinobi m'a fait investir dans la Megadrive dés sa sortie, mais ça ne m'empêchait pas de revenir vers mon Amiga 500 qui me servait aussi à autre chose que le jeu. C'était là sa force, être multitâche ! Je me suis essayé à l'image de synthèse et ça, ma Megadrive ne me le permettait pas.

Une console, en revanche, est un objet consommable, sans âme, qui uniformise la pratique du jeu, donc dans un certain sens la pensée (sauf pour la Neo Geo, unique en son genre car elle renvoie à l'image sacrée du jeu d'arcade). Si le micro fascine toujours autant, la console est une simple boîte dans laquelle on insère un jeu, sans savoir ce qui se passe en coulisses. A l'époque on ne sait encore rien sur les développeurs vedettes nippons, ce qui déplait fortement aux adeptes du jeu micro qui adorent construire un culte autour des pionniers de la programmation, du graphisme ou de la musique. De plus, une vraie censure existe sur les jeux consoles, dont le contenu est filtré par une seule et même structure, alors que sur micro c'est l'anarchie, et les développeurs en profitent pour abuser du sexe et du sang.

SNK Neo Geo : Les autres ne paient pas de mine, mais celle-ci en impose.

Et puis tout est bon pour créer des différences : Si les jeux micro se jouent au joystick, instrument venu du jeu d'arcade, donc d'ascendance noble, les consoles se jouent au joypad, hérité du Game&Watch des cours de récréation, qu'on ne peut qu'apprécier lorsqu'on lui a donné sa chance, mais encore faut-il l'avoir fait.

De même, les consoles utilisent des cartouches, alors que les micros se nourrissent avec des disquettes. Dans le premier cas, c'est une technologie qui date des années 70, alors que le possesseur de micro, lui, se souvient de l'époque ou il rêvait pieusement de passer un jour de la cassette à la disquette. Inconsciemment, ça le conforte dans l'idée qu'il est plus en avance techniquement, qu'il a grandi. Tous ces préjugés liés à son propre vécu de joueur le confortent dans l'idée que s'il a eu une console étant petit (faute de mieux), on ne l'y reprendra plus.

Le joueur sur console de l'époque, lui est en général un ancien possesseur de NES ou de Master System peu intéressé par les ordinateurs, qui s'est laissé séduire par les spécificités d'une des 4 consoles 16-bits les plus connues (PC Engine, Megadrive, Super NES ou Neo Geo). Il apprécie le savoir faire des développeurs Japonais en matière de jeux de plate-forme, d'aventure ou de shoot'em'up, et n'a cure de ne pouvoir jouer aux Bard's Tale, Midwinter et autres Millenium 2.2 qui triomphent sur Amiga, le plus souvent parce qu'il ne connaît rien de ces jeux, et ce ne sont pas les magazines qu'il lit qui vont lui en parler.

Wild_Cat : J'ai appris l'existence des ordinateurs par hasard en achetant une ou deux fois par hasard Tilt ou Joystick, et ça ne devait pas être de très bons mois parce que ma réaction fut "Tiens? C'est quoi ça? Boaf, ça a l'air plus moche que ma SNES". Pas de quoi casser 3 pattes à un canard donc, d'autant plus qu'avec déjà 2 consoles à la maison ma mère ne serait certainement pas favorable à l'achat d'une autre machine, même utile pour bosser. (néanmoins je pense que si j'avais pu entendre ce dont étaient capables les ordis de l'époque musicalement, j'aurais immédiatement refourgué ma MD et ma SNES pour me payer un Amiga)

Plus rarement, mais le cas existe déjà, le joueur console est un fou de micro qui est passé aux consoles ayant constaté que les choses y évoluent plus vite sur le plan des jeux, qu'un hardware optimisé rend plus maniables, fluides, et parfois plus beaux.

Gamerphil : Ce n'est que dans les années 90 que les consoles ont commencé à vraiment m'attirer, avec l'arrivée des 16-bits. Les micros commençaient à s'essouffler, et c'est vrai que ces dernières devenaient plus puissantes. Certes, j'avais aussi acheté un PC (mais ce sera plus pour travailler, même si les jeux étaient très beaux, en VGA !). Mais les consoles proposaient des jeux vraiment excellents (Sonic m'a subjugué, SF 2 était phénoménal, aucun équivalent sur micros !), et les jeux PC m'accrochaient moins (c'était très différent). J'ai joué sur MD et SNES durant toute leur durée d'exploitation.

Les 32-bits et le PC

1995 est une année charnière à plus d'un titre. Alors que le ST et l'Amiga, après une carrière fabuleuse, se retirent plus ou moins définitivement, le PC, sous la double impulsion de Microsoft (Windows 3.11 et les promesses de Win95) et Intel (le Pentium, qui marque la fin d'une certaine époque), accède enfin au statut de micro-ordinateur grand public. Le CD-ROM lui donne une mémoire d'éléphant, le Pentium lui confère une puissance de calcul sans précédent, les logiciels bureautiques commencent à le rendre convivial tandis que les périphériques se démocratisent (imprimantes, scanners...), et l'avènement des cartes son lui donnent enfin un timbre de voix appréciable. Il se montre capable de briller dans tous les secteurs qui étaient autrefois réservés à une machine ou l'autre.

Surtout, il est très adapté au jeu, malgré ses modes graphiques mal étagés, car sa puissance processeur lui permet de faire tourner des jeux d'action en 3d qui terrassent tout joueur s'y étant essayé : les FPS. Il faudra longtemps, très longtemps avant que l'on puisse vivre telle immersion dans un jeu d'action sur console, ce qui contribuera à renforcer un peu plus dans leurs convictions les joueurs sur PC venus du ST ou de l'Amiga.
En cette fin de siècle, le PC devient donc la personnification du jeu vidéo sur micro-ordinateur.

Le PC : Il vous en faut un

Wild_Cat : 1995. Je me rends chez un pote (je ne sais même plus pourquoi) et le trouve avec son grand frère, assis dangereusement près d'un écran beige bizarre posé sur une autre boîte beige dont dépassent une manette avec bien trop de boutons pour être ergonomique et une souris (ça je savais ce que c'était, j'avais Mario Paint sur SNES).
- "Vous faites quoi?"
- "On joue."
- "C'est quoi?"
- "Un PC."
UN 486 SX-25 pour être précis, avec 4 mégas de RAM, un disque dur de 40 méga-octets (oui oui, méga, pas giga) et (surtout) la cultissime Sound Blaster 16 de Creative Labs.
Je me rappelle du jeu, c'était X-COM : Terror From the Deep, sur 4 disquettes. Les graphismes m'ont paru pas mal mais sans plus (il convient de noter que les X-COM ont été très moches), l'animation correcte et la vue très inhabituelle (3D isométrique, à part Desert Strike et quelques RPG ou du reste elle n'était pas super bien utilisée ça m'était inconnu), mais le reste... Alors là, c'était du jamais vu. Une partie style Sim City avec gestion de bases, une partie tactique au tour par tour avec des missions générées au hasard, le tout commandé à la souris et super intuitivement... Sans oublier cette d'ambiance sonore qui me faisait flipper comme c'était pas permis... Une complexité comme ça, c'était inimaginable sur console.
Pendant les semaines qui ont suivi, j'ai zoné assez souvent chez ce pote, jouant à X-COM puis essayant Wing Commander et enfin quelques sharewares dont la claque ultime (justement) qui me fit réaliser à quel pont ma SNES était dépassée, que ce soit au niveau graphique ou sonore : Terminal Velocity.
Ce fut la révélation. Il me fallait un PC.

Sony Playstation et Sega Saturn : Conceptions similaires, mais destins différents

Les consoles, de leur côté, sont revenues au top et n'en descendront plus. La Playstation impose d'emblée Sony comme le leader du marché. C'est une première pour un constructeur qui n'avait jusque là que touché de loin à la chose. Grâce à ses jeux excitants ancrés dans la 3d et au marketing particulièrement intelligent de Sony, qui fabrique de toute pièce un phénomène de société et fait du nom de sa console une marque à part entière, les jeux vidéo retrouvent le grand public.

On voit apparaître des joueurs qui n'ont connu que la 3d, et croient dur comme fer que les jeux vidéo valent enfin le coup qu'on s'y intéresse. Inutile de dire qu'un tel public est irrémédiablement voué à ne jouer que sur console : on branche la machine sur une télé grand écran, on insère le CD et on joue. Ca ne plante jamais, ça ne craint pas les miettes de pop-corn, et si ça rame on n'y peut rien donc on n'y pense pas trop. On est totalement à l'opposé du micro, qui, avec le PC, se paie le luxe d'être plus encombrant, peu design, complexe à utiliser et capricieux qu'il ne l'a jamais été !

Les joueurs sur PC et sur console étaient jusque là incapables de se mettre d'accord, ils ne peuvent désormais même plus communiquer. Ils sont comme dans deux sphères différentes, et pourtant dans bien des cas ils jouent aux mêmes jeux.

Lagi : Lorsque j'ai eu un PC il y a 2 ans, j'ai d'abord pensé m'en servir essentiellement pour jouer mais j'ai vite arrêté. Je n'arrive pas à accrocher aux jeux sur PC. Je crois que ce qui me dérange le plus, c'est l'utilisation du clavier, ce n'est carrément pas conçu pour le jeu, je n'arrive pas à m'y faire. On a beau dire que c'est mieux pour certains types de jeux, je préfère encore jouer à un FPS à la manette qu'au clavier/souris. Une autre chose qui me fait préférer les consoles, c'est la simplicité d'utilisation. Une dernière chose que je n'aime pas c'est de ne jamais avoir l'impression de profiter pleinement d'un jeu sans avoir le meilleur ordi du moment. Sur PC, je ne joue donc qu'aux émulateurs.

Alors qu'une console peut devenir un produit très rentable qui fait l'objet d'un marketing très pointu, on s'aperçoit que de bons jeux en nombre ne suffisent plus à lui assurer succès et longévité. Il faut qu'elle crée ses propres parts de marché, quitte à aller les chercher chez les gens qui ne jouent pas ou peu.

Tombraider et FIFA : Gigantesque succès sur consoles, mais opinion partagée sur PC

C'est sur cette base qu'en cette fin de siècle les tendances du marché vont se profiler : le jeu vidéo n'a pas tant d'importance que la façon dont il est vendu, et à qui il est vendu. Il convient donc d'indiquer clairement au joueur dans quelle catégorie il se place, afin qu'il achète en toute confiance, sûr d'avoir fait le bon choix. D'ailleurs, les constructeurs qui n'ont que tardivement compris cette évolution et se contentent de développer des jeux et en assurer la promotion comme on le faisait auparavant essuient de graves déconvenues (Saturn, 3DO), tout comme ceux qui n'ont pas ou plus les moyens d'un marketing suffisant (Atari et sa Jaguar). Le profil type du joueur console va donc trouver une identité encore plus forte qu'avant, et toujours plus éloignée de celle du joueur micro qui, lui, refuse d'être considéré comme un simple consommateur dont le comportement serait calqué sur un stéréotype.

Wild_Cat : L'architecture des ordinateurs, leur disque dur et leur mémoire très supérieure permettent de faire des choses impossibles sur console, par exemple Deus Ex (dont la version PS2 est moins détaillée par manque de mémoire) et Ground Control (version PS2 annulée parce que les programmeurs n'arrivaient pas à contourner le manque de mémoire de la console). Sans compter les possibilités de jeu en réseau (j'adore Bomberman mais rien ne vaut un Team Fortress à 16 ou un Duke 3D à 8 dans la même salle), la puissance des interfaces clavier/souris (un RTS ou un FPS au pad, c'est et ça restera l'horreur totale) et tout simplement le fait qu'on puisse s'en servir pour un nombre phénoménal de choses autres que le jeu. Ecrire, dessiner (enfin, les autres, parce que moi, même les personnages en bâtons je les rate)... Emuler les vieilles machines ! La flexibilité, voilà un autre avantage des ordinateurs.

Du côté de la presse, la guéguerre bât son plein : la presse micro fustige dès qu'elle le peut le "gameplay console", devenu la pire critique qu'elle peut faire à un jeu PC. Dans l'autre camp, ça ne vole pas plus haut, avec des réflexions du style "les graphismes sont jolis, mais ça fait un peu trop PC". Et pourtant, quand on examine les arguments avancés, on ne sort que très rarement du cadre purement subjectif. Si le possesseur de console se vante à juste titre du confort que représente le jeu sur un écran TV, le PC-iste lui rétorque que le texte n'est guère lisible sur un tel écran, s'il évoque la facilité d'usage, c'est la mauvaise fiabilité matérielle des consoles qui lui est renvoyée etc... Chaque avantage peut-être retourné, chaque grief contredit. Et pourtant à la base il y a un plaisir qui devrait théoriquement être le même.

Half-Life et F1 Grand Prix 2 : Quand le jeu sur PC montre la voie à suivre

Un avantage est à mettre au crédit du PC : son évolutivité matérielle, qui va lui donner pendant longtemps un temps d'avance sur les consoles (notamment la Playstation dont la longévité sur le marché et le retard de sa succession ont renforcé l'obsolescence technologique). Dès 1996, les cartes graphiques pour PC font leur apparition. Les circuits graphiques ne seront plus inclus dans la carte mère, ils deviennent un organe périphérique, comme la carte son, donc soumis à leur propre évolutivité (on devrait même dire évolution forcée). Avec l'arrivée de la carte 3DFX, qui provoque un choc visuel dont peu se sont remis, l'affichage des consoles 32 et 64-bits prend un méchant coup de vieux. Les possesseurs de PC ricanent en jouant à Pod ou G-Police avec une fluidité parfaite et un aliasing proche de zéro (d'ailleurs ils sont les seuls à l'époque à savoir ce que cette dernière expression veut dire), mais sur console on se targue de l'apparition de genres nouveaux qui ne parviendront jamais à percer sur PC : les survival-horror (Resident Evil), les jeux de plate-forme en 3d (Pandemonium, Mario 64, Bug, Crash Bandicoot), ou encore les RPG japonais.

Il est facile de comprendre que certains styles particulièrement adaptés au jeu au clavier, comme les FPS, les RTS et les simulations de vol soient restés chasse gardée du PC. Par contre pourquoi les hits sur consoles précédemment cités n'y ont pas ou mal été convertis, cela reste un mystère. On se souvient du ratage de la version PC de Final Fantasy VII, une initiative pourtant louable au départ. Même les tentatives de Sega, comme Virtua Fighter PC ou Sega Rally PC, ont été bâclées (pas d'optimisation pour cartes 3d, pas de menu de configuration permettant de bidouiller un peu), comme pour renforcer les PC-istes dans leur rejet de ce type de jeu. Les mêmes critiques peuvent être formulées à l'encontre des versions PC de Resident Evil 1 et 2 : des ersatz sans âme de ce qui avait été fait sur consoles.

A la fin des années 90, plus que jamais, la ligne Maginot qui sépare le monde du PC de celui des consoles est bien là, et elle trouve ses fondations dans ces quelques exemples de jeux dont aucun effort n'a été fait pour que les deux clientèles puissent en profiter. Les exemples de jeux qui ont trouvé la clé du succès dans une commercialisation bilatérale sont pourtant nombreux. On pourrait citer Les Chevaliers de Baphomet, Myst et Riven, par exemple, qui ont cartonné sur PC, Mac et Playstation tandis qu'un The Last Express, sorti à la même époque et somptueux, échouait lamentablement en raison, on peut le penser, d'une distribution limitée aux micros. On peut aussi évoquer le cas de Diablo, gros succès sur PC, puis sur Playstation, qui réussissait l'exploit d'être tout aussi jouable au pad qu'au clavier, convaincant les adeptes de l'un ou l'autre qu'ils avaient en main l'instrument idéal pour ce type de jeu !

Si ces jeux ont réussi sur les deux formats, c'est parce qu'ils furent adaptés avec sérieux, en tenant compte de leurs différences techniques et ergonomiques.

Les 128-bits : état des lieux

Les joueurs sur console ont-ils besoin d'un standard ?

A l'approche des fêtes noël 2002, les constructeurs de consoles se livrent une guerre sans merci, et multiplient les promotions kamikazes, et même si on sait que la Playstation 2 restera devant, les autres sont prêts à s'étriper pour avoir le monopole sur les miettes. Une effervescence incroyable se fait sentir chez les développeurs qui travaillent sur les trois consoles du moment. Côté PC, c'est une sorte de routine qui s'est installée, que d'aucun considèrent comme un marasme. Le tri a définitivement été fait par les éditeurs, avec la bénédiction de la presse spécialisée, entre les genres qui se doivent d'être cantonnés au PC et ceux dont le public console est seul demandeur. Les différences que doivent présenter les versions d'un même jeu sur les deux supports font également l'objet d'un certain consensus.

Wild_Cat : Choisir entre la version console et ordi d'un jeu qui sort sur les 2 supports, c'est facile : si les deux versions sont rigoureusement identiques au niveau contenu (ou à peu de choses près, comme GTA3, un poil plus beau sur PC) j'achèterai celle dont le système de contrôle est le plus intuitif. Les jeux de bagnole se jouent mieux au pad analogique qu'au clavier, et pour les FPS et RTS, c'est le contraire. Globalement, j'aurai plus tendance à acheter la version PC, parce que les versions PC sont en général plus riches que les versions console (exemples: Morrowind, où l'éditeur qui a servi à faire le jeu est livré avec la version PC; Unreal Tournament à cause du mode multijoueur)

Alors sur PC les RTS, les FPS et les MMORPG se suivent et se ressemblent beaucoup, sauf dans la forme, toujours plus élaborée. Tous ces jeux ne tiennent pas les promesses faites il n'y a pas si longtemps par des chef-d'oeuvres comme Half-life, Starcraft, Baldur's Gate ou Deus Ex, qui semblent a posteriori marquer l'apogée créative du jeu micro.

Quand aux grands acteurs qui président à la destinée du standard, ils ont gommé toute allusion au jeu de leurs campagnes communication/marketing. Il faut voir les pubs Intel et Microsoft où on insiste plutôt sur le montage vidéo, l'Internet, la musique, la gravure etc... bref, le retour à la fameuse micro-informatique familiale des années 80 remise au goût du jour.

A cette pluralité remarquable qu'il a acquise en tant que machine à tout faire (dont la fiabilité et la convivialité deviennent enfin probantes) et au piratage qui continue de lui donner des allures de pourvoyeur en frissons gratuits, on peut ajouter au crédit du PC l'émulation, phénomène qui lui est encore propre (même si la Dreamcast le permet aussi et ce sera le cas tôt ou tard pour la XBox), ainsi que le jeu en réseau local ou sur Internet auquel il donne encore une dimension inimaginable sur console. Ces deux façons de jouer sont si étroitement liées à l'histoire de la micro-informatique que les consoles ont bien du mal à y prendre part, même si techniquement elles en sont capables.

La X-Box : Pourra-t-elle renier ses origines ?

Les joueurs dévolus entièrement au PC (dont le nombre diminue) semblent se satisfaire de ce relatif immobilisme et jouent tranquillement à Neverwinter Nights, UT2003 ou Mafia sans trop se soucier de ce qui se passe ailleurs, les plus frustrés d'entre eux (ou ceux qui jouent un peu moins qu'avant) ayant depuis quelque temps déjà franchi le pas vers la console. D'autant qu'avec la XBox on a affaire un produit dont l'identité reste à définir, et qui pourrait bien se situer quelque part entre la console et le micro pour joueurs. Pour survivre, elle devra être rassembleuse et réussir là où la Dreamcast a échoué sans avoir eu sa chance (du reste elle en pérpétue l'héritage ludique).

CBL : Un jour, un pote a ramené une Dreamcast, 4 manettes et Power Stone 2. Ca a été la révélation. Le mois qui suivait, j'avais ma DC après avoir revendu une partie de mes jeux et de mes DVDs. Depuis, le pc me sert pour l'émulation, les jeux en réseau et le download. Pour le reste, je suis passé au 100% console : Pas de problème d'évolution technique (on en rachète une nouvelle tous les 3-4 ans) ni de problème de drivers.
Idéal pour passer une bonne soirée ou découvrir les dernières perles japonaises, les consoles sont l'avenir du jeu vidéo.

Bruno : Je me souviens du temps où mon Amiga 500, ma Megadrive et ma SNES cohabitaient dans un bonheur parfait. A l'ascension du PC, j'ai choisi mon camp : les consoles. Pourquoi ? Tout mes genres favoris y sont. Je trouve que les PC proposent peu de variété alors que sur consoles, tout type de joueur trouve son compte. Pour moi, les jeux vidéos sont en grande majorité japonais. Je joue beaucoup sur PC également, mais pour la sacro-sainte émulation. Voila, je pense que beaucoup de joueurs se retrouvent dans mon discours.

La Game Cube n'a pas fini de surprendre

Les consoles de salon actuelles voient défiler des dizaines de titres et un effort créatif sans précédent initié sur Dreamcast, qui commence même à attirer vers les jeux vidéo l'intelligentsia culturelle. On ne se demande plus s'ils sont intéressants ou débilitants, désormais on s'interroge plutôt sur leur statut artistique, et les titres qui jouent la carte de la provocation ou de la contre-culture commencent à passer pour ringards. Mais force est de constater que ces nouvelles considérations portent désormais essentiellement sur l'actualité console. Il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas admettre que c'est là que les choses importantes se passent (que l'on soit pour ou contre cette évolution), et pas du côté PC où on en reste à tort ou à raison aux formules éprouvées.

Metal Gear Solid 2 : Le jeu vidéo revoit ses prétentions à la hausse

La tendance est installée, et après le grand crash du début des années 80, il se pourrait qu'une autre grande extinction ait lieu, cette fois inversée. La tentative de percée de Microsoft sur le marché des consoles a-t-elle pour but de réagir à la chose, la provoquer ou l'éviter ? Pour l'instant, nul ne peut le dire avec certitude.

Conclusion

Après tout, peut-être que la complémentarité des consoles et des micro-ordinateurs est une bonne chose, qu'elle aura permis aux deux de traverser les deux dernières décennies sans jamais cesser de fasciner le public, encourageant les créateurs de jeux à rivaliser d'efforts. Mais l'absurdité de ce cantonnement est étonnante, et ne laisse pas de poser des questions sur les aspirations d'un grand public décidément insaisissable. Aujourd'hui les données sont plus complexes. Tout ne se résume plus à un simple antagonisme entre une façon de jouer et une autre, et les considérations financières faussent bien souvent les choses. Rarement l'avenir des jeux vidéo aura-t-il posé autant de questions passionnantes qu'en cette fin d'année 2002.

Yoshi : Je ne vois pas trop le dilemme entre ordis et consoles car les deux sont complémentaires et provoquent les mêmes effets (le plaisir de jeu !). En fait, pour moi, le plus grave dilemme c'est de choisir entre manger ou se payer la console et l'ordinateur à la mode.

Laurent
(16 novembre 2002)
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