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Souvenirs de Grospixeliens
Ce dossier est le récapitulatif d'un concours lancé début 2005 sur le forum de Grospixels. Il s'agissait pour les participants de raconter leur vie de joueurs dans un essai d'environ 4 pages. Cher lecteur, ne manque surtout pas de lire ces textes qui sont tous passionnants, vivants et la plupart du temps plein d'humour.

Les souvenirs de... JPB

Au commencement, tout au début, il y eut une petite étincelle... Presque rien. Eut-elle un impact sur la suite des évènements ? Je ne suis pas capable de l’affirmer. Ce fut une partie à Space Invaders, vers l’âge de 8-9 ans, dans un bistrot près de la gare de Lille, un soir ; je me rappelle que mon père était là, il me semble que ma mère aussi... Mais c’est flou. Tout ce dont je me rappelle avec certitude c’est que j’y ai joué, que j’ai vite perdu, mais que j’avais trouvé ça génial... Et mon père s’était amusé à me voir jouer à cette borne deux fois plus haute que moi. Alors, étincelle déjà liée à cette passion des jeux vidéo ou événement totalement indépendant ? Vu qu’il ne s’est rien passé pendant au moins les deux années suivantes... Je vous laisse juges.

La découverte et la période arcade (1980 – 1984)

En août 1980, mes parents (et donc forcément moi) partîmes à Clermont-Ferrand, capitale des Volcans. Pour que vous puissiez situer l’âge du petit gamin que je suis à l’époque, je n’aurai 10 ans que deux mois plus tard.

Je découvris dès la rentrée scolaire que, sur le chemin de l’école, se trouvait un bar-tabac appelé « Le Jean Bart ». Il m’est impossible de me rappeler pourquoi j’y suis rentré, ce qui est clair c’est que je devais être avec un copain de la résidence où j’habitais, parce que je n’aurais pas osé y aller tout seul ; en tout cas, dans le coin du bar se trouvait un flipper et un petit jeu « cocktail » : Space Panic.
Je flashai littéralement sur ce jeu : un petit bonhomme qui creuse des trous dans des murs pour se débarrasser de sales bêtes qui veulent le bouffer. Au début, le samedi midi en sortant de l’école, j’avais le droit d’aller y jouer une partie de mon argent de poche, avec l’accord de mes parents (à l’époque, la partie coûtait 2F, et pour 5F on avait trois parties) ; le problème c’est que, les semaines passant, je devins plutôt bon. Et si au début, je rentrais à la maison avec un petit quart d’heure de retard, vers la fin de l’année scolaire il m’arrivait de perdre pratiquement une heure... La dernière chose dont je me souviens à ce propos, c’est qu’une fois mon père décida de venir me chercher pour m’engueuler et me ramener à la maison parce que j’étais bien en retard, mais qu’en arrivant au « Jean Bart » il se rendit compte que son môme de 10 ans était en pleine partie acharnée, sous le regard admiratif de quatre ou cinq mecs de 30 ans... Et qu’au final, impressionné un peu malgré lui, il fut bien obligé d’attendre que je finisse ma partie ! Il m’avoua plus tard qu’il avait trouvé le jeu marrant, mais il n’eut pas ce déclic que j’avais ressenti. Dommage...

Mais rien n’est immuable, et le jeu fut finalement changé par un autre, ce qui provoqua un tollé et une pétition de la part de tous les joueurs pour qu’on le remette (il y eut même un affiche marquée « Rendez-nous notre Beeûûûte quotidienne », en rapport avec le bruit des monstres quand ils tombent dans un trou !) ; mais Space Panic ne revint pas. Avec le temps qui passait, et les jeux qui changeaient, le Monsieur qui venait installer les bornes, Francis, s’habitua à me voir traîner là ; on devint copains. Il me prévenait des jours où il amenait un nouveau jeu, et je m’arrangeais pour être là ; alors il ouvrait la trappe, actionnait le monnayeur plusieurs fois à la main, refermait le panneau et me disait : « Vas-y champion, dis-moi comment tu trouves ce jeu ! » Inutile de dire que je m’exécutais immédiatement, plein de parties gratuites c’était pas donné à tout le monde ! C’est dans ce contexte de parties offertes par l’installateur que je découvris – entre autres – Q*Bert, Buck Rogers, Defender, Magical Spot, Carnival, le flipper Caveman avec son petit jeu vidéo intégré... Et c’est dans ce bistrot que tout démarra réellement pour moi, que je tombai pour de bon dans les jeux vidéo. Accessoirement, le film « Tron » en 1982 ne fit rien pour arranger les choses, et à la fin de cette année-là j’étais définitivement accro.

Pendant ces années à Clermont-Ferrand, jusqu’en avril 1984, j’écumai en parallèle toutes les salles de jeu et la plupart des petits bistrots qui, tel « Le Jean Bart », proposaient un jeu vidéo. Ainsi, j’avais mon adresse pour jouer à Galaga, ou ailleurs à QiX ; des fois j’y allais avec des copains et on s’amusait ensemble. Je pense avoir connu pratiquement tous les jeux d’arcade de l’époque, à quelques rares exceptions près. Je ne sais pas combien de fric je claquai dans Pac-Man, Donkey Kong ou un peu plus tard Mad Planets ou Moon Patrol, mais je me tenais au courant des nouveautés, et je me débrouillais pas trop mal.

L’époque CBS (1984 – 1986)

Des amis que je me suis fait à l’époque, il m’en reste encore trois aujourd’hui, avec qui je suis toujours en contact malgré l’éloignement (vive Internet !) : Éric, Thibault et Cyril. C’est Éric qui habitait à l’époque près du « Jean Bart », il allait au même collège que moi (et il était en CM2 dans ma classe, c’est là qu’on s’était connus). Chez lui, je découvris une VCS Atari avec plein de jeux, comme Space Invaders, Joust, Keystone Kappers, Battlezone... Je trouvai ça excellent de pouvoir jouer aux jeux de café chez soi – même si visuellement c’était moins beau que dans les arcades. La vache, il m’en fallait une comme ça au plus vite ! Hé, papa, maman, vous savez quoi ? Manqué : mes parents ne furent pas très chauds, c’est le moins qu’on puisse dire. Résigné, j’abandonnai l’idée d’une console et j’achetai petit à petit quelques jeux électroniques : Tron, des Game&Watch comme Popeye et Octopus, le Packri Monster (clone de Pac-Man)... Chez d’autres copains, je découvris les joies et les jeux de la Vectrex, du Ti-99/4A ; dans le magasin de jouets « Le Petit Navire » que je fréquentais assidûment, ce fut la Vidéopac qu’on me laissait utiliser pendant des heures le mercredi après-midi... Le temps passait, je jouais en arcade, je jouais chez les copains, je jouais dans les magasins, j’avais mes petits jeux électroniques chez moi... mais toujours pas de console de jeux.

Jusqu’au jour où j’appris qu’on allait déménager. Je savais que j’allais me retrouver tout seul encore une fois pendant un bout de temps (c’était pas la première fois qu’on déménageait, mes parents et moi), et je relançai l’idée d’avoir une console de jeux à la maison. Mes parents capitulèrent pour le Noël qui précédait le déménagement : ils payèrent la moitié de la CBS ColecoVision (et moi je payai l’autre moitié) et je devins l’heureux joueur de Donkey Kong, Venture et Zaxxon chez moi ! Mes parents acceptèrent que j’utilise la petite télé portable qui servait pour les vacances, et du coup je jouais dans ma chambre sans monopoliser la télé du salon. Pendant des heures. Essayez d’imaginer ce que ça donne pour des gens qui ne jouent pas, d’entendre toute la journée le dandinement de Mario dans Donkey Kong ! Je les ai rendus à moitié dingues avec ça. Mais bon, ils firent contre mauvaise fortune bon cœur, heureux de me voir m’éclater avec ma console. Je n’ai cependant jamais réussi à les faire jouer à quoi que ce soit... Dommage...

En avril 1984 on déménagea donc jusqu’à Cannes. À partir de cette époque, ce fut un peu un tournant pour moi : je ne jouais pratiquement plus dans les arcades, mais j’étais à fond dans la Coleco. J’acquis ainsi sur une période de trois ans une vingtaine de cartouches pour la console, des titres inspirés de jeux de café comme Space Panic, Q*Bert, Burger Time... J’achetai pour mon anniversaire les Super Controllers avec Rocky, quelle baffe ! Joysticks excellents, jeu génial, vraiment la Coleco c’était une sacrée console. Ce fut à Cannes que mes parents m’aidèrent pour acheter l’Adam, l’ordinateur qui se branchait sur la Coleco. On en a bavé pour en avoir un qui fonctionne correctement, ce n’est pas mon pauvre père avec qui je fais des allers-retours Cannes - Nice le samedi matin, pour aller au magasin d’informatique en chercher un nouveau, qui me contredira... Mais quelle machine ! Le traitement de textes en français était réellement fantastique, j’écrivais sans arrêt, j’imprimais un peu moins parce que l’imprimante à marguerite faisait un boucan de tous les diables... Je me lançai dans la programmation en Basic, mais je ne fis pas de grandes choses et je n’osai pas toucher aux sprites, peek et poke... Enfin, je m’amusais bien quand même ! Vous savez, j’ai toujours la Coleco qui fonctionne à peu près, l’Adam par contre je ne l’ai pas branché depuis des années, je ne sais pas s’il est encore en état de marche. Je verrai bien un jour où j’oserai le sortir de son immense carton.

Le tournant Atari/Amiga (1986 – 1995)

En juillet 1985, je me retrouvai à Marseille. Au départ, rien ne laissait présager que je replongerais dans les jeux vidéo : je continuai avec la Coleco comme avant... En fait, l’année suivante je m’achetai une mobylette pour aller au lycée plus vite, mais bon : à Marseille c’était vraiment la guerre entre les mobs et les autos, alors au bout de deux mois je m’étais fait suffisamment de frayeurs (et mes parents avaient doucement viré au vert trouille), alors je décidai de la revendre. Et du coup, je récupérai des sous pour acheter un Atari ST à Noël ! Je suivis les conseils de Thibault, un autre copain de l’époque de Clermont-Ferrand, qui avait déjà un ST et qui l’adorait. Du coup je fonçai à la FNAC et j’achetai le seul Atari ST qui restait, le modèle d’exposition avec lecteur simple-face. Je rentrai avec, fin fou, et le seul jeu que je m’offris ce fut LE Flight Simulator 2, auquel j’avais déjà joué sur PC. Je commençai à l’époque à découvrir les joies du piratage de jeux : Airball, Sentinel, Goldrunner, Barbarian de Psygnosis, le Manoir de Mortevielle, de grands noms auxquels je jouais comme un dingue, ravi de trouver une telle qualité visuelle et sonore en comparaison de la Coleco ! Je découvris petit à petit les joies du graphisme avec Degas Elite, de la musique avec Music Studio... Bref je m’éclatais, pas d’autre mot, et j’étais super content d’avoir le ST, même si j’avais quelques petits problèmes techniques avec. Je me rendis compte plus tard que le lecteur simple-face m’empêchait d’avoir tous les jeux piratés en double-face, mais c’était pas grave : des jeux comme Carrier Command, Dungeon Master, Starglider 2, étaient tellement géniaux que je les achetai. C’est à cette époque que je rencontrai un autre copain avec qui je suis toujours en contact également, Christophe, et on se mit à la musique synthé ensemble.

En 1988 je débarquai à Nancy, et aux grandes vacances de l’année suivante, mon BAC en poche, j’allai retrouver mes copains à Clermont. Chez Éric, je découvris l’Amiga 500 : ce fut la claque. Les jeux ressemblaient pour la plupart à ceux du ST, mais les musiques étaient à tomber par terre, en comparaison l’Atari ST semblait ne produire que des crachouillis ! Je craquai, je revendis mon ST à mon cousin et à Noël 1989, c’est un Amiga 500 flambant neuf que j’étrennai. Je connus alors la période informatique la plus productive de ma vie : je jouais comme un fou, avec des jeux que j’avais parfois déjà connus sur ST (je rachetai même des hits tels que Dungeon Master ou Carrier Command) ou de nouveaux comme Blood Money, Turrican, Hybris, Shadow of the Beast, Dune 2 (ahlala, mes pauvres parents qui entendirent « À vos ordres / Bien compris » pendant des semaines), j’enregistrais les plus belles musiques de jeux sur K7 pour les écouter... Je continuais à dessiner avec Deluxe Paint et Sculpt 4D, je composais des trucs avec Noisetracker et Bars’n’Pipes, je retrouvais les joies du traitement de textes avec Excellence!, c’était vraiment le top. Ensuite je passai à l’Amiga 1200 en 1992. Petite déception : l’incompatibilité avec pas mal de jeux qui tournaient sur Amiga 500, mais tant pis, il fallait avancer. Pour tout ce qui acceptait de tourner sur cette machine, c’était encore mieux, plus rapide, plus impressionnant, mais ça ne me suffisait pas et j’achetai l’année suivante un disque dur externe et une carte accélératrice 3D avec de la mémoire en plus. Je vous prie de croire que ça dépotait, et j’en profitais un max. Oui, l’Amiga c’était vraiment l’âge d’or pour moi dans les jeux vidéo, celui où je découvris le plus de choses et où je fus le plus impressionné.

La domination du PC (1995 - ?)

En 1995, je dus suivre une remise à niveau pour pouvoir suivre une formation d’analyste-programmeur. Évidemment, pas d’Amiga dans les salles de cours, mais des PC avec Windows 3.1. Je connaissais un peu l’univers PC et DOS grâce au PC de bureau de mon père, alors je ne fus pas complètement largué, et je m’attaquai tout seul dans mon coin à des trucs tels que Word, Excel, Powerpoint... La remise à niveau s’acheva en juillet mais je restai bosser avec les profs quelques mois, sur un projet réalisé avec Designer : c’est là que je découvris les joies du dessin vectoriel, ça changeait de Deluxe Paint 4. Et à la fin de l’année, je dus me rendre à l’évidence : pour pouvoir bosser convenablement à la maison pendant ma formation, il me fallait un PC. De là découlèrent deux choses : 1/ je n’avais pas assez de sous et 2/ je n’avais pas la place. Je dus, à mon grand regret, me séparer de mon Amiga 1200. Je revendis la carte accélératrice à quelqu’un, et l’Amiga avec toute sa panoplie de disquettes, joysticks, disque dur et docs à un ancien copain de Terminale. J’avais maintenant des sous, de la place, je pouvais prendre mon premier PC : un Pentium 100 avec 8 Mo de mémoire et 1Go de disque dur... Le top de l’époque quoi !

On va maintenant ralentir, si vous le voulez bien, je n’ai pas l’envie de vous décrire par le menu toutes les évolutions de PC, simplement tout augmente. Ce qu’il faut retenir, c’est que je jouais toujours autant. Je découvris les titres que tout joueur sur PC connaissait, j’en achetai pas mal d’ailleurs : Half-Life, Tomb Raider, les Star Wars, X-Files... Je dessinais beaucoup moins, je ne faisais plus de musique, au profit de la bureautique. Et puis un jour je tombai sur Mame. Quelle joie de retrouver non pas des conversions des jeux que j’adorais en arcade, mais les vrais jeux ! Arkanoïd, Pac-Man, Donkey Kong... Tout ça chez moi, et les originaux !! Je n’en revenais pas. J’en profitai beaucoup, mais pas au détriment des jeux de l’époque non plus ; disons que je m’amusais principalement aux jeux PC et par moments sur Mame. Un ou deux ans plus tard, ce fut la baffe WinUAE : un émulateur Amiga qui fonctionnait lui aussi sur PC ! Incroyable !

Mais le malaise était toujours là, le regret de ne plus avoir mon Amiga 1200. Je me lançai fébrilement dans la recherche du gars à qui je l’avais vendu, j’arrivai à le retrouver alors que je n’avais plus le moindre contact depuis des années, et je le lui rachetai. Je retrouvai ainsi en 2002 MON Amiga 1200, avec tout ce que je lui avais laissé, qui en fin de compte avait dormi dans un carton pendant 8 ans... Plein de disquettes sentaient le moisi, pas mal d’entre elles déclarèrent forfait quand je les essayai ; mais dans l’ensemble le taux de pertes fut très faible, et imaginez : je retrouvai le contenu de mon disque dur exactement dans l’état où je l’avais laissé ! C’est une nouvelle qui me fit vraiment plaisir. De son côté, ma fiancée Sylvie récupéra son ancienne console VCS Atari, avec quelques cartouches comme Jungle Hunt, Kangaroo... On y joue de temps en temps, c’est marrant, ça nous rappelle plein de souvenirs d’une époque où on ne se connaissait pas, et chacun en fait profiter l’autre.

Conclusion

Voilà, actuellement, je vis heureux avec ma fiancée, ce qui fait que je n’ai plus la vie dissolue « à fond dans les jeux » que je menais avant. Au niveau matériel, j’ai une console VCS Atari, une ColecoVision, un Adam, un Amiga 1200 et deux PC. Curieusement, je n’ai pas replongé dans le monde des consoles : je n’en ai eu aucune autre que la Coleco, donc tout ce qui est NES, Megadrive, Dreamcast, Playstation, X-Box, etc... me laisse plutôt indifférent, même si je suis les infos en gros. Pour ce qui est du petit monde du PC, les moments où j’avais plaisir à tout démonter, formater, réinstaller sont derrière moi : maintenant je veux juste que ça fonctionne correctement, je n’ai plus le courage ni l’envie de « mettre les mains dans le cambouis ». J’en suis à un stade où je ne joue plus trop, quand c’est le cas je privilégie des jeux online gratuits (Half-Life & mods, Diablo 2, Battlefield 1942 & Desert Combat...) qui me permettent de retrouver mes copains de Clermont-Ferrand et de m’éclater les soirs avec eux. Par contre, j’aime retrouver le plaisir des jeux d’arcade ou de l’époque Amiga, un petit coup d’émulateur de temps en temps c’est bien agréable. Et puis en parler aussi, j’essaie de partager mes coups de cœur avec vous en écrivant des articles sur GrosPixels, mais ça, vous le saviez déjà...

JPB
(27 octobre 2005)