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Cursed Castilla
Année : 2016
Système : 3DS, Windows, Playstation 4, Switch, Xbox One
Développeur : Locomalito
Éditeur : Abylight Studios
Genre : Action / Action / Plate-forme
Par Simbabbad (11 décembre 2021)

Depuis 2010, le "rétro" est revenu en force : alors qu'ils étaient auparavant marginalisés, le pixel art, la 2D, la logique ludique des salles d'arcade, etc. sont tour à tour (re)devenus acceptables, puis à la mode, puis totalement banals, et c'est très bien ainsi. Mais quand on examine de plus près la "vague rétro" des années 2010, cependant, on remarque que beaucoup de ses jeux s'inspirent certes du rétro, y puisent leur inspiration, mais n'adhèrent pas vraiment aux caractéristiques de leur époque de référence.

Ainsi, Bit. Trip Beat va bien au-delà d'un simple jeu Atari 2600, Fez se révèle sur le fond davantage un jeu en 3D qu'un jeu en 2D, Super Meat Boy ne gère pas du tout son level design et sa difficulté comme un jeu de plateformes 8-bit ou 16-bit, même chose pour Spelunky et son level design généré aléatoirement, etc. - tous ces jeux auraient très fortement détonné s'ils étaient sortis à l'époque à laquelle ils rendent hommage.
À l'inverse, au lieu d'être "néo-rétro", quelques jeux ont fait le choix (et pris le risque) d'entièrement embrasser le rétro, au point où leur sortie n'aurait choqué personne dans les années 1980 ou 1990. L'exemple le plus connu de cela, c'est bien sûr Megaman 9, qui a beaucoup surpris en 2008 avec son imitation parfaite d'un jeu NES, mais il y a d'autres exemples, dont Maldita Castilla...

Maldita Castilla est un jeu du programmeur espagnol indépendant Locomalito, sorti originellement en 2012 sous la forme d'un simple fichier compressé distribué sur le site de l'auteur, puis ressorti en 2016 en version améliorée et payante sur divers supports (consoles de salon, PC, consoles portables dont une très bonne version 3DS qui gère bien le relief), et rebaptisée pour l'occasion Cursed Castilla. Il faut signaler qu'à l'inverse d'autres jeux gratuits devenus payants, Maldita Castilla est resté disponible au téléchargement sur le site de son auteur même après la sortie de Cursed Castilla.

À peine démarré, on date Cursed Castilla comme un jeu d'arcade de la seconde moitié des années 1980 : il simule le boot d'une borne d'arcade, et sa réalisation, son esthétique, sa musique, sa logique ludique, sa présentation semblent toutes immédiatement familières, et pour cause : le jeu s'inscrit très précisément entre Ghosts'n Goblins (1985) et Ghouls'n Ghosts (1988) dont il reprend ouvertement les grandes lignes - le jeu vidéo évoluait vite à l'époque, et on pourrait situer le jeu en 1986 ou 1987, comme une sorte d'épisode officieux intermédiaire produit par une société concurrente de Capcom. En fait, l'affiliation saute tellement aux yeux que les critiques ont résumé le jeu de façon très lapidaire lors de sa sortie, affirmant que c'est en gros Ghosts'n Goblins et voilà tout. Pourtant, les choses sont beaucoup plus subtiles que cela, et il me semble d'ailleurs que l'on a un peu oublié ce qu'était Ghosts'n Goblins et ses suites - voilà une excellente occasion de réaliser une analyse comparée !

Le duo à l'origine de Maldita Castilla : Gryzor87 (Javier Garcia) signe les musiques et Locomalito (Juan Antonio Becerra) le game-design, les graphismes et la programmation en utilisant le logiciel GameMaker. Actif depuis 2008, les versions PC des jeux de Locomalito sont disponibles gratuitement sur son site locomalito.com. Tous sont d'inspiration rétro et chacun se réfère à un système, une époque ou une série de jeux, en respectant strictement le style et les contraintes techniques. Certains de ces jeux ont été commercialisés, portés sur consoles ou exploités dans des salles d'arcade, parfois dans des versions améliorées, sans que le freeware d'origine cesse d'être distribué. Cursed Castilla, la version payante de Maldita Castilla, comporte deux niveaux supplémentaires situés en milieu de progression (l'un des niveaux existant est également prolongé et nettement repensé) et divers ajustements de gameplay.

Makaimura

Dans leur contexte, Ghosts'n Goblins et Ghouls'n Ghosts faisaient partie du meilleur de l'arcade : leur réalisation graphique et sonore, leur sens artistique, leur rythme, leur variété, leur gameplay, etc. étaient largement au-dessus du lot. Les deux jeux sont franchement similaires, le second est en quelque sorte un remake du premier en bien plus beau, en plus spectaculaire et en plus souple, et ils partagent avec Cursed Castilla de nombreux fondamentaux : le thème (un preux chevalier doit sauver un royaume médiéval de revenants et de démons, se taillant un chemin jusqu'aux Enfers où il devra occire une entité diabolique), le gameplay (on projette des lances ou d'autres armes blanches sur les ennemis et on effectue des sauts rigides permettant de sauter dans un sens tout en attaquant dans l'autre), la structure "arcade" plutôt linéaire comptabilisant les vies et les continues ainsi que le score amassé, et le concept de "vraie" fin obtenue selon certaines conditions (dans le cas des jeux de Capcom, gagner le jeu deux fois afin de dénicher la bonne arme contre le boss final lors de son second parcours).

Mais Ghosts'n Goblins (ci-dessus) et Ghouls'n Ghosts (ci-dessous) ont des caractéristiques plus spécifiques qui les distinguent de Cursed Castilla et d'une partie du reste de la série Makaimura (de son nom japonais), à la fois sur le fond et la forme.

Pour ce qui est du fond, c'est-à-dire le gameplay, le défi des deux bornes d'arcade repose en effet sur une formule bien précise :
  • D'abord, il y a un level design soigné mais assez simple, avec un décor plutôt aéré et des ennemis et obstacles scriptés.
  • Ensuite, les jeux greffent une part d'aléatoire par-dessus cette simplicité : dans beaucoup de leurs sections, des hordes ennemies apparaissent ici ou là au hasard sans discontinuer et sans que l'on puisse stopper leur arrivée ; et en plus de cela, certains ennemis se comportent de façon semi-aléatoire, les rendant assez difficiles à anticiper.
  • Enfin, le level design se permet parfois des coups en traître (pour rester poli) impossibles à prévenir lors des premières parties, imposant au joueur d'apprendre leur emplacement par cœur.
Bien entendu, le plus significatif, ici, c'est le second point.

On l'a un peu oublié, mais bien avant la mode du Rogue-lite, beaucoup de jeux des années 1980 ont expérimenté avec l'aléatoire (Berzerk) ou avec des comportements ennemis assez difficilement prédictibles : par exemple, on ne sait jamais quel trajet exact vont prendre les tonneaux ou les flammes dans Donkey Kong, et contrairement aux jeux Pac-Man plus récents, les fantômes du Pac-Man de 1980 font parfois brutalement demi-tour (ça déconcerte quand on est habitué à Pac-Man CE). Cette logique était plutôt répandue à l'époque, puis elle a disparu au profit de schémas de déplacement ennemis extrêmement simples et lisibles, en même temps que le level design est devenu plus riche, plus chargé, et davantage mis en scène.

Dans Ghosts'n Goblins et Ghouls'n Ghosts, l'aléatoire structure l'expérience : on est constamment harassé par un afflux continu de zombies, par des tentacules végétaux qui sortent soudain du sol et ondulent erratiquement, par des chauve-souris enflammées matérialisées brutalement par des éclairs flamboyants, par des tortues de pierre aux rebonds imprévisibles... on est on déconcerté face à des cyclopes qui peuvent nous sauter dessus d'un seul coup sans crier gare, face à des trolls qui vagabondent et squattent les extrémités des échelles, face au célébrissime diable rouge ailé qui nous fait tourner en bourrique, etc.

C'est ce sentiment constant d'être débordé, de devoir toujours être aux aguets sans pouvoir souffler, qui définit avant tout les deux jeux d'arcade - renforcé bien évidemment par leur difficulté légendaire : ces jeux veulent nous tuer, il n'y a aucun doute là-dessus. Naturellement, on connaît tous la logique de l'arcade : pour que le joueur remette des pièces, il faut bien qu'il perde, mais ici on va largement au-delà d'une simple contrainte de rendement...
J'ai beau avoir personnellement beaucoup d'affection pour Ghosts'n Goblins, après deux niveaux mémorables, soignés, variés, difficiles mais équilibrés, les quatre restants ne sont qu'un amas d'escaliers, de plateformes et d'échelles grisâtres et maronnasses génériques, un bête parcours du combattant bourré à l'excès d'ennemis pour la plupart déjà vus et aux combinatoires infernales, avec un objectif limpide : "il est l'heure de mourir" ! Même avec la fonction de rembobinage de Capcom Arcade Stadium, finir la première boucle a été pour moi étonnamment compliqué, après quoi le jeu annonce tranquillement qu'il faut le battre une seconde fois, un procédé grossier pour doubler à vingt minutes son contenu de dix minutes (en speedrun).
Ghouls'n Ghosts, quant à lui, a une difficulté nettement moins hyperbolique : il démarre de façon encore plus agressive avec un premier niveau tout de suite très brutal, mais il ne grimpe pas jusqu'aux mêmes sommets absurdes, et son level design reste très travaillé et créatif tout au long de ses quinze minutes (en speedrun, ici aussi à faire deux fois pour trente minutes en tout). Le jeu a une présentation beaucoup plus impressionnante que Ghosts'n Goblins, avec de jolis effets de mise en scène qui sont d'ailleurs exploités pour faire partie du défi (quelques pièges impossibles à prévoir, cf. le troisième point décrit ci-dessus).

Caractéristique étonnante de la série : les armes alternatives que le héros peut collecter, trouvées dans des coffres ou laissées au hasard par des ennemis battus, sont généralement moins bonnes que notre arme par défaut ; elles font donc partie de la difficulté puisque l'on peut parfois se retrouver dans des configurations où l'on est obligé de s'équiper d'une mauvaise arme !

Trois ans après Ghouls'n Ghosts, la série Makaimura a quitté les salles d'arcade pour les consoles de salon et a choisi d'altérer sa formule avec Super Ghouls'n Ghosts (ci-dessous), sorti sur SNES en 1991, puis sur Saturn et PlayStation en 1998 dans la compilation Capcom Generation 2 (où le jeu échappe aux ralentissements de la SNES). Sur consoles, la série se met à moins reposer sur son aléatoire (et donc sur les réflexes) et davantage sur le "par cœur", avec une mise en scène punitive qui impose un rythme plus lent, pour une difficulté toujours aussi élevée mais aux fondamentaux différents de ceux des jeux d'arcade.

Cette nouvelle formule sera elle-même modifiée quinze ans plus tard en 2006 sur PSP avec Ultimate Ghosts'n Goblins, qui lui aussi structure son défi autour d'un level design oppressif et pointilleux, mais sans les soucis de rythme du jeu SNES : l'action s'y révèle beaucoup plus nerveuse et le gameplay y est incomparablement moins linéaire, introduisant d'ailleurs dans la série des éléments d'exploration, de collecte, de quêtes secondaires et d'allers-retours, mêlant die & retry, arcade, plateforming et aventure. Là encore, le jeu est malgré les apparences assez éloigné de la logique originelle des salles d'arcade...

Si la série Makaimura se distingue ainsi par son gameplay (à mettre au pluriel si on inclut les jeux sur consoles), elle sait aussi le faire avec son univers malgré son usage des clichés : son héros est Arthur (même s'il est écrit "Sir Michael" sur la borne d'arcade américaine de Ghosts'n Goblins), un chevalier amoureux de la princesse Prin-Prin - au début de chaque jeu, celle-ci est enlevée par des démons sous les yeux d'Arthur, qui doit alors aller la chercher littéralement jusqu'en Enfer...

L'alibi est simpliste, et l'opus original de la série le traite de façon assez sobre : on y retrouve en effet un contexte ressemblant au Moyen Âge européen, avec des lieux et ennemis correspondant plutôt à ce folklore, même si l'on devine assez facilement que des mythes japonais se cachent derrière le vernis occidental (les dragons gardant le chemin des Enfers, par exemple, sont japonais). Mais dès Ghouls'n Ghosts, les choses deviennent étranges : on voit des guillotines dans son premier niveau (inventées comme chacun sait lors de la Révolution française), puis des fourmillions géants (!), puis ça s'emballe avec des masses organiques et des vers mutants que l'on aurait davantage imaginés dans un jeu Resident Evil ou Metroid !
Ce kitsch était loin d'être rare dans les années 1980, souvenons-nous du film Ghostbusters où les fantômes excrètent du slime radioactif, et où leur capture se fait au canon à protons alimenté par énergie nucléaire : les tons, les époques, les cohérences, les cultures, les références, etc. se mélangeaient alors dans un joyeux foutoir coloré et grotesque. Makaimura fait un peu la même chose, ses auteurs nippons inventant un monde médiéval étrange aux démons mi-européens mi-japonais, avec une bonne dose d'humour en prime : notre preux chevalier Arthur se retrouve ainsi en simple caleçon (!) après avoir subi un coup le privant de son armure ! Les jeux sur consoles ont encore accru cette logique kitsch, avec par exemple des ptérodactyles (!) qui agressent Arthur dans Ultimate Ghosts'n Goblins ! On va le voir, ce ton excentrique ne se retrouve pas du tout dans Cursed Castilla...

Cursed Castilla

On l'a dit : Cursed Castilla se présente comme un jeu d'arcade et revendique sa parenté avec les deux premiers Makaimura.

Dès la partie commencée, tout est fait pour rappeler les deux jeux de Capcom : son héros, Don Ramiro, ressemble énormément à Arthur et se contrôle de façon analogue ; il ne doit pas sauver une princesse mais doit lui aussi aller jusqu'aux Enfers (ici, le but est de lever une malédiction qui a ouvert le portail des Enfers et causé une invasion de la Castille par les légions infernales) ; la carte montrant notre parcours lors des huit niveaux du jeu s'affiche en interlude de l'exacte même façon que dans Makaimura ; le tout premier niveau fait directement référence au traditionnel début des Makaimura (des morts-vivants sortent de terre dans une lande désolée) ; même la musique (excellente, composée par Gryzor87) rappelle au départ Ghosts'n Goblins...

On trouve donc vite ses marques, et dans un premier temps, rien ne paraît dissiper cette impression de similitude : les décors très sobres et le level design net et géométrique du jeu évoquent Ghosts'n Goblins plutôt que Ghouls'n Ghosts même si ils sont beaucoup plus variés et détaillés ; Don Ramiro est un petit peu plus souple que Arthur puisque l'on peut très légèrement altérer sa trajectoire de saut, il peut aussi grimper aux cordes et lancer ses armes verticalement comme dans Ghouls'n Ghosts... la nature des ennemis (dont certains sont des clins d'œil évidents à Makaimura), le rythme, la difficulté - rien ne semble vraiment détonner.

Pourtant, alors que l'on progresse et que l'on accumule les parties, les différences finissent par sauter aux yeux pour peu que l'on soit attentif à ce genre de choses ; et on réalise qu'en réalité, AUCUNE des caractéristiques majeures de Makaimura évoquées plus haut ne s'applique à Cursed Castilla !

Le plus flagrant, c'est l'aléatoire : on a déjà expliqué à quel point l'aléatoire était fondamental dans la série de Capcom, alors que Cursed Castilla ne comporte strictement aucun aléatoire, ni dans l'apparition des ennemis, ni dans leur comportement : tous les ennemis et obstacles apparaissent de façon soigneusement scriptée à l'avance, immuable comme du papier à musique, et ils ont tous des schémas très intuitifs, compréhensibles en quelques secondes et faciles à anticiper. Non seulement cela, mais le jeu comporte très peu de générateurs d'ennemis, et les rares fois où ceux-ci apparaissent, ils sont assez facilement destructibles ou finissent par s'épuiser tous seuls. On est donc ici aux antipodes des bases de Ghosts'n Goblins et Ghouls'n Ghosts !

Mais Cursed Castilla est également très éloigné de Super Ghouls'n Ghosts et Ultimate Ghosts'n Goblins...

En effet, si Cursed Castilla repose lui aussi d'abord sur son level design, il n'est absolument pas un jeu "die & retry" : son défi ne nous prend jamais en traître, et le tempo y est rarement imposé - aucun coup n'arrive par surprise, et Don Ramiro reste toujours plutôt libre de ses mouvements et de son rythme ; le jeu ne sacrifie donc jamais la lisibilité, l'initiative ou le fair-play pour la mise en scène ou un pic de difficulté.
Et si le jeu comporte un peu plus d'exploration que les Makaimura des salles d'arcade ou que celui sur SNES, il n'adopte pas du tout la structure de Ultimate Ghosts'n Goblins : l'exploration de Cursed Castilla consiste en de petits détours nous permettant d'obtenir des bonus ou de collecter cinq "larmes" nécessaires pour atteindre la "vraie" fin du jeu ; alors que sur PSP, il s'agissait d'une grande quête à la Metroid où des capacités débloquées ouvraient des passages dans d'anciens niveaux où il fallait alors retourner - Cursed Castilla, lui, conserve toujours la structure simple, intuitive et linéaire d'un jeu d'arcade...

La gestion des bonus et des armes suit le même type de logique : ils ne dépendent pas d'un tirage aléatoire, ce sont toujours les mêmes qui apparaissent aux mêmes endroits, et les armes s'obtiennent en ramassant toujours le même powerup rouge qui "cycle" lentement en nous proposant alternativement tout l'arsenal du jeu - on peut ainsi mémoriser le level design et choisir librement ses armes et sa stratégie, à affiner partie après partie.

Malgré l'hommage explicite, malgré les ressemblances, les sensations n'ont donc absolument rien à voir : Makaimura se définit entièrement par l'excès, qu'il s'agisse de la surcharge d'ennemis générés aléatoirement, des comportements ennemis cryptiques, des "bonus" qui nous compliquent la vie, ou de l'hostilité du level design - la série nous provoque, nous punit, nous nargue, ce qui paradoxalement la rend attachante ; alors que Cursed Castilla gère son défi comme un gentilhomme, en Pierre de Coubertin du jeu vidéo - tout y est clair et aéré, simple, loyal, carré, transparent, posé, précis.
Quand on perd une vie dans un Makaimura, on insulte ses concepteurs en maudissant leur cruauté ("ah les [censuré]") puis on y retourne dans un esprit de revanche ; quand on perd une vie dans Cursed Castilla, on s'insulte soi-même en maudissant son incompétence ("mais quel imbécile") puis on y retourne en étant persuadé que cette fois-ci on ne fera plus la même erreur : ça n'a aucun rapport, ni en ce qui concerne l'expérience, ni en ce qui concerne les dynamiques de jeu.

Chacun des deux modèles a ses mérites, le parti pris d'agressivité des Makaimura a d'ailleurs connu une renaissance étonnante autour de 2010 en se modernisant dans la très populaire formule du jeu "hardcore" (Super Meat Boy) ; mais dans le contexte du jeu d'arcade des années 1980, cette agressivité résultait surtout de contraintes tangibles : Cursed Castilla a beau pasticher une borne des années 1986 ou 1987, il n'aurait en effet pas été très rentable pour un exploitant de salle, il est bien trop gentil avec les joueurs... Contrairement aux Makaimura, Cursed Castilla a été conçu sans contraintes techniques, de temps, ou de rentabilité, c'est une œuvre originellement gratuite faite par un joueur passionné pour d'autres joueurs passionnés ; et donc, au lieu de laisser les joueurs se casser les dents sur son jeu (voire se décourager), Locomalito a préféré les conduire petit à petit jusqu'à la victoire grâce à la plus sublime courbe de difficulté que j'aie jamais vue dans une œuvre vidéoludique...

Comme on l'a déjà signalé, Cursed Castilla n'est pas un jeu facile, au départ il ne semble pas moins dur que Ghosts'n Goblins, mais il a le talent incroyable de rendre son défi toujours plus accessible pour peu que l'on s'en donne la peine, partie après partie. Cela s'explique, bien sûr, par la prédictibilité dont on a déjà parlé, mais pourtant, l'assurance croissante que l'on ressent alors que l'on persiste va bien au-delà du "par cœur", qui n'est d'ailleurs pas essentiel pour réussir : sans qu'on ne le réalise vraiment, l'air de rien, Cursed Castilla nous apprend à toujours mieux jouer, à maîtriser des segments dans lesquels ont mourait en boucle jusqu'à être capable de les franchir aisément sans prendre un seul coup - c'est très spectaculaire. Le level design est l'artisan de cette extraordinaire magie : sans pour autant nous ménager, il introduit ses nouveaux éléments très progressivement, d'abord dans un contexte simple, puis dans un contexte plus périlleux, puis en attaques croisées, etc. On finit ainsi par s'imbiber très naturellement de diverses mécaniques et astuces, et par acquérir les bons automatismes : bien gérer la vitesse d'apparition des ennemis dans l'aire de jeu, anticiper les schémas de déplacement et d'attaque desdits ennemis, connaître le nombre exact de coups nécessaires pour les vaincre, savoir esquiver leurs projectiles ou les attirer là où ça nous arrange quand ils nous visent, etc. - si en plus de cela on parvient à être rigoureux et méthodique, nos chances de survie s'améliorent très vite.

Cette clémence relative s'accorde avec la longueur du jeu : à peu près une heure en allant vite, contre quatre fois moins pour les jeux d'arcade de Capcom ! Une telle durée est complètement atypique pour une borne d'arcade ; Cursed Castilla repose donc beaucoup sur l'endurance et l'expérience, c'est un jeu que l'on conquiert patiemment, étape par étape.

En cela et dans sa construction, Cursed Castilla est finalement plus proche d'un jeu sur micro-ordinateur 16-bit (Amiga, Atari ST) que de l'arcade, même s'il montre heureusement plus de professionnalisme et un meilleur sens du game design (les jeux sur ces machines étaient souvent des démos techniques au gameplay bancal) ; on y retrouve le même type d'ambition, d'atmosphère, de rythme, avec un contenu extrêmement généreux (huit longs niveaux - deux de plus que dans Maldita Castilla - chacun divisé en plusieurs sections bien distinctes, une vingtaine de boss, une cinquantaine d'ennemis différents, quatre fins possibles, des secrets dissimulés ça et là, des méthodes alternatives lors des combats de boss). Ainsi, alors que Makaimura est typiquement japonais, Cursed Castilla est typiquement européen, et cela se retrouve dans son univers...

On l'a dit plus haut, la série des Makaimura a un univers assez kitsch, sorte de Moyen Âge fictif mêlant joyeusement les époques et les influences culturelles, et qui ne se prend pas vraiment au sérieux. Le Moyen Âge de Cursed Castilla est l'exact contraire de cela : un Moyen Âge sobre, enraciné dans un lieu, une époque et une culture réels et bien spécifiques, et qui garde tout au long de son récit un ton plutôt dramatique - ici encore, le jeu de Locomalito s'oppose décidément à ceux de Capcom...

L'histoire de Cursed Castilla se déroule en 1081 sous le règne de Alphonse VI de León, roi (véridique) de Castille : le pays était alors dévasté par la guerre, et au milieu du champ de bataille, une jeune femme nommée Moura pleurait son amoureux tombé au combat. Un vieux démon en forme de serpent apparut soudain, et lui proposa de faire revenir son amant depuis l'au-delà : Moura, naïve, accepta, et le démon prit alors possession d'elle, la métamorphosant en sorte de gorgone, puis changea ses larmes en cinq pierres magiques ouvrant un portail jusqu'aux Enfers. Depuis ce tunnel infernal béant, une armée démoniaque envahit aussitôt la Castille, et pour juguler cela, Alphonse VI de León envoya ses meilleurs chevaliers Don Ramiro, Quesada, Don Diego et Mendoza dans une quête pour fermer la porte des Enfers et stopper l'invasion.

Graphiquement, le jeu s'accorde parfaitement avec ce fond narratif : les paysages et les architectures (fenêtres gothiques, ruines d'aqueduc romain, châteaux médiévaux) correspondent effectivement au cadre de l'histoire, et le bestiaire comme le style visuel rendent magnifiquement hommage à l'imaginaire médiéval européen, ce qui est en réalité assez rare...

Ainsi, on affronte des basilics, une manticore, une tarasque, etc. dont la représentation reprend fidèlement le style des tapisseries, fresques et enluminures de l'époque - on est tellement habitué à ce que le Moyen Âge européen soit abâtardi par la littérature de fantasy, par le cinéma hollywoodien et par le jeu vidéo que le voir ainsi dans son propre contexte paraît merveilleusement exotique et dépaysant. Cursed Castilla ajoute d'ailleurs à Maldita Castilla un codex où tous les éléments du jeu sont répertoriés avec une grande illustration sur parchemin en pixel art (!) ainsi qu'une description manuscrite, renforçant l'immersion - nous voici donc à regarder sur écran plat une image imitant un tube cathodique qui elle-même représente une illustration médiévale sur parchemin !

Cet enracinement culturel se manifeste aussi dans l'action : une bonne partie des secrets peut ainsi être trouvée en s'agenouillant devant des croix, des statues de la Vierge ou des statues de saint, et quand Don Ramiro terrasse un boss de fin de niveau, au lieu de saisir une clef tombée du ciel comme Arthur dans les Makaimura, il attrape un crucifix en or et en pierreries, s'exclamant en brandissant son épée : "Pour Dieu et pour Castille" ! Le jeu suit en cela la logique des récits de chevalerie, tout particulièrement le Amadis de Gaule revendiqué par Locomalito comme inspiration majeure, et que l'on peut d'ailleurs sauver des flammes dans l'incendie de la bibliothèque du troisième niveau du jeu (rappelant irrésistiblement Le Nom de la Rose) où le boss est une version robotique, excentrique et anachronique de Don Quichotte.
Le jeu s'autorise en effet quelques clins d'œil décalés, surtout vidéoludiques et rétro : quand la tarasque (ressemblant à une tortue) est vaincue, elle rapetisse et tombe dans l'eau à l'instar de Bowser dans Super Mario Bros. ; les squelettes du troisième niveau explosent en myriades de projectiles osseux comme ceux de Mickey Mania ; les visages de pierre du même niveau qui crachent des projectiles bleus en forme de beignet sont une allusion évidente à Gradius ; les balles vertes qui se scindent en balles plus petites quand on les attaque dans le niveau de l'aqueduc viennent explicitement de Pang, etc. Ces facéties passent entièrement inaperçues quand on ne remarque pas le lien avec les jeux correspondants, et elles ne brisent donc pas l'immersion dans l'univers moyenâgeux du jeu, mais elles créent une jolie complicité entre auteur et joueur lorsque ce dernier parvient à les identifier.

Ainsi, la forme de Cursed Castilla est aussi éloignée voire antagoniste de celle des Makaimura que son fond vidéoludique ; je comparerais même cet écart à celui entre un objet d'art médiéval et une décoration en plastique pour Halloween !

Il nous reste désormais à détailler les modalités de Cursed Castilla : on l'a dit, le jeu est structuré à la façon d'une borne d'arcade comptabilisant le score, les vies et les continues - Don Ramiro peut encaisser deux coups avant de passer son arme à gauche, il dispose initialement de trois vies, et si les continues sont illimités, ils ont l'inconvénient de remettre le score à zéro. Jusque-là, rien d'inhabituel pour une borne d'arcade, mais le jeu a d'autres caractéristiques étonnantes : ses checkpoints sont plutôt fréquents, il y en a même à chaque boss (si on perd contre un boss, on reprend donc aussitôt le combat contre lui) ; et l'usage d'un continue ne nous renvoie pas au début du niveau, on recommence comme si on avait simplement perdu une vie, ce qui était extrêmement rare pour un jeu de ce genre dans les salles d'arcade des années 1980.

Ces caractéristiques étaient déjà présentes dans Maldita Castilla, mais Cursed Castilla est encore plus souple à l'avantage du joueur puisqu'il intègre la sauvegarde de notre progression : dès que l'on atteint un nouveau niveau, le jeu conserve le numéro du niveau, le nombre de continues déjà utilisés, et le temps mis pour arriver là - que l'on perde ensuite toutes ses vies sans continuer ou que l'on décide de revenir au menu principal ou que l'on quitte carrément le jeu, on pourra plus tard choisir de "continuer" pour reprendre le jeu à ce niveau dans les conditions d'une nouvelle partie (début de niveau, score nul, vies et équipement par défaut) mais en conservant les continues et le temps utilisés.
En pratique, cela facilite beaucoup d'objectifs qui ont pourtant l'air à priori très difficiles : par exemple, "ne pas utiliser de continue" n'implique pas qu'il faille battre le jeu d'une seule traite - on peut échouer, ne pas utiliser de continue, revenir au menu, puis choisir de "continuer" notre sauvegarde en recommençant au début du niveau en cours, autant de fois que nécessaire et sans sanction autre que la remise du score à zéro. De même, on peut revenir au menu pour recommencer un niveau dans lequel on aura raté un élément à collecter (une larme de Moura, par exemple), ou bien parce que l'on cherche à faire le meilleur "speedrun" possible et notre performance dans le niveau en cours ne nous aura pas satisfait : dans tous les cas, on n'a pas à tout refaire depuis le début, seule la quête du score doit obligatoirement partir de zéro.

Personnellement, malgré ma bonne volonté, je n'avais pas réussi à m'investir dans Maldita Castilla à cause de son absence de sauvegarde, sa longueur me semblait contradictoire avec sa structure tirée de l'arcade ; alors que j'ai pris beaucoup de plaisir en cherchant méthodiquement à atteindre les divers objectifs de Cursed Castilla.

Après avoir décroché sa meilleure fin et presque tous ses "succès", je suis devenu suffisamment bon au jeu pour m'attaquer à la quête du score voire au speedrunning, ce dernier nous amenant à voir le level design ainsi que l'arsenal de Cursed Castilla sous un angle complètement différent (je pense notamment à l'arme nommée "feu sacré", qui est une référence évidente à la fameuse "Sainte Grenade d'Antioche" de Monty Python : Sacré Graal !). Malgré un game design et une présentation assez simples et clairement old school, Cursed Castilla est ainsi spectaculairement complexe, copieux, rejouable, accessible, maniable, original, attachant et prenant. Sans gimmick ni la moindre transgression, ce jeu au départ distribué gracieusement fait pour moi partie des tout meilleurs jeux de la "vague rétro" de 2010, et est tout simplement un des meilleurs jeux du genre, à connaître absolument.

Ghosts'n Goblins Resurrection

Avant de conclure cet article, j'aimerais prolonger le survol de la série des Makaimura et sa comparaison avec Cursed Castilla avec quelques mots sur le dernier-né de la série de Capcom, Ghosts'n Goblins Resurrection sorti en 2021 sur PC et consoles. Lorsque Cursed Castilla est sorti en 2016, de nombreux critiques ont affirmé que le jeu modernisait Ghosts'n Goblins ou qu'il le remettait au goût du jour - on a vu que c'était en réalité complètement faux, et en jouant à Ghosts'n Goblins Resurrection, on s'en rend encore plus compte puisque le projet de ce jeu est justement de moderniser et remettre au goût du jour Ghosts'n Goblins et Ghouls'n Ghosts, pour un résultat encore plus antinomique à Cursed Castilla que les jeux d'origine !

Ghosts'n Goblins Resurrection est simultanément un nouvel opus de Makaimura et un remake conjoint de Ghosts'n Goblins et Ghouls'n Ghosts : tous les moments emblématiques des jeux sont repris (on remarquera d'ailleurs que seuls les deux premiers niveaux de Ghosts'n Goblins sont représentés, ce qui confirme ce que j'affirmais, à savoir que ce sont les seuls dignes d'intérêt), mais lesdits moments ont été considérablement enrichis, rallongés, remixés, repensés, etc. afin que les sept niveaux du jeu offrent une nouvelle expérience. De plus, le style artistique est ici inédit avec un rendu somptueux évoquant une fresque murale, animée d'une façon surprenante faisant ressembler les personnages et les obstacles à des pantins (avec quelques effets 3D ici et là), c'est magnifique en mouvement (et toujours parfaitement lisible).

Mais le plus important, dans Ghosts'n Goblins Resurrection, c'est le gameplay, qui tout en revenant aux bases de la série choisit pourtant de délaisser la structure ludique des salles d'arcade (vies et continues limités, importance du score) pour lui préférer celle du jeu "hardcore", déjà décrite plus haut comme extrêmement compatible avec l'agressivité et la surenchère consubstantielles aux Makaimura. Comme dans Super Meat Boy, il n'y a donc ici plus de compteur de vies ni de continues, on peut ressusciter sans limite (assez rapidement) aux nombreux checkpoints du jeu, qui sauvegardent d'ailleurs notre progression (on peut quitter le jeu, le redémarrer plus tard, puis sélectionner n'importe quel niveau déjà débloqué pour le reprendre au checkpoint où l'on l'avait laissé). Comme il est de tradition dans un Makaimura, on doit toujours gagner le jeu deux fois pour "vraiment" le vaincre, mais au lieu de tout nous faire rejouer à l'identique, Ghosts'n Goblins Resurrection imite encore Super Meat Boy en nous offrant cette fois une version "sombre" des sept niveaux pour le second tour, totalement remaniée pour être plus difficile avec de nouveaux ennemis, de nouveaux obstacles et une nouvelle ambiance, ce qui double effectivement la durée de vie.

L'adoption de la formule du jeu "hardcore" pour gérer la difficulté est l'idée maîtresse derrière Ghosts'n Goblins Resurrection, elle désinhibe les concepteurs du jeu qui lâchent les chiens (de l'Enfer) pour en faire l'épisode de Makaimura le plus Makaimura de tous les Makaimura : on retrouve ici au centuple toutes les caractéristiques de Ghosts'n Goblins et Ghouls'n Ghosts analysées plus haut - les ennemis sont encore plus nombreux et arrivent encore plus vite en se comportant de façon encore moins prévisible, et le level design est encore plus agressif avec plus d'événements qui surviennent brusquement (mais tout reste bien net et aéré, l'esthétique parvient à être claire et géométrique comme Ghosts'n Goblins alors qu'elle est plus détaillée que Ghouls'n Ghosts).

Même un ennemi aussi basique que le zombie, qui dans Ghosts'n Goblins a comme seul facteur d'incertitude l'endroit d'où il sort de terre, s'avère ici très difficile à anticiper : il peut mettre plus ou moins longtemps à s'exhumer, ou soudain trébucher alors qu'il avance vers nous (et donc, ralentir et éviter les coups en hauteur), ou au contraire accélérer mains tendues, ou sortir des flancs de falaise en arrière-fond au lieu de sortir du sol (pour ensuite tomber plus ou moins vite), etc. Tous les ennemis ont ainsi de petites variations de comportements face auxquelles on doit savoir réagir instantanément, même quand ils attaquent en masses parfois hétéroclites. Les boss, eux aussi, sont souvent déconcertants ; avec eux comme avec le reste, on ne peut pas simplement compter sur nos acquis : dans Ghosts'n Goblins Resurrection, on doit toujours rester extrêmement attentif.

Cette difficulté ahurissante est très efficacement contrebalancée par la formule du jeu "hardcore", mais aussi par d'autres aspects : Arthur est plus souple à manipuler qu'en salles d'arcade (les contrôles sont ici les mêmes que dans Ghouls'n Ghosts, avec la possibilité de lancer les armes verticalement, mais notre chevalier répond bien mieux aux commandes), le format 16/9 nous aide beaucoup à anticiper le level design, la créativité impressionnante du jeu et son sens du spectacle récompensent largement nos efforts et donnent tout du long envie de voir la suite, et surtout, un objectif de collecte est astucieusement intégré en parallèle de l'action "run and gun", enrichissant le level design avec un second niveau de lecture, augmentant la rejouabilité, et permettant au joueur d'adoucir la rudesse du défi avec un peu de farming...

La structure choisie rappelle Rogue Legacy : on peut jouer "à l'ancienne" en ignorant tout collecte, ou au contraire s'y investir en priorité afin de débloquer petit à petit des pouvoirs qui faciliteront notre progression. Ghosts'n Goblins Resurrection comporte en effet un arbre de compétences, un "Arbre de Brocéliande" qui abritait 229 fées avant notre aventure, mais qui s'est flétri après que toutes les fées aient fui suite à l'invasion infernale. Les fées sont dispersées dans les niveaux, certaines errent en pleine vue alors que d'autres sont cachées (on doit aller dans certains endroits pour les faire apparaître, ou attaquer certaines zones du décor, ou bien les trouver dans des coffres cachés).
Ces fées débloquent des pouvoirs magiques qui revitalisent les branches de l'arbre, donnant accès à de nouvelles compétences ; les pouvoirs peuvent être sélectionnés en cours de jeu avec les gâchettes puis actionnés en laissant le bouton d'attaque appuyé, comme l'activation des pouvoirs de l'armure d'or dans Ghouls'n Ghosts. Les capacités magiques sont très variées : changer en grenouilles les ennemis présents à l'écran, faire apparaître des feux follets qui protègent Arthur à sa gauche et à sa droite, attraper toutes les fées présentes à l'écran à l'aide d'un filet, régénérer l'armure d'Arthur, etc. Selon leur puissance, les pouvoirs exigent un certain temps avant d'être activés, et nous laissent incapable de réutiliser la magie plus ou moins longtemps. Dans beaucoup de sections, l'usage des pouvoirs change réellement la donne, mais encore faut-il débloquer et choisir les bons pouvoirs.

Il faut noter que la quête des fées n'est pas la seule collecte de Ghosts'n Goblins Resurrection : pour véritablement finir le jeu, en plus d'y rejouer en version "sombre", il faut aussi y dénicher dix-sept orbes démoniaques. La plupart des orbes s'obtiennent tout simplement en battant les boss du jeu, mais certaines sont plus complexes à collecter : un magicien spécial se tient dans un coffre noir caché au sein de chaque niveau ; après l'avoir tué, un portail vers une épreuve spéciale s'ouvre, qui peut contenir une orbe...

Pour que tout ce défi reste accessible à l'ensemble des joueurs, en plus de la quête des fées et des compétences qui vont avec, le jeu comporte quatre niveaux de difficulté : "Laquais" est pour les joueurs occasionnels puisque l'on y ressuscite illico là où notre corps est tombé (mais on n'y aura pas accès aux niveaux "sombres") ; "Écuyer" est le niveau par lequel le gros des joueurs devrait commencer, avec un défi équilibré pour un premier "run" (trois pièces d'armure avant d'être en caleçon, checkpoints fréquents) et l'accès complet au contenu du jeu (intégralité des succès compris) ; "Chevalier" propose un level design bien plus agressif et deux pièces d'armure au lieu de trois, et nous incite à n'utiliser qu'un checkpoint au milieu du niveau et un juste avant le boss (même si tous les checkpoints de "Écuyer" sont là) ; et "Paladin" est extraordinairement difficile, avec le même level design que "Chevalier" mais une seule pièce d'armure avant d'être en caleçon et seulement deux checkpoints par niveau.

Par défaut, le jeu suggère de choisir le niveau de difficulté "Paladin", d'où sa réputation d'être bien trop dur, mais pour peu que l'on choisisse un niveau adapté à ses capacités, le défi est très abordable - je dirais que "Écuyer" équivaut à peu près à la difficulté de Ghouls'n Ghosts joué avec des continues infinis et une sauvegarde à chaque checkpoint, ce qui n'est pas excessif. Les niveaux "sombres", quant à eux, sont joués alors que l'on a déjà accès à beaucoup de fées (et donc beaucoup de pouvoirs), ce qui encore une fois rééquilibre le défi.

Au final, Ghosts'n Goblins Resurrection est un jeu parfaitement conçu, qui à mon avis n'est pas seulement (et de loin) le meilleur Makaimura, mais qui est l'incarnation même de la série : tous les bons côtés de Makaimura sont ici sublimés au point d'éclipser l'entièreté des épisodes précédents, classiques ou plus récents... Et ce qui est passionnant à analyser, c'est que cette perfection s'obtient ici en adoptant un chemin diamétralement opposé à la démarche de Cursed Castilla : l'un accroît encore l'agressivité de ses racines "arcade" japonaises, l'autre privilégie une vision posée plus occidentale ; l'un modernise drastiquement sa formule afin d'en accentuer les traits, l'autre reste très old school et aurait pu sortir dans les années 1980 sans choquer personne ; l'un joue sur les réflexes et la performance du joueur, l'autre compte sur sa rigueur et son endurance ; l'un propose un univers outré presque parodique concrétisé à l'écran par un style artistique contemporain et original, l'autre reste extrêmement traditionnel à la fois dans ses visuels "rétro" et ses références culturelles, etc.

À partir d'un même archétype, Cursed Castilla et Ghosts'n Goblins Resurrection partent dos à dos dans des directions inverses aussi loin qu'ils le peuvent, mais chacun des deux jeux arrive cependant jusqu'à une brillante réussite. Pour moi, il s'agit des deux faces d'une même médaille d'excellence.

Simbabbad
(11 décembre 2021)
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Cet article a été publié initialement sur le blog de Simbabbad, à cette adresse.